Danger immédiat

En condamnant le chercheur Djabelkhir à trois ans de prison pour un délit qui est, en fait, son droit à la réflexion sur la religion grâce à ses compétences avérées en la matière, la justice algérienne s'éloigne des grandes valeurs humanistes et révolutionnaires de Novembre pour s'enfoncer dans les ténèbres de l'inquisition. Le tribunal moderne, temple de la loi républicaine, devient un tribunal religieux, comme aux sombres époques médiévales. C'est l'effort intellectuel, l'ijtihad, que l'on met en prison et cela est inadmissible.J'ai été traîné plusieurs fois devant les tribunaux pour l'exercice journalistique mais je ne garde aucune animosité vis-à-vis des magistrats, dont certains furent vraiment odieux. Je ne garde que le sourire et la compréhension des autres, ces messieurs et dames qui honorent leur robe magistrale. Mais là, ça devient autre chose. C'est grave ! C'est une déviation majeure qui annonce une nuit obscurantiste sans pareille si l'on hésite à faire triompher la raison.
Il y a une atmosphère intenable chez nous où les perturbations en matière d'approvisionnement des marchés, la cherté des prix, le chaos devant les postes, les mesures anti-démocratiques prises par certains ministres et même les grèves sont exploités par les islamistes. L'intégrisme s'inscruste partout et ne rampe plus; il avance au galop et partout. Il devient inquiétant parce qu'il occupe toutes les cases et tous les espaces, des partis pro-pouvoir aux carrés de «Rachad» protégés par les... démocrates au Hirak !
Le cas Djabelkhir est la goutte qui fait déborder le vase. Nous voulons respirer un autre air fait de tolérance, d'amour, de culture et de modernité. Croire en une religion reste un acte de foi privé et une relation privilégiée entre l'homme et son Créateur et toute cette idéologie de l'ignorance et de la haine n'a rien à y voir.
La lutte contre l'intégrisme a marqué une longue pause et c'est pour cela qu'il est devenu notre compagnon de tous les jours. Certains croient que les fondamentalistes peuvent être leurs alliés, ignorant les leçons de l'Histoire. Le moment venu, ils montreront leur vrai visage. Il le font déjà en exhibant leurs crocs à travers des chaînes de télévision prises en otage par les frères musulmans ou les wahhabites.
Au moment où le monde musulman se réveille d'une longue nuit pour entamer de grandes réformes et moderniser la vie de ses sociétés, au moment où l'obscurantisme recule partout et où l'Arabie Saoudite reçoit les rois et reines de la musique rock-pop et inaugure des complexes de cinéma numériques, l'Algérie inquiète. Pas par sa diplomatie renaissante, pas par sa lutte féroce contre l'oligarchie, pas par le frein qu'elle met aux importations inutiles, pas par ses mesures salutaires sur le plan économique visant le «compter-sur-soi». Mais par la mainmise progressive de l'islamisme sur les affaires de la cité. Certains ne le voient pas. Mais celui qui vit au contact de la rue ne peut rater le spectacle désolant d'un obscurantisme qui ne rampe plus, qui avance à grands pas ! Le danger persiste. Il n'a pas été écarté et seule, pour le moment, l'Armée nationale populaire donne l'impression d'avoir intégré la lutte anti-intégriste dans tous ses programmes. Avec des sionistes invités à deux pas de chez nous par la traîtrise habituelle du Makhzen, la tâche se complique. Il faut tout envisager, y compris une nouvelle menace terroriste. La seule manière de répondre à tous ces défis est de sortir du piège intégriste pour réveiller l'Algérie éternelle, l'Algérie de la résistance et de la révolution ! L'Algérie debout de toujours !
M. F.