Algérie

Dans la vraie vie,la mort Point Net


Il ne se passe pas une semaine sans que le ministre de la Santé ou un autre haut responsable du secteur ne vienne nous rassurer sur la situation des malades du cancer. Ils nous disent tour à tour que les médicaments, contrairement à la' réalité sont disponibles et que seuls quelques «petits déréglages» dans la distribution et la gestion posent problème.Ils nous disent également, inauguration solennelle face aux caméras à l'appui, que de nouveaux centres spécialisés sont déjà opérationnelles, pendant que d'autres sont en projets avancés.
Ils nous disent enfin que les rendez-vous pour une séance de chimio ou de radiothérapie vont être raccourcis jusqu'à se faire dans les normes médicalement admises. Dans la vraie vie, il est plutôt question de' la mort. Foudroyante, lente ou entre les deux.
Dans la vraie vie, avec de vraies preuves à l'appui, loin des caméras et tout près de la tombe, des rendez-vous pour une radiothérapie courent jusqu'en' 2015 ! D'ici là, le cancer peut se métastaser. Pas une fois mais plusieurs.
En faisant le tour des corps et même déborder. C'est vrai qu'on ne meurt qu'une fois mais ça ne fait pas une consolation.
Au service de radiothérapie du centre Pierre et Marie Curie d'Alger, «l'attente des malades pour obtenir un rendez-vous en consultation dépasse une année alors que le traitement n'est possible qu'après plus d'une année et demi», nous rapporte notre collègue d'une source médicale qui fait aussi ce constat, partagé entre l'indignation et l'aveu d'impuissance : «Les malades se présentent souvent avec des métastases alors que d'autres meurent avant même leur programmation.»
Un pays qui chante sa prospérité dans toutes les mélodies et sur tous les tons et qui n'arrive pas à soigner ses cancéreux, ça a un nom : le désastre.
Difficile au point où on en est de retenir ses enfants qui, Ramadhan ou pas Ramadhan, nous rappellent qu'ils sont toujours prêts à affronter la mort en tentant la traversée suicidaire, pendant que les malades attendent le grand voyage à l'hôpital où à la maison, avec la feuille de rendez-vous pour les soins qui jaunit sous l'oreiller.
«Jeudi, deuxième jour du Ramadhan, un groupe de 25 candidats à l'émigration clandestine a été intercepté à une vingtaine de milles marins au large d'El Kala», nous rapporte une autre collègue qui cite le groupement territorial des gardes-côtes de Annaba.
Ces jeunes, dont l'âge varie entre 25 et 35 ans tentaient de rejoindre l'Italie, un pays qui chante plutôt la disette que la prospérité mais qui doit tout de même soigner ses cancéreux.
Et si les conditions climatiques favorables pouvaient inspirer le moment choisi pour l'aventure, elles n'en sont pas pour autant la raison profonde. Sinon, les harraga ne seraient pas aussi déterminés.
Si déterminés qu'ils affrontent maintenant les gardes-côtes en fonçant sur leur embarcation. Il y a eu mort d'homme à Ras El Hamra, près de Annaba où les gardes-côtes ont tué deux jeunes hommes sur un groupe de cinq qui refusaient d'obtempérer à leurs tirs de sommation.
Il paraît qu'ils visaient le moteur et la mort des deux hommes serait accidentelle. Le fait d'en arriver là, par contre, n'est pas un accident. On meurt du cancer ou d'autres maladies moins graves.
On meurt sur les routes, de terrorisme, d'inondations, de sécheresse, d'ennui, en affrontant les hautes vagues et maintenant en affrontant les gardes-côtes. Ramadhan n'y est pour rien, puisqu'on meurt tout le temps. N'allez surtout pas dire que c'est ça la vie !
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)