Algérie

David Vincent à Alger



Il faisait beau ce jour-là, vous savez, ce mélange extraordinaire de chaleur et de vent frais que seul est capable d'inventer le climat méditerranéen tempéré, comme me l'avait appris Mme Hadj Ali, ma chère professeur de géographie au lycée. Il faisait même si beau que c'en devenait irréel.C'était pourtant un jour de semaine, laborieux ou du moins affairé, en tout cas peu propice à la poésie en ce capharnaüm d'Alger. Mais indiscutablement, il y avait quelque chose dans l'air, une flottaison générale de sérénité, des particules débonnaires et dilettantes en suspension. Inexplicablement, mes nerfs, d'habitude mobilisés, à peine la clé de contact engagée dans sa fente, se laissaient emporter par la tiédeur ambiante. Mais les signes précurseurs ne tardèrent pas. Déjà, dans le parking, il y avait eu ce voisin taciturne, revêche aux salamalecs dont nous abusons, il est vrai. J'ai dû me frotter les yeux pour valider.M'avait-il fait un signe chaleureux de la main ' J'en doutais encore quand, parvenu au grand carrefour, prêt à affronter, pare-choc au clair, les janissaires de la route, le premier que je croisais me laissa aimablement la priorité que je n'avais pas d'ailleurs. Il y a quand même quelques gens biens, me suis-je dis. Un peu plus loin, c'est un autre qui m'invita à passer avec un sourire grand comme ça. Tiens, il y a au moins trois types corrects dans cette ville, ai-je alors conclu, en m'ajoutant sans modestie au compte. Cela valait un geste et, de la main, je fis comprendre que je rendais la courtoisie. Là, il changea de comportement et, sortant presque son buste de la fenêtre, il hurla : « Ouallah, mon frère, je ne bougerai pas d'ici si tu ne passes pas ! ». Et je passai en cueillant au passage sa face réjouie. Plus loin, chez le buraliste, peu amène d'ordinaire, grande manifestation d'accueil du vendeur et cette scène d'un client s'effaçant galamment devant une jeune femme.Plus tard, cet ami croisé qui me raconte, estomaqué, qu'il revient des archives de l'APC et qu'il a eu ses extraits de naissance d'origine en un clin d''il, même que le préposé lui avait ajouté deux copies. « On ne sait jamais mon frère, tu peux en avoir besoin », qu'il lui a dit avec un sourire encore. L'affaire devenait sérieuse. Quelque chose se propageait dans la ville, plus sournoisement que la grippe H1N1. Une contagion fulgurante de savoir-vivre et de bonne humeur qui ne pouvait que cacher quelque chose de terrible et d'imminent. Un complot ourdi à l'échelle du cosmos cette fois. Je me suis souvenu du feuilleton Les Envahisseurs des années 1970 et, tel son héros, David Vincent, qui les avait vus, je me mis à observer les auriculaires et les annulaires des gens, histoire de voir s'ils étaient écartés, preuve d'une origine extraterrestre. Mais seules leurs lèvres l'étaient sur des sourires, tous plus échancrés les uns que les autres. J'avais pourtant vu le match la veille et il me semblait bien que Saâdane n'avait procédé qu'à deux changements. Là, il m'a bluffé car il avait bel et bien changé 35 millions de personnes. Pourvu que la FIFA ne dise rien. Pourvu que ça dure'
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