Dar el Hadra

Les séances initiatiques ont de tout temps rythmé la vie des Kasbadjis. Les longs et interminables nuits agrémentées de sessions spirituelles prodiguées par les maîtres soufis  sont encore vivaces dans la mémoire collective.  Chaque maison annonçant un heureux évènement était tenue d’organiser la Hadra (louanges lyriques). La confrérie Aissaoua, très ancrée dans notre société, venait donner des soirées de « transe musique » pour conjurer le mauvais sort. Le père fondateur de cette confrérie soufie, Cheikh El Hadi Ben Aissa ou Cheikh El Kamel devait, dès le quinzième siècle répandre à travers tout le Maghreb cette discipline qui devint incontournable lors des cérémonies religieuses notamment durant le Mawlid El Nabaoui. Gagnés par  cet engouement sans faille au vénéré maître, les adeptes s’activaient  à se relayer dans les cours de maisons pour inviter les troupes Aissaoua ou Bambara (Baba Salem) pour accomplir de véritables sessions thérapeutiques aux patients atteints par des dysfonctionnements psychiques. Dans un cérémonial très culte, la séance de fumigation au benjoin (Tbkhira) bat la mesure au rythme cadencé du Karkabou, ou la Ghaïta.  Le maître de cérémonie faisait apparaître les sept couleurs pour répondre au profil psychologique du patient. L’entrée en transe de ce dernier débute avec hochement de tête à la couleur indiqué.  Les musiciens accentuent le rythme pour libérer les esprits du corps humain incarné dans le panel de couleur. Dans cette folle équipée pour déloger les mauvais esprits, les habitants de la Casbah se parent de leur plus beaux atours pour badigeonner leur terrasse à la couleur bleue de la Nila. La Sqifa (patio) devait, quant à elle, faire figure de temple pour créer un évènement en trompe œil d’une arène de combat contre les Djinns. A la rue Bologhine, Dar El Hadra qui a vu naître les érudits du soufisme se targue d’être le dernier carré des Derviches.  On leur reconnaissait cette sacro sainte  maîtrise du voyage spirituelle qui met en symbiose  toutes les facultés psychiques de l’individu.