Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, effectuera une visite d'Etat en Algérie à partir de demain dimanche et jusqu'au 7 du mois en cours et le ministre russe des Affaires étrangères y est attendu pour sa part le 14 décembre prochain, la veille du forum russo-arabe qui se tiendra à Marrakech au Maroc.«Alors que les visiteurs israéliens affluent à Rabat, le numéro 1 de l'Autorité palestinienne a tenu à réserver sa visite d'Etat à l'Algérie », relèvent des observateurs. Abou Mazen s'entretiendra avec le président Tebboune « sur la situation dans les territoires occupés et en toute évidence sur la ruée de nombreux pays arabes vers l'établissement de relations diplomatiques, militaires et sécuritaires avec l'entité sioniste ». Nos sources indiquent ainsi que «les deux présidents s'échangeront les vues sur les récents développements dans la région à la lumière de la normalisation avec Israël et discuteront également du Sommet de la Ligue des Etats arabes prévu en mars prochain à Alger». Un sommet qui se prépare dans des conditions des plus complexes au regard des divergences qui minent les relations interarabes et le ralliement de plusieurs pays arabes à une reconnaissance sans retenue de l'entité sioniste piétinant ainsi la cause palestinienne et le peuple qui la porte. La situation en Libye est aussi préoccupante en raison des forces étrangères qui refusent de la quitter tout autant que les mercenaires qu'ils ont installés à travers l'ensemble de ses régions alors qu'il ne reste que quelques jours à l'élection présidentielle. Bien que de nombreux candidats se préparent à cette course, le processus électoral bute contre de nombreux obstacles, les uns plus encombrants que les autres. Les observateurs relèvent qu'à ce jour, la loi électorale n'est toujours pas ficelée et la Haute commission nationale des élections n'a pas rendu publique la liste définitive des candidatures. Seif El Islam Kadhafi, fils du défunt colonel Maâmar Kadhafi, leader de la Jamahiria assassiné en 2011, est retenu depuis avant-hier comme candidat par décision du tribunal de Sebha qui a enfin pu statuer sur son cas après avoir été assiégé pendant plusieurs jours par les forces armées du maréchal Khalifa Haftar.
La pénible tâche de «ramasser» un monde arabe en miettes
La communauté internationale a fixé la date du 24 décembre prochain pour l'organisation du scrutin présidentiel libyen mais ne s'est jamais encombrée de la mise en ?uvre des recommandations des deux conférences de Berlin ou de celle de Paris. Le plus urgent était de faire partir les mercenaires de Libye et mettre fin aux ingérences étrangères mais en vain, rien n'a été fait dans ce sens. Mis à part peut-être les 300 mercenaires que Haftar a fait partir « sur demande de Paris ». Le reste, tchadiens, nigériens, soudanais notamment, ne quitteront la Libye que si leurs gouvernants reçoivent les contreparties financières qu'ils réclament aux pays occidentaux pour, avancent-ils, «donner des emplois aux rapatriés et assurer leur prise en charge sociale une fois rentrés».
Comble de l'ironie, à un peu plus d'un mois de l'élection présidentielle, l'envoyé spécial de l'ONU pour la Libye et chef de la Mission d'appui des Nations Unies dans ce pays (MANUL), le Slovaque Ján Kubiš, avait remis sa démission au Secrétaire général António Guterres. Nommé en février, Kubiš a quitté ses fonctions en novembre dernier après que les Etats-Unis l'avaient « exhorté » à gérer la crise libyenne à partir de Genève. Il semble que c'est le transfert de son bureau à Tripoli qui a été à l'origine de sa démission. Mais en réalité il ne pouvait faire plus que son prédécesseur Ghassan Salamé qui avait jeté l'éponge en raison des ingérences étrangères dans sa mission. Entre les deux envoyés spéciaux de l'ONU pour la Libye, il y a eu l'intermède de Nikolaï Mladenov qui s'en est désisté à peine une semaine après sa nomination en tant que tel. C'est dire que la Libye risque de rater ses rendez-vous électoraux et replonger dans une guerre fratricide en l'absence de garanties solides pour leur tenue et pour la résolution de sa crise.
Autre pièce du puzzle, celle-là d'une dangerosité indéniable, la démission de Kubiš est intervenue une quinzaine de jours avant la visite au Maroc du ministre israélien de la Défense. L'effet domino de cette visite n'en restera certainement pas là. Les deux accords de défense, militaire et sécuritaire conclus à cette occasion par les deux partenaires font peser de lourdes menaces sur la région. Avant ce sinistre épisode, des pays du Golfe dont l'Arabie Saoudite avaient déclaré sans nuance aucune soutenir le plan d'autonomie marocain pour le Sahara Occidental. Pour réussir la 31ème session ordinaire du sommet de la Ligue des Etats arabes, Alger aura en premier la pénible tâche de « ramasser » les morceaux d'un monde arabe dont l'émiettement prend une ampleur effrénée.
Kordahi, Paris et les autres
Alger n'aura peut-être pas le temps de relancer la réforme de la Ligue au titre de laquelle elle demande depuis plusieurs années en particulier une présidence tournante, un nouveau mode de vote (à la majorité et non par consensus) et une Cour de justice. Une Ligue qui fêtera la 77ème année de sa création dans un contexte de reniements indécents (la Syrie, la Palestine occupée, le Yémen) et des ruptures brutales entre ses membres, celle entre l'Algérie et le Maroc en est tout édifiante. L'Algérie faut-il le noter partage 19 commissions de coopération avec 22 des membres de l'organisation panarabe mais n'enregistre qu'à peine 5% d'échanges commerciaux avec l'ensemble du monde arabe.
Oran a tenu ces derniers jours une importante conférence sur la paix et la sécurité en Afrique avec comme objectif de rappeler aux pays membres de l'Union africaine leurs obligations envers les causes justes et les peuples colonisés. Il n'est certainement pas un hasard que la Libye choisit cette période pour céder au Maroc sa candidature au Conseil de paix et de sécurité de l'UA pour la période 2022-2025. L'on rappelle au passage que le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté le 29 octobre dernier la résolution 2602 qui proroge le mandat de la Minurso mais qui consacre en même temps le plan d'autonomie marocain pour les territoires sahraouis. Une résolution pour le vote de laquelle deux partenaires de taille de l'Algérie -la Russie et la Tunisie- ont curieusement préféré opposer l'abstention.
Au-delà de la déflagration programmée de la Syrie, un pays que l'Algérie voudrait ramener à la Ligue arabe, l'Irak, le Yémen, il y a le Liban qui est fortement déstabilisé et qui peine à voir son gouvernement régler les nombreux problèmes qui le minent.
Le Liban où des propos de George Kordahi dénonçant une guerre nuisible au Yémen ont provoqué le courroux de l'Arabie Saoudite et d'autres pays du Golfe, jusqu'à priver les Libanais de leurs moyens de subsistance. Notons que Kordahi a démissionné hier de son poste de ministre de l'Information parce que, a-t-il dit, « je refuse d'être la cause de problèmes pour mes compatriotes et pour mon pays ». Il a précisé aussi qu'il démissionne «parce que Paris veut que je le fasse avant que le président Macron n'effectue une visite au Liban».
Rien n'est fortuit, tous ces événements qui se bousculent et s'enchaînent répondent en évidence à des agendas bien ficelés et dont les promoteurs veulent disloquer davantage le monde arabe et provoquer l'Algérie qui ?uvre, entre autres, pour être membre observateur au sein du Conseil de sécurité de l'ONU pour la période 2024-2025.
Serguei Lavrov à Alger
De l'avis de diplomates algériens, « le monde arabe qu'on connaît historiquement est en phase d'agonie et la Ligue arabe est devenue une tribune pour faire passer des agendas au détriment de la cause palestinienne pour laquelle la solution de deux Etats est émiettée sous l'effet des constructions sans interruption de colonies juives mais aussi par le silence des Arabes ». Une Ligue qui, soutiennent des observateurs, «est commandée par l'Egypte et les pays du Golfe».
L'une dans l'autre, la Ligue des Etats arabes et l'Union africaine se voient malmenées par l'entité sioniste avec la bénédiction et au vu et au su de leurs membres.
L'intrusion de Tel-Aviv dans les rangs africains sous le fallacieux statut de membre observateur n'est pas pour rassurer la région.
Encore un test difficile que l'Algérie devra passer en février prochain, lors de la tenue du sommet des chefs d'Etat africains.
Imbriqués comme ils le sont, tous ces événements menacent la sécurité dans la région arabe et africaine. Une région où la stabilité de l'Algérie dépend étroitement des résolutions des conflits qui l'entourent, la Libye, le Mali, le Sahara Occidental. Ceci, en attendant que l'UA se ressaisisse et refuse de se faire doubler par la CEDEAO (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest) qui décide de sanctions envers des pays africains sans demander son avis. L'urgence de mettre un terme à une « Communauté » qui voudrait mettre sous tutelle l'UA devrait en principe s'imposer lors du sommet de février.
Il n'est pas sûr que les choses se décompteront facilement en faveur du droit, de la légalité et de la souveraineté des Etats et des peuples dans un contexte où, comme souligné par des responsables, «on n'a pas de pays amis, il n'y a que des intérêts(...)».
La conjoncture régionale et internationale est ainsi propice aux alliances et aux recentrages de positions tant les pays comme l'Algérie font face à un redoutable jeu de rôles dont les conséquences risquent d'être tragiques pour tous. Dans ce climat tendu, un basculement périlleux du Maghreb n'est pas à exclure. «Chacun doit choisir son camp », estiment des responsables politiques à leur évocation de la visite à Alger à partir de demain dimanche d'Abou Mazen, le président de l'Autorité palestinienne.
C'est en principe dans cette logique que s'inscrira, le 14 décembre prochain, la venue du ministre russe des Affaires étrangères Serguei Lavrov.
Ceci, même si le chef de la diplomatie russe prévoit de faire une escale à Alger avant d'aller à Rabat pour s'entretenir avec son homologue marocain et à Marrakech pour procéder le lendemain 15 décembre à l'ouverture du forum russo-arabe en présence d'Abou El Gheith, secrétaire général de la Ligue des Etats arabes qui, eux, seront représentés par leurs MAE respectifs excepté l'Algérie qui le sera probablement à un niveau diplomatique «secondaire».
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Posté Le : 04/12/2021
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : R N
Source : www.lequotidien-oran.com