Algérie

Dans le principe de l'offre et de la demande



Dans le principe de l'offre et de la demande
Il y a une trentaine d'années, comptées parmi les plus beaux souvenirs des moments cultuels en Algérie, les responsables politiques étaient contents de la vie culturelle menée par les citoyens, dans tous les compartiments des arts, surtout de celui de la scène dramaturgique et ils ne manquaient pas de promettre, alors, pour le plus proche avenir, au moins un théâtre pour chaque wilaya. Avec ses infrastructures en pierres et matériels, son administration, ses équipes de comédiens et techniciens et son école d'art dramatique. C'était cette époque où la chose théâtrale algérienne avait son mot à dire à l'étranger et ses pièces primées dans les festivals internationaux. Avec des bricoles financières il en sortait des représentations de facture très appréciable, sur le plan des contenus comme sur celui de la forme. Les salles -pratiquement les mêmes en nombre qu'il y a actuellement - affichaient complet depuis la générale jusqu'à la dernière soirée programmée, parfois même bien au-delà. Et la nature des spectateurs était de tous les environnements sociaux ou professionnels, dès le lendemain de la première.De l'héroïsme à l'offenseDans ce feuilleton de la culture produite pour la salle, comme pour le cinéma, l'art pictural, la musique de groupe, et caetera, c'est-à-dire qui nécessite le déplacement des personnes en nombre et en permanence pour voir ? l'origine du mot théâtre vient de «regarder» dans le latin et le grec ? la culture de l'art dramatique était dans les m?urs et les habitudes. On allait regarder une pièce, comme on va à un film, un match de foot, à la télévision ou au stade. Et on discutait de la pièce, autour de la pièce, de son auteur, son metteur en scène et de ses acteurs, avant et après la représentation. Le théâtre antique a débuté dans la Grèce, à Athènes pré-démocratique, dans l'acte de célébrer Dionysos, le dieu du vin, des arts et de la fête, et ensuite pour glorifier les héros de la mythologie, dans la période de ces années quatre-vingt les metteurs en scèneet les acteurs de la scène algérienne étaient vécus par les populations tels d'authentiques héros. Sirat Boumediene, Ould Abderrahmane Kaki, Abdelkader Alloula, Slimane Benaïssa, M'hamed Benguetaf, Azzeddine Medjoubi, Fouzia Aït El Hadj, Dalila Helilou, pour l'exemple, étaient des repères culturels, artistiques incontournables.Avec ces personnages, qui ne demandaient pas la lune, le théâtre, aux yeux des gens simples et des férus, signifiait beaucoup de choses dans les catégories de valeur, qui rassérénaient sur le devenir de la conscience populaire, avant l'empoisonnement de celle-ci par le discours de l'argent. Le concours de la crise de l'endettement, faillant solder le Trésor public, et la montée fulgurante de la mouvance islamique, a fait sonner le glas sur le rayonnement théâtral en Algérie. On ne revient pas, ici, sur la sinistre période des années quatre-vingt-dix où l'Etat algérien a risqué de perdre son profil, en même temps que toutes les configurations intelligibles de la nation, dont la culture et ses manifestations par les arts. Le troisième millénaire ramène avec lui le fait accompli de la mondialisation et ses mots d'ordre concernant les nouvelles modalités de fonctionnement des communautés et le traitement de la culture, pas plus spécialement en Algérie qu'ailleurs. La mondialisation, entre autres bouleversements dans les échanges entre les individus et les groupes, où l'argent devient la seule courroie de transmission, va conforter la civilisation de l'image, de sorte que les arts traditionnels se sentent terriblement menacés, dont le théâtre, art de l'«ici et maintenant» par excellence, qui peut, dans son essence, normalement se passer de la prise d'image, donc de toute l'industrie chère, qui fait mener la vie dure à l'homo sapiens du cinéma. On dit dans un moment d'entracte d'une représentation estimée médiocre parce que la régie ne dispose pas de suffisamment de fonds pour engager des comédiens plus professionnels, mettre en place des décors et des costumes plus étoffés, et tout ce qui s'ensuit dans l'accompagnement technique, que le budget pour un film de fiction de 90 minutes est capable, en Algérie, de fiancer la prise en charge d'une vingtaine de pièces de théâtre professionnel.Le théâtre et sa populationIl a été mis en place le festival du théâtre professionnel, donc en même temps que la «fatalité» de la mondialisation et sa libre entreprise et au moment où l'Etat revient à la charge pour subventionner les théâtres. Mais des dix théâtres à disposition permanente en Algérie, celui du TNA et des théâtres régionaux, concentrés dans quelques villes, les principales, d'aucuns responsables, entre praticiens et spécialistes, s'accordent pour dire que le théâtre est entrepris assez convenablement dans sa fonction managériale. Nous ne sommes pas au défi d'un théâtre par wilaya, mais déjà au 9ème festival du théâtre professionnel. Celui-ci vient de se terminer après la représentation de dix-sept pièces en dix jours en tout. Mais avec comme appréciation globale la non attribution du grand prix ; ce qui n'a pas été évidemment dans le goût des participants. Les représentations n'auraient pas été au niveau exigé des théâtres régionaux, malgré les moyens en leur disposition, ont expliqué les membres du jury qui ont fait ce constat d'échec. Dont l'un des participants, un directeur de théâtre régional, d'un passé prestigieux se dresse contre cet aveu et rétorque : «Les propos des membres du jury sont insultants vis-à-vis de tous les créateurs, ils estiment qu'il n'y a pas de niveau, moi, je pose la question, est-ce que les membres du jury ont le niveau '»Festival de théâtre en Algérie, professionnel ou amateur, la question que pose ce directeur de théâtre régional est intéressante, dans le sens et la mesure où elle est restituée dans ses proportions originelles. Les proportions de l'offre et de la demande, dès que nous sommes dans la mondialisation et que l'Etat est de concert de ne pas abandonner la culture aux vicissitudes de sa pratique sans balisement.La plupart des régies des théâtres en Algérie, qui ne sont pas des centaines, disent qu'elles ne disposent pas des moyens de bord nécessaires pour travailler leur théâtre, mais qu'elles compensent dans la réduction afin de produire dans la qualité. Argument en général réfuté par les responsables administratifs de l'Etat et les critiques. Mais l'un dans l'autre, le terme «professionnel» pour désigner la nouvelle formulation de la pratique du théâtre en Algérie, partage les points de vue. Certains l'associent à l'argent et ses attributs, d'autres aux principes du métier. Dans la naissance du théâtre en Grèce où même les esclaves avaient le droit d'assister aux pièces d'Eschyle, Sophocle ou d'Euripide, les acteurs qui jouaient étaient payés rubis sur ongle. Et ils ont inventé le théâtre car cet art est né art populaire et il était vécu comme une activité de tous les jours. Il faut qu'il vive de ses fruits. L'Algérie est bourrée de citoyens riches qui désirent construire des stades de foot, parce que le football est devenu en Algérie une affaire de tous les jours. Il s'agit de faire en sorte, selon des férus de cette profession des planches, que les populations de la culture dans ce pays aient leur mot à dire sur ce sujet, le moment où elles le trouvent important.N. B.




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