Algérie

De Coluche à Si Makhlouf El Boumbardi



De Coluche à Si Makhlouf El Boumbardi
En politique, l'humour est à double tranchant. Dans le difficile exercice de son magistère élyséen, François Hollande vient de l'apprendre à ses dépens. Sa dernière «blagounette» sur la sécurité en Algérie, dite devant un aréopage «ethnico-communautariste» dont l'existence est loin de recueillir un large assentiment des Français, lui a valu une sévère levée de boucliers des deux côtés de la Méditerranée. Inimaginable en d'autres circonstances, même un parti comme le Front national, bâti sur le revanchisme mémoriel de la Guerre d'Algérie, a joint sa voix au ch?ur des protestations. Ses «regrets» officiellement exprimés et son intention d'entrer en contact téléphonique avec le président Bouteflika semblent avoir enrayé la spirale inflationniste d'une polémique qui promettait d'aller loin.Si le chef de la diplomatie algérienne, aussitôt relayé par le secrétaire général du parti FLN, a jugé satisfaisante cette première réaction du Président français, c'est le signe qu'à Alger comme à Paris, la tendance est à l'apaisement. Encore que...les «regrets» et les excuses, dans la langue de Molière, n'ont pas la même signification. Les premiers peuvent servir à se démarquer d'une action ou d'une déclaration et excluent donc l'existence d'une faute qui les motiverait. Les seconds, plus clairement, correspondent à un acte de résipiscence pour une inconvenance qui peut être grave. Tout n'est-il vraiment que question d'interprétation, comme le suggère le communiqué de l'Elysée ' C'est à croire que la déclaration du ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, contenait des éléments d'inspiration de la réponse française. Il y était bien question, à propos du trait d'humour de Hollande, d'une possible «improvisation d'une plaisanterie», avec cette mention, au passage, que les «improvisations sont souvent périlleuses». Voilà qui pouvait légitimement dispenser le locataire de l'Elysée de battre sa coulpe. Mais enfin, ce n'est pas la fin du monde... savoir tendre la perche à un partenaire en difficulté, c'est aussi de la diplomatie. Les Français, pour leur part, et à en juger par leurs réactions au vitriol sur les sites Internet, laissent transparaître un agacement mal vécu pour l'humour cultivé par leur Président. La plupart d'entre eux trouvent cet humour de mauvais aloi et incompatible avec les difficultés qu'ils vivent. Les réactions indignées d'une grande partie de l'opposition ont-il fallait s'y attendre- fait monter la mayonnaise. C'est de bonne guerre. On peut supposer que l'avis ne sera pas partagé par la classe des humoristes et chansonniers français, connus pour leur férocité et le soin qu'ils mettent à décortiquer, avant de la croquer, l'actualité politique. Ils commencent déjà à faire leurs choux gras de cet énième trébuchage de Hollande. Ils ont de qui tenir, au pays de l'éternel Coluche, grosse gueule au c?ur sensible dont les «restos du c?ur» nourrissent chaque hiver des millions de citoyens. Lui, avait poussé la provocation par l'humour jusqu'à entrer dans des préparatifs soutenus pour une candidature à l'Elysée en 1981. Le malheur, pour la classe politique française, c'est que si son élection n'était pas totalement assurée, sa popularité le prédisposait largement à jouer les arbitres du deuxième tour. Il n'alla pas jusqu'au bout de sa démarche -il en fut empêché-, mais il signa par son attitude bravache l'entrée par la grande porte de l'humour dans la politique. Dans les mêmes années 80, un grand acteur algérien, Athmane Ariouat, campa dans le film «Carnaval fi dechra» le rôle d'un maire spécialiste de la gestion des affaires publiques par la dérision, la démesure et un surréalisme de faits sociaux risibles par leur seule existence. Certains diront que la sociabilité «politique» de ces deux personnages est une preuve d'une possibilité de rapprochement débonnaire entre l'Algérie et la France. Si l'humour peut contribuer à hisser les relations entre les deux pays à un niveau plus élevé pourquoi pas ' Mais de grâce, que personne ne se paye la tête de l'autre devant n'importe quel conclave inféodé à un Etat spoliateur, voleur de la terre des autres et de leurs libertés.A. S.




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