Algérie

De danseur étoile, à agent de sécurité


Ceci est la triste histoire d'un jeune danseur dont le seul tort est d'aimer son travail, de le chérir plus que tout pour qu'il puisse hisser haut et fort le drapeau de l'Algérie en étant fier d'être le danseur étoile du Ballet national... Lui, c'est Sofiane Drici. Une carrière de plus de 20 ans qui se voit interrompue du jour au lendemain sans comprendre ce qui lui arrive. Floué, perdu, aujourd'hui Sofiane se sent victime d'une «hogra» sans nom par des gens « qui refusent de voir d'autres personnes mieux qu'eux et qui veulent travailler», fait savoir Sofiane Drici qui souligne l'âme en peine: «Mon pays qui est censé me soutenir, me détruit, me brise...». Nous le connaissions une âme passionnée, aujourd'hui, c'est un Sofiane Drici, brisé aux yeux quasi éteints qui nous parle. Danseur contemporain ayant à son actif un nombre impressionnant de spectacles et plus d'une vingtaine d'années dans le domaine de la danse, nous retrouvons un homme complètement démoralisé. Celui qui a incarné jadis, avec maestra Peter Pan est un artiste en détresse. Mais un homme toujours debout malgré tout...«Je me sens détruit..»
Pour info, il a été nommé il y a quelques années danseur étoile par Mme Namous, la directrice du ballet de l'Opéra d'Alger. Une distinction des plus prestigieuses, faut-il le noter. Aussi, Mme Namous, vient de rentrer en Algérie, il y a à peine une dizaine de jours. Comme beaucoup d'autres personnes, elle s'était retrouvée coincée à l'étranger durant plusieurs mois en raison de la situation sanitaire, nous apprend-on. Aujourd'hui, Sofiane Drici a décidé de sortir de son mutisme et briser le mur du silence car il en a trop sur le coeur. Il nous raconte ses mésaventures qui remontent à six/sept mois. «Un jour, alors que j'étais en train de donner mes cours, à l'Opéra, Slimane Habès, (chorégraphe ayant été en affaire de justice, il y a quelques années avec Mme Namous, après avoir travaillé avec elle sur le spectacle Algérie, ma liberté) Ndlr), est venu afin de récupérer un dossier. Il profite de l'occasion pour demander après moi et demande à me voir pour me saluer... Je n'ai pas pu le voir car je travaillais.
D'ailleurs, il a été carrément interdit d'entrer à l'Opéra. Ayant eu vent que Slimane Habès voulait me voir, le directeur artistique du Ballet national, Kaddour Noureddine, me convoque dans son bureau et se met à m'insulter, me traite de tous les noms.
Les choses se répètent, lorsqu'un jour, je demande à Assia, -la première danseuse du ballet, recrutée par l'Opéra comme répétitrice- de venir assister à mes cours pour me donner des conseils...Ce jour-là, le directeur artistique ayant appris cela, se met en colère. Il m'insulte, me rabaisse. Furieux, il me menace de prendre mon dossier, de l'emmener à l'administration pour que je devienne agent de sécurité...Refusant cette énième humiliation, je dépose ma démission chez Farid Khaouss, le directeur par intérim pendant l'absence de Mme Namous», nous confie Sofiane Drici.
«Esclave de mon métier»
Dépité et las, Sofiane Drici avoue qu'ile ne pourra plus revenir travailler dans ce ballet après tant d'humiliations et d'atteintes à sa dignité. Pis encore, il nous dit que ses amis danseurs reçoivent eux aussi des menaces pour ne pas l'approcher ou prendre de ses nouvelles.Affirmant n'avoir aucun problème, cela dit, avec Mme Namous, qui, estime-il: «Elle m'aime bien et me respecte. Elle a été étonnée à son retour d'apprendre que j'avais démissionné. Cependant, j'ai essayé à maintes reprises de la contacter mais elle ne répond à aucun de mes messages», indique Sofiane. Désespéré, Sofiane Drici se sent définitivement abandonné, voire marginalisé par un système de fonctionnement qui, durant des années s'est employé à le broyer alors que, fait- il remarquer: « j'aime mon travail et je ne voulais qu'avancer et représenter au mieux mon pays à l'étranger».
En effet ayant pris part à plusieurs tournées internationales, Sofiane Drici a été la dernière fois, aux Etats-Unis, en 2019. Il a été invité à donner des cours de danse contemporaine dans des universités, notamment à Washington, dans le Colorado, en Arizona et à Atlanta. C'était à l'occasion de la Journée mondiale de stop domestic violence (contre la violence domestique). Il donnera à Atlanta des cours de danse contemporaine aux champions de danse et il devait retourner un an après pour y travailler encore si ce n'est l'avènement du Covid-19 qui a eu raison de la poursuite de sa noble mission. « J'ai représenté l'Algérie avec le ballet dans plusieurs pays, j'ai toujours été à la hauteur de se qu'ils voulaient de moi. Je me suis sacrifié car j'adore mon métier. Oui! Je suis l'esclave de mon métier et je veux que ça évolue, qu'on soit comme tous les artistes qui sont passés par là et qui nous ont transmis leur héritage, ces gens qui nous ont fait rêver et poussé à croire en notre art. Malheureusement, certains ne veulent pas de personnes compétentes, ils les détruisent. Ils détruisent nos rêves, nous empêchent d'avancer dans la vie, nous font perdre l'espoir...»
«Pourquoi tant de mal'»
Et de poursuivre: « Alors qu'on voudrait évoluer, ils font tout pour nous détruire, nous humilier. Ça me dégoûte! Car j'ai tout donné pour qu'après, je me sente humilié de la sorte par des personnes de mon métier, qui veulent détruire nos rêves et nos valeurs... Pourquoi faire du mal, alors que l'art est un monde vaste, est censé être un monde de partage et de joie pour préserver notre culture... ils n'ont rien fait depuis 20 ans.. Ils ne font que du mal. Je suis triste et détruit, car je ne sais plus qui dois-je croire. Ils m'ont enlevé toute possibilité de croire en notre avenir et il n' y a personne pour les arrêter. Même si on parle, qui va prendre notre défense car ce sont nos aînés' Ils auront toujours raison et nous, tort. Et en tant que jeune on n'a pas le droit de parler. Personne ne croit en nous, alors, comment eux veulent-ils qu'on croie en eux'» Et de poursuivre: «Nous ne pouvons jamais revendiquer nos droits. Nous sommes immédiatement transférés en conseil de discipline.
Le Ballet national devient la Gestapo. Pourquoi tout ça, alors que nous aimons plus que tout notre travail et nous voulons donner le meilleur de nous-mêmes'» s'interroge Sofiane Drici, avec une voix chagrine. «De Combien de Sofiane Drici regorge ce pays' Combien de talents brisés et de rêves avortés'».
La tutelle va-t-elle entendre le cri de détresse de ce danseur' Un cas qui est loin d'être isolé et surtout sur lequel on ne peut fermer les yeux. Des abus de pouvoir et des renvois illégaux et arbitraires...ceci n'est pas la première fois que le Ballet national se voit entaché par de telles accusations jusqu'à ternir son image. Une triste image pour une institution qui est censée refléter la beauté et la grâce, être le foyer même de la vie et l'épanouissement de l'être... comment arrive-t-on aujourd'hui à couper les ailes d'un danseur en plein dans son envol'
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