Algérie

Dans les coulisses d'une soirée électorale à Béjaïa



En attendant les résultats? Minuit passé, il n'arrête toujours pas de pleuvoir. Pas âme qui vive dans les rues de la ville. Dans la grande cour du siège de la wilaya, la présence de quelques fonctionnaires réquisitionnés, disséminés çà et là, brisent le vide des lieux. Dans quelques locaux administratifs, tout autour, ça fourmille. Les journalistes occupent un 12 m2 dans une patience qui leur promet encore une longue nuit blanche. Ce fut fait. Les résultats du scrutin qui venait d'avoir lieu ne tombent toujours pas. Ça arrive au compte-gouttes. Alors, on se débrouille comme on peut ; un appel téléphonique par-ci, un compte-rendu radiophonique par-là. Du coup, on prend de l'avance sur l'administration. 2h, le compte donne un petit espoir de pouvoir rentrer un peu plus tôt que prévu : nous avons les résultats de 45 APC. Une quinzaine de sièges pour le FFS, une dizaine pour le RCD, et une demi-dizaine pour le FLN. Du côté de l'administration, on en est à la trentième confirmation. Le pas est lourd. Dans le bureau qui sert de cellule de presse juste pour la circonstance, et empruntée à une commission de l'APW, la poignée de confrères fait les cent pas. Qui triomphera, qui défilera au rythme des klaxons dans les rues ? Nous avons encore pour quelques heures d'attente, c'est promis. Le temps de mordre dans une pomme sans goût, commenter quelques calculs douteux et liquider un petit four orphelin qui a survécu aux petits crus des premières heures de la soirée. Plus de génoises non plus. La petite table basse supporte encore le poids de mégots écrasés nerveusement dans des gobelets jetables noircis par du café léger. Toujours pas de nouveau. Dans l'après-midi, les lieux étaient beaucoup moins sages. 17h, l'APS a balancé sa septième dépêche de la journée. A Darguina, un partisan d'une liste indépendante a réussi à subtiliser un paquet de bulletins qu'il distribuera aux électeurs illettrés de la liste. Il sera appréhendé. L'info est insolite. Pas celle parvenue de Sidi Aïch à travers un communiqué du FLN dénonçant « une tentative d'homicide volontaire ». Un de leur militant aurait été agressé par arme blanche, deux jours plus tôt, par un militant d'un autre parti. La victime a été admise au bloc opératoire de l'hôpital de la ville. La campagne électorale a ceci de malheureux de laisser s'exprimer l'intolérance et quelquefois la haine. Le parti accusateur verra plus clair samedi. Les gens du MOB aussi. Pour eux, samedi sera aussi journée de vote. Invitation a été distribuée, à l'intérieur de la cellule, pour la couverture d'une AG élective. Les premiers comme les seconds sont comme dans un panier de crabes. 17h30. Les nouveaux taux tombent, une moyenne de 32% de participation. On confirme la tendance : on est toujours dans la moyenne nationale. On se surprend alors à trouver la proportion pour le moins surprenante. Béjaïa vote ? « Un 35%, c'était déjà dans l'air », lance quelqu'un. On y est presque. Dans l'air aussi cette prévision qui gratifie le FFS de la majorité des APC. On n'y est pas encore. Dans le petit bureau, on patiente debout. Plus de places pour les nouveaux arrivés. 24 badges ont été distribués. L'équipe de la télévision nationale a pris ses quartiers, un peu loin du centre-ville, au centre d'amplification du côté de ce qu'on appelle toujours la route de Sétif, mais qui mène pourtant partout où l'on veut. L'affectation contrarie quelque peu les gens de l'ENTV. On rompt « l'isolement » le temps de quelques grands plans sur des urnes de la ville. Au siège de la wilaya, entre deux chiffres communiqués chichement, on trouve l'occasion pour quelques félicitations : « un confrère s'est marié » ; et pour des remémorations : le clash d'une ex-députée islamiste recalée aux législatives dernières qui s'est introduite dans la cellule de presse. De ses remontrances, on en rit encore. La presse serait responsable de son triste score. L'expérience de son intrusion a servi. Des représentants du RND venus s'enquérir, sans résultats, des derniers taux, le vérifieront à leurs dépens. Dommage. 18h40. C'est le ministre de l'Intérieur qui les proclame à la télé. Décidément, nous flirtons avec la moyenne nationale. Dehors, la pluie est fine. 19h50. Premiers résultats : le RCD prend l'APC de Tinebdar et le RND celle de Sidi Aïch. Fausses infos. Le FFS impose le ballottage dans la première et le FLN s'adjuge la seconde. Autant aller prendre la température dans les QG des partis politiques. Au RCD, l'ambiance est crispée. « C'est serré entre nous et le FLN », commente, sans plus, la tête de liste APC du chef-lieu. Nous trouvons la confirmation dans la permanence du FLN. Ambiance enthousiaste dans une prédominance de jeunes. On crie à la victoire. Et déjà des voitures sont « habillées », prêtes à défiler. 20h40. Un saut à la permanence du FFS. La déception est sur les visages. « C'est le FLN », nous confirme encore un candidat APC. « Catastrophique », chuchote un militant. « Si la maison FFS se réorganise, nous ferons une percée en 2012 », prévoit, confiant, un autre. Retour au siège de la wilaya. 20h45. Nous prenons les taux de participation définitifs et nous patientons pour le reste. A l'écran, les nominés de Alhan Oua Chabab défilent devant le micro. « Aïyouni sahara », chante l'un d'eux. Il sera recalé. La nuit est longue et des confrères renoncent à aller plus loin. Dehors, la pluie est subitement battante. Un tour du côté des locaux qui ont servi de siège, à deux pas d'ici, pour la défunte commission de surveillance des élections. Les lieux, inutilement éclairés, sont fantomatiques. Des chaises retournées et un paquet de formulaires qui chauffe un étage d'une armoire. Plus de CWISEL, plus de foule débordante jusque dans la cour. Plus de fraude ? Les perdants n'en parlent pas encore. 23h30. Nous tenons les résultats de la première répartition de sièges d'une APC ; celle du chef-lieu : 5 pour le FLN qui en réclame un sixième. Notre demande de jeter un coup d?'il à l'intérieur d'un des bureaux du cabinet de wilaya qui abrite la cellule de coordination des résultats, deux étages plus haut, est sans suite. Sur le préau, une foule des représentants des APC attend de passer devant la commission de vérification. Le temps passe. 4h30. Les PV de 11 communes, dont celles de la daïra de Tazmalt, ne sont toujours pas parvenus à la commission. Difficultés de calculs, manque de personnels et de moyens où contretemps ? 5h30. Enfin, la délivrance. Le FFS a perdu du terrain, le FLN en a profité au chef-lieu et le RCD n'en a pas grignoté grand-chose. Et les résultats ne sont pas définitifs. Nous laissons le 12 m2 aux prochains élus de l'APW qui l'occuperont dans les difficultés d'une cohabitation à reconduire forcément. Etrangement dans les rues, on n'entend pas les klaxons des défilés.


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