Damma fel oued

Madrid-Alger, 700 kilomètres, soit environ la distance Alger-Ghardaïa. Coût de l'opération pour importer quelques footballeurs : 5 millions d'euros, soit 50 milliards, de quoi construire une clinique ou même un stade de football.L'information n'est pas confirmée, même si elle est sortie d'un journal sportif espagnol sérieux, mais déjà, on s'interroge sur l'inconscience des enfants gâtés qui jouent avec l'argent du pays. Pour payer, non pas un think tank allemand pour sortir l'Algérie de sa crise de modèle économique, mais pour 11 jeunes joueurs au gel sur les cheveux d'un club déjà classé comme le plus riche du monde.C'est l'opérateur public de téléphonie Mobilis qui va débloquer cette somme et son PDG, Saâd Damma, a justifié son choix : «Rien n'est trop cher à nos yeux pour faire plaisir à notre peuple.» Evidemment, il y a beaucoup de choses à faire avec 50 milliards pour faire plaisir au peuple, ou faire profiter de ces 5 millions d'euros des entreprises locales.C'est le principe de la damma, le jeu de dames, très populaire en Algérie, qui consiste à manger tous les pions de l'adversaire. Mais ce jeu n'étant pas aussi complexe que celui des échecs, il finit souvent par un genre de match nul qu'on appelle tabla, où l'une des dames a pris la diagonale et, se déplaçant d'une case extrême à l'autre, ne veut pas en sortir et devient impossible à éliminer.Cette diagonale est appelée «l'oued», axe principal du plateau de jeu et l'expression «damma fel oued» signifie qu'il n'y a rien à faire, le jeu devenant nul et répétitif, pouvant ainsi continuer à l'infini sans aboutir à aucun résultat. C'est en gros la situation qui prévaut actuellement dans le pays, où une oligarchie politico-économique s'est installée dans l'oued et ne veut plus en sortir. On sait ce qui va mal, on sait pourquoi ça va mal, mais on ne peut rien faire. Pas même s'empêcher d'avoir mal.