De Babylone à Bologhine

On se rappelle les slogans antisaoudiens des supporters du club de Aïn M'lila l'année dernière. Devant la colère des Saoudiens, le Premier ministre s'était platement excusé, au nom du gouvernement, du peuple et de l'humanité, promettant à la partie vexée que ce genre de «dérapage» ne se reproduirait plus.Dimanche dernier, c'est le club algérois de l'USMA qui a chanté des slogans favorables à Saddam Hussein lors d'un match à Alger de la Coupe arabe contre le club Forces aériennes, ce qui a valu la même colère des Irakiens, au point où l'ambassadeur d'Algérie à Baghdad a été convoqué. Mais là, c'est le capitaine d'équipe de l'USMA qui s'est excusé, ainsi que le président du Comité olympique et le ministre des Sports. Traités avec un certain mépris par les élites comme une masse sans culture, sauvage et rétrograde, les supporters algériens rivalisent souvent d'audace et de composition, chantant en rimes joyeuses des chansons hostiles au régime sans que celui-ci ne porte plainte.
Sauf que cette fois-ci, ils sont allés trop loin, non pas en chantant des louanges à Saddam Hussein, dictateur qui attire encore quelques sympathies pour s'être opposé aux Américains et aux monarchies du Golfe, mais en traitant les chiites, principal courant religieux irakien, de tous les noms. Sérieusement, peut-on vraiment leur en vouloir quand les officiels du pays eux-mêmes traitent les chiites de déviants, que la police traque, pourchasse et arrête, pendant que le ministre des Affaires religieuses ne rate jamais une occasion pour dire publiquement tout le mal qu'il pense d'eux ' En réalité, la police, la justice et le ministère des Affaires religieuses devraient aussi présenter des excuses.
Dernièrement d'ailleurs, plusieurs membres d'un courant religieux, El Qour'aniyoune, ont été arrêtés. Le délit ' Ces «qoranistes» ont simplement décidé de ne s'en remettre qu'au Coran divin, tout en rejetant les hadiths humains, dont la suspicion sur leur origine peut être légitime. Pourquoi pas une finale entre les tenants du dogme et la confédération des esprits ouverts ' A Bologhine bien sûr.