«Les conditions carcérales en Algérie sont atroces. Les détenus sont entassés comme du bétail et sont maltraités. Ceux qui osent dénoncer l'ordre établi sont mis dans des cellules à part, sans fenêtre et sans la moindre commodité. Ils sont violentés et tabassés avec des objets en caoutchouc pour ne pas laisser de traces. J'ai entendu certains crier mais eux ne le disent pas. Ils craignent d'autres représailles. Ce que j'ai vu est incroyable. Je ne peux pas me taire devant une telle situation», a révélé, hier, Mohamed Smaïn, ancien responsable de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme à Relizane, lui-même ayant été incarcéré pendant 18 jours dans une annexe de prison de la wilaya. Des propos tenus lors d'une conférence de presse organisée au siège de l'agence Interface Medias, à Alger. Arrêté le 19 juin dernier pour purger une peine de deux mois de prison ferme, prononcée par la Cour suprême d'Alger, pour une affaire qui remonte à 2001, il a été relâché le 6 juillet dernier, à la faveur de la grâce présidentielle. «J'ai été libéré à la faveur de cette grâce présidentielle mais je ne crois pas trop à cela», a-t-il dit. En effet, tout porte à croire que ce n'est nullement cela qui a mis fin à la détention «arbitraire» de l'ancien militant des droits de l'Homme mais la forte mobilisation citoyenne autour d'un même appel : «libérez Mohamed Smaïn». Revenant sur les conditions de son arrestation, Mohamed Smaïn insistera sur le mot enlèvement au lieu d'arrestation : «C'était un enlèvement. Les policiers sont venus chez moi me dire qu'ils ont reçu l'ordre et que je devais les accompagner mais ils n'avaient pas de mandat d'arrêt ou d'amener. Ils prétendent que j'ai reçu des convocations de me présenter au commissariat et que je ne m'y suis pas rendu. C'était faux. La seule notification que j'ai reçue n'avait pas de date ni de motif. Je ne l'ai pas signée.» Selon Mohamed Smaïn, dont la condamnation à deux mois de prison ferme a été déjà prononcée il y a plus de dix ans, les véritables raisons de son arrestation sont les craintes de certains représentants des pouvoirs publics de relancer, en France, le dossier des disparus. «On m'a envoyé des émissaires pour me demander de revenir sur mes déclarations sur la découverte des charniers à Relizane, et convaincre les familles des disparus de renoncer à leurs accusations à l'encontre de personnes réfugiées aujourd'hui en France et qui sont accusées d'être derrière ces disparitions.» Une procédure judiciaire lancée près du tribunal de Nîmes, il y a plusieurs années, mais arrêtée pendant que Sarkozy était chef d'Etat. L'arrivée au pouvoir des socialistes pourrait changer la donne et cela fait peur, pensent certains, aux accusés eux-mêmes mais aussi à certaines parties du pouvoir politique en Algérie.Présent à cette conférence de presse, Me Ali Yahia Abdenour a fait part de ses regrets de voir «la question des droits de l'Homme régresser en Algérie. Le droit et les droits en Algérie s'arrêtent aux portes des prisons. Nous devons nous battre sur deux fronts : l'éducation et la législation». Et de poursuivre, insistant davantage sur la législation : «La nouvelle APN n'étant pas légitime, nous ne pourrons pas avoir une Constitution légitime. C'est pourtant la loi suprême du pays. Et c'est là tout le danger. Mobilisons-nous pour que la nouvelle Constitution soit une Constitution d'un Etat de droit. Battons-nous pour que nous ne soyons plus des sujets mais des citoyens. Nous avons gagné la bataille des législatives, préparons-nous pour gagner celle de la Constitution».
K. M.
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Posté Le : 10/07/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Karima Mokrani
Source : www.latribune-online.com