Algérie

D'eau trouble...



D'eau trouble...
A la place d'El Wahrani de Lyes Salem, c'est El Oued, El Oued de Abdenour Zahzah qui est projeté pour cause de défaillance technique...Les 12es rencontres cinématographiques de Béjaïa ont enfin lieu dans la grande salle de la Cinémathèque. Nous y sommes enfin. Seul bémol et de taille, sur le plan technique cela ne se passe pas comme prévu. La charge électrique ne pouvant soutenir la cabine de projection, la climatisation est interrompue sans parler du film d'ouverture qui est décalé au lendemain faute d'appareillage adéquat. C'est la déception parmi les cinéphiles qui sont venus voir le nouveau film El Wahrani de Lyes Salem et qui sont repartis bredouilles. Lyes Salem est accompagné à Béjaïa par quelques-uns de ses comédiens, dont Khaled Benaïssa et Hicham Mesbah sans oublier son producteur algérien Yacine Laloui de Laith Media qui regrettera cet incident, déplorant qu'il n'y ait pas de directeur technique à ces rencontres, concluant sa pensée par «hélas c'est amateur». L'ouverture se fera tout de même par ce film comme annoncé lors de la conférence de presse tenue il y a quelques jours par le président de l'association Project'heurts, Abdenour Houchiche.Au public venu nombreux dimanche dernier, il est servi ainsi en première partie de projection, des films d'ateliers, plus précisément des films pocket, destinés à de jeunes collégiens de la wilaya de Béjaïa, de 10 mn, ayant eu lieu en mars dernier.Cette nouvelle activité est née suite à une première collaboration avec le Festival Premier Plan d'Angers en janvier 2014. C'est donc Le fantôme du musée qui est projeté avant de céder la place au documentaire (98mn) de Abdenour Zahzah, El Oued, El Oued. Dans ce film qui suit un cours d'eau depuis les cimes de l'Atlas blidéen jusqu'à l'embouchure dans la Méditerranée à quelques kilomètres d'Alger, le réalisateur au gré de ses villégiatures diurnes nous fait visiter des endroits tantôt magnifiques et insolites, tantôt des plus insalubres tout en prenant le soin d'enregistrer le témoignage des personnes qu'il va croiser sur son chemin.Il l'avouera lui-même d'ailleurs lors du débat; chaque séquence aurait pu constituer un film à part tant les propos et les sujets changent et divergent, mais l'auteur choisit surtout de continuer son chemin, poursuivre son errance comme un pèlerin à la découverte d'une autre Algérie peut-être, une autre pulsation qui a tout de même des choses à dire. Entre de sublimes plans de cette nature des plus luxuriantes et signés Nacer Medjkane, viennent contraster cette saleté et cet amas d'ordures qui trônent comme une montagne ici et là dénaturant cet environnement comme l'ont été des âmes souillées durant des décennies par des terroristes, puis d'autres marginaux et délinquants ou tout simplement oisifs au chômage abandonnés par un système qui ne les regarde pas, ne les calcule sans doute pas. Car comme le dit si bien le réalisateur, nos fleuves existent souvent dans la périphérie des grandes villes, ils sont de fait comme des îlots qui dorment dans la marge et auprès desquels certains ont trouvé refuge ou sont contraints d'y vivre, sans d'autre choix vital que celui de rester. Comme cet homme revenu pour reconstruire la maison de son frère, premier civil assassiné par la horde terroriste dit-on, ces jeunes qui sans toit ni travail, n'ont que l'after shave pour noyer leur chagrin à la place d'alcool ou encore de ces jeunes grandis trop vite ici et qui cohabitent avec les rats, cette vieille femme rongée par la solitude ou encore ce vieux monsieur par les rhumatismes.Chacun brosse un tableau peu reluisant de sa situation sociale. Beaucoup se plaignent d'ailleurs comme cette dame de l'explosion de la cellule familiale et la cohésion du couple, d'autres évoquent le passé avec nostalgie ou cruauté quand il s'agira des retombées de l'indépendance.La scène des plus surréalistes filmée dans une mosquée des plus surréalistes est criante de vérité et se présente presque comme le mot secret du film de Zahzah. Elle nous montre un imam en train de conspuer les hommes qui ne se purifient pas après avoir uriné alors, qu'il insiste Dieu aime la beauté. Il y a là un message à peine déguisé en filigrane, comme subliminal que sous-tend ce film et qui se plaît à juxtaposer l'idée de la défaillance politique de tout un pays par la défloration de l'environnement, à la fois structurel humain et architectural d'un pays. Mais le réalisateur d'El Oued, El Oued tient à préciser tout de même:«Ce n'est pas toute l'Algérie qui est montrée dans ce film mais juste une photo d'une Algérie... en vérité je voulais filmer des anonymes comme font les frères Lumière. Mon but est de faire un film qui, en le revoyant dans quelques années, on aurait une certaine idée sur comment vivaient des gens à un certain endroit, à une époque donnée» et de citer quelques références cinématographiques pour lier son film. Il évoquera notamment la fiction Au fil du temps de Win Venders.A propos du temps, le film peut être éprouvant tant la durée est longue et ne veut pas trop avancer. Il est un choix de rythme qui peut en effet lasser le spectateur et l'emmener à couper avec le film. Ce qui serait bien à saluer en tout cas, c'est le son dont un travail remarquable a été fait pour restituer le pouls de cette nature à l'état brut qui serait un véritable paradis finalement si l'on savait mieux s'occuper d'elle. Mais faut-il d'abord savoir s'occuper de nous, pour faire régner le beau autour de soi.Aussi, la laideur qui s'est installée dans ces paysages devient par ricochet la conséquence de cette aggravation des conditions sociales des Algériens, qui vient se diluer dans une nonchalance parfois désarmante et passive au lieu de prendre à bras-le-corps ses responsabilités. Ce serait en tout cas un des points essentiels que nous pouvons retenir de ce documentaire qui charrie des idées claires, mais éparses comme l'eau de roche qui peut jaillir ici et là sur cette terre...




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