Un peu comme les artistes interprétant les plus grands films et chefs-d'?uvre du 7e art gravés pour l'éternité dans la mémoire collective des cinéphiles, les employés des salles de cinéma font eux aussi partie des acteurs incontournables sans lesquels une projection ne peut avoir lieu.Des hommes qui, au fil des années, grâce à leur abnégation et leur proximité avec tous ceux qui fréquentaient les salles obscures, ont su marquer toute une époque où la salle de cinéma était le lieu privilégié d'une génération avide des grands classiques et de films western spaghetti, hindous, d'action, de cape et d'épée de qualité. Dahmane Rahmani, la soixantaine, fait partie de ces employés de salles de cinéma que l'on se remémore avec beaucoup d'émotion dès que l'on aborde avec nostalgie l'histoire d'une époque où aller voir un film constituait tout un rituel.Footballeur amateur au sein du club de Mouzaïa, il intègre l'APC en sa qualité d'employé communal en exerçant plusieurs petits métiers avant de rallier l'équipe chargée du fonctionnement de la somptueuse salle des fêtes Houria, avec son écran géant en bâche blanche, ses deux buvettes, son balcon aux 120 fauteuils en velours couleur bordeaux, ainsi que la grande salle d'une capacité de 200 sièges située en plein c?ur de la ville à la rue Maskar.Dahmane se souvient très bien de cette époque. «C'était en 1977, la commune venait de bénéficier d'un matériel de projection cinématographique pour relancer les activités culturelles au sein de cette salle mythique, se souvient-il. Il fallait renforcer le personnel existant et les responsables locaux de l'époque me proposaient de rejoindre le groupe en place, offre que je ne pouvais refuser.» Très vite, Dahmane va se montrer, grâce à sa jeunesse et ses qualités de sportif, capable de prolonger et faire revivre le bon vieux temps où se payer une séance de cinéma était un moment d'évasion sans mesure.C'est ainsi que le soir il va occuper le poste de placeur ou d'ouvreur durant plus de dix années. «Après projectionniste, vendeur de tickets puis ??détacheur'' de tickets, mon rôle consistait à accompagner le cinéphile et lui choisir la place qui lui convient». Le jour, notre placeur se déplace jusqu'à Alger deux fois par semaine dans une boîte de distribution, située à Hussein Dey, pour récupérer les bobines de film. «Par la suite et grâce à la collaboration de la SNTF, c'est au niveau de la gare de Mouzaïa que j'allais chercher le gros sac commandé contenant les bobines que je devais transporter à l'aide d'une brouette», se remémore-t-il.Dahmane connaissait tous les habitués de la salle de cinéma. «Certains, avant même d'acheter leur ticket, me demandaient si telle ou telle personne est à l'intérieur de la salle afin de pouvoir lui tenir compagnie et regarder le film ensemble», se rappelle encore notre interlocuteur. Au programme, deux films par semaine, à raison d'une séance tous les trois jours à partir de 20h, en sus de la séance de vendredi après-midi.Le tarif de la séance était fixé à 1,20 DA pour les places orchestre et 2 DA pour le balcon. «La salle de cinéma affichait souvent complet et les films hindous étaient les plus prisés», souligne notre interlocuteur. Et de poursuivre : «Certains cinéphiles regardaient le même film à trois reprises, le cinéma était la seule distraction.» Dahmane se souvient aussi de cette programmation du film King Kong et qui n'aura jamais lieu. «Le film était prévu pour le début de semaine, un samedi, malheureusement, la veille, le 10 octobre 1980 il y a eu le séisme de Chlef.»Les activités de la salle vont alors cesser pendant un mois avant de reprendre timidement jusqu'à l'année 1990. La salle des fêtes Houria est alors louée à un particulier avec une nouvelle équipe d'employés et Dahmane est obligé de céder son poste et réintégrer le groupe des employés communaux. Peu de temps après, et avec l'avènement de la cassette vidéo, l'engouement pour la salle de cinéma va peu à peu disparaître. Le locataire, après des efforts pour rentabiliser la salle de cinéma, va se rendre à l'évidence que le public a perdu de sa passion et qu'il était temps de mettre la clé sous le paillasson pour un The End définitif.Sans projet ambitieux, la salle de cinéma va être déviée de sa vocation pour devenir une salle où sont célébrés les mariages jusqu'à présent. Quant à Dahmane, il a pris sa retraite pour se consacrer à sa nouvelle passion, la pétanque, non sans prendre le plaisir de raconter avec beaucoup d'émotion une époque durant laquelle, au sortir d'une séance, vers 23h, tout le monde regagnait son chez soi dans la bonne humeur, se donnant rendez-vous pour assister au prochain film.
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Posté Le : 03/11/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : A L
Source : www.elwatan.com