Algérie

De faux comptes sur les réseaux sociaux pour attaquer des journalistes détenus



À la situation socio-économique désastreuse dans laquelle se débat le royaume du Maroc, où les manifestations se multiplient de jour en jour contre un gouvernement sourd aux revendications, s'ajoute une méthode sournoise de riposte instrumentalisée par les autorités contre toute forme d'opposition. C'est ainsi qu'une nouvelle enquête vient de mettre en lumière les pratiques du Makhzen visant à faire taire les dernières voix dissidentes au Maroc, à travers l'utilisation d'une dizaine de faux comptes sur les réseaux sociaux pour discréditer et harceler des journalistes détenus, dans le cadre d'une campagne en ligne coordonnée.L'enquête menée par le DFRLab basé aux Etats-Unis, en collaboration avec le Global Reporting Centrer et le Projet de lutte contre la désinformation de l'université Simon-Fraser, a révélé que la direction de la société américaine «Meta» avait, le 22 mai dernier, supprimé 43 comptes Facebook dont l'objectif était de mener des campagnes coordonnées et soigneusement préparées pour dénigrer des journalistes et un groupe de dissidents marocains, certains sur une période de six ans. «Meta a supprimé les 43 comptes après avoir déterminé qu'ils étaient liés à un réseau précédent de 385 comptes et six pages Facebook ainsi que 40 comptes Instagram, supprimé en février 2021», précise l'enquête, relevant que «les comptes découverts fonctionnaient dans un effort concerté sur Facebook pour partager du contenu aligné sur les objectifs de l'Etat marocain».
En plus des récits ciblant les journalistes Omar Radi et Soulaiman Raïssouni, «les comptes rendus ont fait état d'attaques vigoureuses contre d'autres défenseurs des droits humains et des citoyens marocains critiques à l'égard de l'Etat». Il s'agit notamment de «l'homme politique et avocat emprisonné Mohamed Ziane, de l'historien et militant des droits humains, Maati Monjib, du dissident et youtubeur Zakaria Moumni et de la youtubeuse Dounia Filali et de son mari Adnane Filali». «De nombreux comptes ont partagé le même contenu à des périodes proches ou identiques à travers un ensemble cohérent de sources alignées sur l'Etat marocain», souligne l'enquête. «Les comptes ont également écrit des commentaires désobligeants à propos de certains de ces journalistes sur les publications Facebook de médias pro-gouvernementaux», ajoute la même source, notant que «certains des comptes ont ''liké'' des publications identiques, ce qui implique un degré de coordination de l'engagement, en plus de la coordination du contenu».
L'enquête fait, en outre, ressortir que «les 43 comptes se sont livrés à la désinformation et à la diffamation pour attaquer des journalistes au Maroc», en «publiant le contenu d'articles dénigrant Omar Radi et Soulaiman Raïssouni, ainsi que des commentaires haineux sur des publications Facebook de médias». Les auteurs de l'enquête font remarquer que «le réseau a été actif pendant au moins six ans», soulignant que «pendant cette période, le gouvernement marocain a arrêté et emprisonné plusieurs des individus visés par les comptes». «Il a notamment été actif à des dates où Radi et Raïssouni ont été menacés d'arrestation ou de comparution devant le tribunal, y compris avant leur condamnation initiale et pendant leurs procès en appel», ont-ils précisé.
«Cette manipulation des réseaux sociaux faisait partie d'un éventail d'outils utilisés dans le cadre d'une campagne beaucoup plus large de harcèlement et d'intimidation alignée sur l'Etat», conclut l'enquête.


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