Algérie

Dates
Quand on rencontre une ancienne connaissance, ami ou collègue à qui on n'a pas grand-chose à dire, une phrase type sort immédiatement et automatiquement de la bouche sous la forme d'une question à laquelle on n'attend pas de réponse: " Est-ce que ça marche' ". Etant donné, la difficulté de vivre qui sévit sous nos latitudes, la réponse est souvent quelque peu évasive et trahit un pessimisme conforme à l'ambiance générale depuis que le billet de mille dinars est devenu le Ppcm de la monnaie. Cet après-midi, surprenant un de mes anciens collègues à la mine réjouie dans une superbe voiture noire, je lui ai posé la question fatidique et passe-partout qui permet de se débarrasser d'un dialogue superflu, il me répondit avec un profond désenchantement: «Bien sûr que ça marche! Depuis longtemps que l'on nous fait marcher! Depuis 62... Je dirais même depuis le Congrès de la Soummam!». J'en suis resté baba! Comment se fait-il que ce collègue qui a été gâté par le sort, qui a pris une part de la rente pétrolière sous forme d'une retraite plus que confortable, puisse-t-il garder une rancune tenace envers ces deux dates mémorables et renier le parcours chaotique, certes, mais ô combien bénéfique d'un pays qui en a vu des vertes et des pas mûres, une période qui l'a formé et qui l'a fait homme et propulsé à de hautes responsabilités... Mais la vie est ainsi faite: l'homme n'est jamais satisfait de son sort: même l'Homo sapiens, l'ibéro-Maurusien dont on a retrouvé les restes du côté de Vgayeth, a dû maudire, il y a 7000 ans, le sort qui l'a jeté sur les bords d'une Soummam qui n'était même pas encore polluée. Et puis, je trouve étrange que mon collègue qui avait toujours fait preuve d'un patriotisme standard, c'est-à-dire un attachement à toutes les constantes de la nation, celles qui ont été définies par toutes les chartes revues et corrigées par le parti unique, me jette à la face ces deux dates pour lesquelles je garde un profond respect. Je me suis dit alors, que mon collègue a dû subir une déception quelque part et qu'il voulait me choquer en foulant aux pieds ces deux dates sacrées pour que je puisse engager avec lui un duel idéologique qui lui permettrait de se défouler un peu sur ma personne. Je ne relevai pas le gant et le quittai abruptement en pensant au nombre de gens qui en ont dans la tête des dates qui leur servent de repères pour les causes de leur infortune. Celui-ci a dû se tromper puisque tous les régimes successifs ont tourné le dos aux décisions du 20 Août 1956. Il aurait pu me jeter à la figure le 1er Novembre s'il avait jugé qu'il aurait eu un avenir meilleur sous une période coloniale qui se serait prolongée jusqu'à une date ultérieure. Mais ce serait osé de faire de la politique-fiction en sachant que le colonialisme ne lâche jamais sa proie. Et puis, le 1er Novembre est riche des centaines de milliers de vies sacrifiées pour que l'Algérien retrouve enfin l'espoir d'une prochaine dignité... J'aurais été d'accord s'il avait pris la date de l'élection d'un chef d'Etat, de 1963 à 2014, j'aurais signé avec lui s'il avait dénoncé le coup d'Etat scélérat du 19 Juin ou l'assassinat du président Boudiaf, l'interruption du processus électoral en 1992, la prise de la smala d'Abdelkader, la crise berbériste ou la bataille de Zama.Mais de là à citer 1962...


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