Dans la cour de l'IDRH, assimilée à l'agora par un et à la halqa par un
autre, Mustapha Cherif, ancien ministre de l'Enseignement supérieur et
ex-ambassadeur de l'Algérie en Egypte, a donné une conférence sur le dialogue
des cultures et des religions.
Avant d'entamer son propos, il estimera que la zaouïa où il a été convié
et l'IDRH qui l'a reçu dans la soirée d'avant-hier sont «deux espaces
complémentaires». Evoquant la situation de l'Algérie, et partant du monde
arabo-musulman, il dira «on se retrouve entre deux feux : celui du mimétisme de
la modernité et celui de la falsification de la tradition». Mais ce qui aggrave
davantage notre situation, ajoute-t-il, «c'est qu'on nous interdit la
critique». Or, nous sommes appelés plus que jamais à effectuer «un travail sur
nous-mêmes et sur les autres».
Estimant que le monde
arabo-musulman est exclu (ou s'est exclu ? on ne le saura pas) depuis cinq
siècles de la production des valeurs humaines, après y avoir été un acteur
important 1.000 ans auparavant, le conférencier avancera l'année 89 du siècle
dernier, coïncidant avec la chute du Mur de Berlin et le démantèlement de
l'URSS, comme date de notre chute dans l'oeil du cyclone. Trois figures
serviront de points d'appui aux dominants, expliquera-t-il : la logique du
marché ; la techno-science et la figure de l'autonomie de l'individu référant
notamment à la séparation du religieux d'avec le politique et le respect des
droits de l'Homme. «Nous sommes en panne» face à ces trois figures, tonnera le
conférencier. Plus grave, signale-t-il, nous sommes perçus comme des
adversaires de ces figures. Face à cette nouvelle situation, ou cette nouvelle
forme d'hégémonie, notre réponse a été maladroite et aggravante, estimera
l'ex-diplomate. Elle a consisté soit en un rejet irrationnel, attitude de ceux
qui se réclament de l'authenticité, ou à un mimétisme aveugle, apanage des
défenseurs de la modernité, dira-t-il. Or, le dialogue, avec soi et avec
l'autre, est incontournable, insistera-t-il. Récusant les exclusifs, le
conférencier estimera que les dissidents que nous sommes sont appelés à
s'insérer dans le monde, à accéder et à participer à l'universel tout en tenant
à leur exigence d'être critiques. Reprenant la question dans des termes hérités
de l'époque de la «Nahda», il dira : est-il possible de conjuguer authenticité
et modernité ? «On assiste à un début de maturation pour aller vers une
synthèse», avance-t-il comme élément de réponse. D'où, la nécessité de
dialoguer avec les autres cultures et les autres religions, conclut-il. Il ne
reconnaît pas l'existence d'une troisième voie, du genre «mouvement non
aligné». «L'ouverture à l'universel, à l'altérité,... avec le droit et
l'obligation de demeurer critique». Formulé autrement, Mustapha Cherif fera
part de sa conviction de l'existence d'autres possibilités que l'enfermement et
la dilution que veulent nous imposer les extrémismes religieux et politique.
Lors des débats, le conférencier s'est départi de sa posture d'intellectuel
gravitant autour des cercles du pouvoir (son nom figure toujours sur les
tablettes des décideurs politiques). A un avocat qui l'interroge sur
l'existence ou non d'une société, il tiendra les propos d'un opposant.
Affirmant que «le problème se situe au niveau de l'Etat et non au niveau de la
société», Cherif plaidera pour une «libération de la parole». Pour la sortie de
la crise, la condition sine qua none est «l'ouverture du débat, la libération
de la parole», tonnera-t-il. Par le dialogue, on apprendra à vivre ensemble. Et
de se ressaisir «les pouvoirs ne doivent pas comprendre qu'on cherche une
remise en cause de l'Etat». D'ailleurs, ce qu'il propose sur un plan interne
est valable pour lui sur un plan plus large. A une autre question, il estimera
que «de par notre proximité géographique avec l'autre, (entendre l'Europe ou
l'Ouest) les dissidents que nous sommes, nous sommes incontournables pour sa
propre sortie de crise. Finalement, il ne s'agit pas d'une divergence entre
l'autre et nous mais de la conception même de l'humain. Voilà l'enjeu et le
défi auquel nous sommes confrontés, conclut le conférencier. Il s'est prononcé
contre le projet de l'UPM (Union pour la Méditerranée) et a confirmé que le
devenir de l'humanité se joue en partie en Palestine où se confrontent des
extrémismes. Se trouvant dans une situation conviviale, face à un public
policé, Mustapha Cherif a surfé à sa guise entre les postures. Tantôt il a
intervenu en tant que philosophe, tantôt en tant que islamologue.
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Posté Le : 02/09/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ziad Salah
Source : www.lequotidien-oran.com