Algérie

Dans le désert du Hoggar, sur les pas du Père de Foucauld Au rythme des caravanes, la visite des trois lieux, près de Tamanrasset où le "marabout français" a passé les dernières années de sa vie.



Dans le désert du Hoggar, sur les pas du Père de Foucauld Au rythme des caravanes, la visite des trois lieux, près de Tamanrasset où le
Ici, on calcule les distances en jours ou en semaines, pas en kilomètres. Ces chameaux, qui déambulent d'un air dédaigneux dans le pittoresque marché à bestiaux de Tamanrasset, ont mis trois semaines à venir du Niger ou du Mali. Accroupis, la tête recouverte d'un voile pour se protéger des rafales de poussière, propriétaires et acheteurs potentiels discutent à voix basse. " Ils négocient. Cela peut prendre des jours et des jours. Nous, les Touaregs, ne sommes jamais pressés", dit l'un d'eux en souriant.
L'atmosphère est à l'optimisme, ces jours-ci, à Tamanrasset. Grâce aux pluies de cet automne, le désert s'est couvert de touffes de verdure et de fleurs. Pour une fois, les troupeaux ont eu de quoi se nourrir. Dans les campements touaregs comme sur les marchés de la ville, on trouve du lait, du beurre et du fromage de chèvre en abondance. L'autre motif de satisfaction, c'est la béatification de Charles de Foucauld, le 13 novembre, à Rome. "Ça nous attire des touristes", se réjouissent les habitants de "Tam".

Il n'y a pas besoin d'être chrétien ni croyant pour s'intéresser au Père de Foucauld ainsi qu'à son sujet d'études préféré : les Touaregs. "On présente trop souvent Foucauld sous l'aspect uniquement religieux, en négligeant les autres facettes de sa personnalité. Beaucoup ignorent qu'il a été un formidable linguiste, le premier grand spécialiste de la langue et de la culture touarègues. Et aussi un écrivain de talent, auteur de plus de 6 000 lettres. Il a en outre été un excellent dessinateur", souligne Antoine Chatelard, membre de l'ordre des Petits Frères de Jésus, installé à Tamanrasset depuis 1954. D'après ce religieux, spécialiste du père de Foucauld, il faudra encore longtemps pour que s'efface l'étiquette d'"espion déguisé en moine" et de "suppôt du colonialisme" accolée à l'ancien officier de l'armée française, mais les choses évoluent tout doucement en Algérie.

Foucauld ? Le nom de cet aristocrate brillant, fêtard agnostique qui retrouve la foi en 1886, à l'âge de 28 ans, et mène dès lors une vie ascétique, ne dit rien aux jeunes Algériens. La génération du dessus, elle, n'ignore pas que le "marabout" français a passé à Tamanrasset les onze dernières années de sa vie. Et, pour beaucoup d'Algériens, la "frégate" (la maisonnette chapelle de Foucauld), le bordj et l'ermitage de l'Assekrem — les trois lieux où il a vécu entre 1905 et 1916 — font aujourd'hui partie du patrimoine national.

A l'entrée du bordj, on peut encore voir la trace de la balle qui a traversé la tête de Foucauld, le 1er décembre 1916, avant de se ficher dans le mur. Ce jour-là, des pillards touaregs envahissent le fortin où s'est installé le religieux quelques mois plus tôt. Foucauld est ligoté. Le benjamin de la bande est chargé de le surveiller tandis que ses compères fouillent la demeure. Entendant deux soldats français s'approcher, le jeune gardien est pris de panique et tire sur son prisonnier. Le "frère universel", comme Foucauld se surnomme, cède pour de bon à "l'appel du maître". Il avait 58 ans. Quelques 15 000 disciples, hommes et femmes, se réclament aujourd'hui de lui à travers le monde.

" J'aime bien Foucauld et je ne supporte pas qu'on dise du mal de lui ! Je n'ai qu'une crainte : que les deux Pères, Edouard (78 ans) et Alain (82 ans), qui ont pris sa relève à l'Assekrem, ne soient pas remplacés, le jour où ils partiront", déclare Mokhtar Zounga, en conduisant son 4 × 4 sur la piste rocailleuse qui monte à l'ermitage, dans un décor de western.

Zounga, c'est une personnalité à Tamanrasset. Nomade jusqu'à l'âge de 16 ans, ce Touareg, une force de la nature, a lancé la première agence de tourisme privée en Algérie. Un tourisme "alternatif responsable" qui permet l'aventure tout en veillant à préserver le Sahara. Zounga a

été maire de "Tam" de 1997 à 2002. "J'ai passé l'essentiel de mon mandat à ramasser les ordures et les sacs plastique qui traînaient dans la ville et dans le désert ! raconte-t-il avec humour. Je voulais montrer l'exemple. Nous devons offrir à nos visiteurs ce qu'ils espèrent trouver : un désert propre !" Autre particularité de Zounga : il est le neveu de Ba-Hammou, secrétaire et traducteur du Père de Foucauld pendant les six mois que celui-ci a passés à l'Assekrem en 1911.

Du haut de ce piton rocheux situé à presque 3 000 mètres d'altitude, balayé par le vent, le spectacle est inoubliable. Des aiguilles semblables à des orgues, d'énormes roches rectangulaires posées sur l'horizon comme des molaires, des pics somptueux, des cratères de volcan... On comprend que Foucauld ait choisi ce lieu sauvage et sublime pour y planter son ermitage, une simple bergerie.

A quelques kilomètres de là, mais en contrebas, Ewanzeg, chef de la tribu Agouh-n-tahlé, l'une des plus importantes du Hoggar, a installé son campement non loin d'une source. Ce guerrier autrefois redouté est aujourd'hui âgé de 115 ans. S'il n'inspire plus la crainte, Ewanzeg continue d'attirer le respect. Devenu aveugle, mais ayant conservé toute sa tête, le vieillard suit de près les affaires de la tribu. Sa fortune ? Trois cents chèvres, quarante chameaux et une trentaine de moutons. "L'eau est mon principal souci, mais cette année est la meilleure que nous ayons connue depuis l'indépendance", explique-t-il en agitant deux longues mains noueuses.

Le vieux chef touareg a eu sept filles et trois fils qui lui ont donné une multitude d'héritiers. Cheveux hirsutes et morve au nez, les petits gambadent pieds nus autour des tentes déchirées, rafistolées avec des couvertures et des bâches en plastique, dans un froid glacial en dépit du soleil. On se croirait revenu à l'âge de pierre. L'école ? "Cette année, on a décidé que les enfants feraient leur formation avec nous ! Les garçons s'occupent des chameaux avec leurs pères et les filles vont chercher du bois et de l'eau avec leurs mères. Elles apprennent également à traire les chèvres", répond, insouciante, Khadidja, la dernière fille d'Ewanzeg.

Tout en riant gaiement, cette femme sans âge, au visage ridé, pétrit une galette de tawet, une graine noire qu'elle a ramassée dans la montagne. Après avoir glissé le pain sous la cendre, elle fera du beurre de chèvre en secouant vigoureusement une outre en peau de mouton qu'elle a remplie de lait. Le produit obtenu, d'une étonnante blancheur, sera vendu sur un marché de Tamanrasset. Khadidja n'a-t-elle jamais envisagé de quitter le campement familial pour s'installer en ville ? "Jamais ! Pour moi, le désert, c'est la liberté. Tant que je suis ici, avec mon père à mes côtés, je suis la plus heureuse des femmes !", répond-elle, radieuse.





Carnet de route
Vols réguliers Paris-Alger, sur Air France, à partir de 261,62 €, A/R (Tél. : 0820-820-820). Correspondance, deux fois par semaine, pour Tamanrasset sur Air Algérie (319 € A/R). Egalement, deux vols charters directs pour Tamanrasset par semaine, depuis Paris, avec Point Afrique (0-820-830-255) et Aigle Azur (0-810-797-997).

Visa. Visa obligatoire : 33 € (consulat, tél. : 01-53-72-07-07).

Climat. La saison idéale va d'octobre à avril. L'air est sec et la visibilité étendue, il commence à faire chaud à la mi-mars. Dans les montagnes de l'Atakor, en revanche, la température reste supportable à cause de l'altitude toute l'année.



Sur place
Se loger. A Tamanrasset, l'hôtel Le Tahat affiche trois étoiles locales (Tél. : 00-213-029-34-42-72. Fax 029-34-43-25). Le Relais d'Outoul, à une dizaine de kilomètres de Tamanrasset : belle propriété privée de 4 hectares. Douches avec eau chaude (tél. : 029-34-60-09 ; fax : 029-34-46-38). Gîte saharien Dromadaire (tél. : 029-34-82-52). Gîte saharien Bordj-Quatre Quatre (tél. : 029-34-22-58). A l'Assekrem, Refuge de l'Assekrem. Chambres à quatre et dortoirs. Spartiate mais bien utile (tél. et fax : 029-34-75-16 ou arouj@caramail.com).

Randonnées. Spécialiste du désert, Explorator propose plusieurs itinéraires, à pied et en 4 × 4, en 8 ou 15 jours et en petits groupes, dans les tassilis du Hoggar. Tous s'arrêtent à l'Assekrem. A partir de 1 200 € (Explorator, tél. : 01-53-45-85-85). D'autres programmes notamment chez Terre d'Aventures (tél. : 0825-847-800), et Déserts (tél : 0892-23-66-36). Sur place, parmi les 5 agences localesdignes de ce nom, la plus ancienne, Akar-Akar, fondée par Mokhtar Zounga (tél. :029-34-60-09. Fax 029-34-46-38 akarakartam@hotmail.com).

Lectures. Algérie, guide Petit Futé, une mine d'informations utiles.Le Chemin vers Tamanrasset de Charles de Foucauld, et La Mort de Charles de Foucauld, tous les deux d'Antoine Chatelard (Editions Karthala). Chants touaregs,de Charles de Foucauld, réédition de 210 poèmes, Paris, Albin Michel, 1997. Textes touaregs en prose, de Charles de Foucauld, Aix-en- Provence, Edisud, 1984.


En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/voyage/article/2005/12/30/dans-le-desert-du-hoggar-sur-les-pas-du-pere-de-foucauld_725795_3546.html#IuowflOzJZ7wzUqX.99


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