Algérie

«Dans le traitement médiatique des kidnappings, la dignité de l'enfant et la douleur des parents n'ont pas été respectées» Fayçal Oulmi. Chargé de la communication de l'Unicef à Alger



«Dans le traitement médiatique des kidnappings, la dignité de l'enfant et la douleur des parents n'ont pas été respectées» Fayçal Oulmi. Chargé de la communication de l'Unicef à Alger
Il y a une méconnaissance des règles et des lois relatives aux droits de l'enfant. Les images d'enfants tués ou violentés sont choquantes pour les familles des victimes et les gamins qui regardent la télévision. Pour l'Unicef, il y a nécessité de réfléchir sur la meilleure manière d'amener les journalistes à avoir une bonne approche dans le traitement de la violence à l'égard des enfants. C'est ce qu'a déclaré, dans cet entretien, le chargé de la communication du bureau de l'Unicef à Alger, Fayçal Oulmi.
- En tant qu'organisme onusien de défense des droits des enfants, quelle analyse faites-vous du traitement de ces violences à l'égard des enfants par les médias algériens '

D'abord, je tiens à préciser que ces enlèvements et ces assassinats commis sur des enfants m'ont choqué. Je les condamne fermement tout en ayant une pensée pour leurs parents. En ce qui concerne le traitement de ces actes, il faut savoir que l'Unicef travaille beaucoup avec les médias sur les questions des droits de l'enfant, que ce soit dans des circonstances douloureuses, comme les actes de violence, ou dans celles dites positives entrant dans le cadre de la promotion des droits de l'enfant garantis par la Convention internationale de la protection des droits des enfants (Cipde). Cette loi fait de la dignité de l'enfant un principe immuable au-dessus de toute autre considération. Dans le traitement de ces affaires de kidnapping et d'assassinat, la dignité de l'enfant n'a pas été prise en considération. Ce qui doit impérativement susciter une réflexion sur la gestion médiatique de la violence à l'égard des enfants.

- Selon vous, les images retransmises d'enfants violentés, tués, jetés sur un tas d'ordures ou mis dans un sac en plastique ne sont-elles pas une violation de cette dignité garantie par la loi '

Elles ne touchent pas uniquement la victime, mais également sa famille. Il faut penser à ces moments de douleur et de choc que celle-ci vit. Montrer des images d'enfants morts ou violentés peut nuire aussi à d'autres gamins qui regardent la télévision et susciter la psychose chez eux. Les organes de presse sont certes très importants dans la lutte contre les violences à l'égard des enfants, mais il faudra ouvrir la réflexion sur la meilleure manière de traiter le sujet sans porter atteinte à la dignité de la victime, accentuant la douleur de sa famille ou heurtant la sensibilité des autres enfants.

- Qui, d'après vous, doit veiller au respect de la dignité de l'enfant et donc de l'interdiction de son image, de son nom et de la divulgation des sévices qu'il a subis ' Est-ce les organes chargés de l'éthique et de la déontologie ou l'Etat '

C'est plutôt un problème d'éthique. Il y a des principes universels consacrés à la protection des droits de l'enfant, notamment sa dignité, contenus dans la Cipde, à respecter, mais aussi à promouvoir partout dans le monde et au sein de la communauté des journalistes. C'est un travail en profondeur qu'il faut faire en direction des médias. Il y a une méconnaissance des règles et des lois relatives aux droits de l'enfant qui incite l'Unicef à multiplier les réflexions sur la meilleure manière d'amener les journalistes à avoir une bonne approche dans le traitement de la violence à l'égard des enfants.

- Pensez-vous que le souci de choquer l'opinion pour mieux la mobiliser contre la pédophilie a été plus fort que la nécessité de protéger la dignité des enfants '

Au sein de l'Unicef, nous savons que les médias ont un rôle important dans la mobilisation de la société contre les violences à l'égard des gamins, mais aussi de sensibiliser les familles sur la nécessité de protéger les enfants et de leur apprendre à se protéger. Etant donné la charge émotionnelle que suscitent les enfants, certains médias n'ont pas réfléchi aux conséquences. Je dis certains médias, parce que le traitement de ces affaires était partagé entre une manière «soft» de parler des actes de violence et une autre plus dure et plus violente. Ces derniers ont traité le sujet sous l'angle du scoop, sans se soucier de ses répercussions.

- Est-ce par méconnaissance des lois ou juste pour des considérations mercantiles liées au scoop '

Je dirais qu'il y a méconnaissance des lois. L'Unicef a élaboré des manuels sur le sujet qu'elle a remis à la Fédération internationale des journalistes pour une large diffusion. De plus, des lois nationales, notamment en Algérie, existent et les journalistes doivent nécessairement avoir pris connaissance de leur contenu.

- Pour de telles dérives, l'Algérie ne risque-t-elle pas d'être épinglée par des organismes onusiens qui veillent au respect des droits de l'enfant '

Les médias sont libres et ne peuvent être interpellés ou sanctionnés. De plus, je ne pense pas que ce traitement soit malintentionné. Il faut juste savoir que les scoops sont éphémères, mais le travail de recherche et de longue haleine laisse des traces. C'est pour cela qu'au sein de l'Unicef, nous privilégions la réflexion à travers des débats, des ateliers de formation ou des colloques avec les professionnels de la presse. Nous recherchons la meilleure méthode qui permet au journaliste de contribuer dans la stratégie de lutte contre la violence en ayant à l'esprit le principe fondamental de la protection de la dignité de l'enfant.

- Dans ces affaires d'enlèvement et d'assassinat, à qui incombe la responsabilité ' A la famille accusée de négligence ou à l'Etat incapable d'assurer la protection des enfants '

A l'Unicef, nous n'accablons personne. Notre principe est de faire en sorte que l'enfant soit bien protégé d'abord dans le premier cercle qui l'entoure, c'est-à-dire sa famille, puis au sein du second, qu'est son voisinage, et enfin dans le troisième qui est l'Etat. Nous pensons que la famille doit apprendre à protéger son enfant et lui apprendre à se protéger. Son entourage, comme les voisins et les amis, est aussi impliqué dans cette protection avant d'arriver aux institutions de l'Etat qui agissent en aval. Nous sommes en train de traiter les résultats d'une enquête que nous venons de terminer. Effectuée auprès de 30 000 ménages, en collaboration avec le ministère de la Santé et un groupe intersectoriel, cette enquête à indicateurs multiples concerne les droits de l'enfant sous tous les angles. Elle devra nous donner une idée sur la prévalence de la violence, mais aussi sur une multitude de situations liées à l'enfance. Les résultats seront publiés incessamment. Concernant le traitement médiatique des violences à l'égard des enfants, nous sommes prêts à apporter notre contribution pour animer des ateliers, des rencontres et des cycles de formation au profit des journalistes.


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