Algérie

D'assiégeant, Mansourah est devenue aujourd'hui assiégée



D'assiégeant, Mansourah est devenue aujourd'hui assiégée


La restauration de Mansourah fait des vagues

Tlemcen:

Mansourah 2011 sera-t-il un « havre de paix et de méditation » ?(*)

Par Allal Bekkaï

La restauration de la mosquée de Mansourah(14è siècle), version 2011, aura suscité chez la population tlemcenienne plusieurs interrogations suite à la clôture en pierre de taille du site historique. De l'avis de plusieurs spécialistes, ce genre de travail défigure la mosquée d'autant qu' « il n'existe pas d'opportunité pour clôturer un site historique sachant qu'une clôture reléguera le monument en second plan », nous fera remarquer M. Morsli Bouayed, président de l'ASPEWIT qui aurait souhaité une « enceinte » transparente, neutre et sans apports de poteaux de béton et de fer forgé. Et d'avertir. « Cette clôture va libérer de l'espace qui va être convoité... ». Concernant les terrassements, notre interlocuteur estime qu' « il aurait fallu tout simplement garder la topographie naturelle du site et mettre du gazon... ». Pour cet écologiste averti, « la meilleure clôture pour sauvegarder les ruines de Mansourah, c'est de reconstruire les remparts et créer un espace vert avec toutes les commodités, qui sera une zone tampon pour les cités de Bouhanaq et Imama pour un développement durable... ». On se demande où est passé le comité d'urbanisme, d'architecture et d'environnement ainsi que le conseil de l'ordre des architectes...Mansourah fait partie du parc national, est-ce qu'on a demandé l'avis à sa tutelle(PNT) ? L'utilisation d'engins mécaniques dans un site archéologique ne serait-elle pas une hérésie ? Ce sont là autant de questions qui méritent d'être posées aux initiateurs de l'opération en question. Visiblement ulcéré, M. Morsli Bouayed ne manquera de fustiger cette « systématisation de l'urbanisation de tous les sites naturels et historiques... ». Et d'illustrer le syndrome « Albinos » qui affecte les minarets nouvellements restaurés par un vieux dicton tlemcenien « Bouchaqchaq dja y'bouss weldou a'mah »(La cigogne en voulant embrasser son fils lui a crevé l'œil). IL est utile de mentionner dans ce contexte que le site historique de Mansourah a fait l'objet d'un classement en 1900 et a connu des travaux de restauration et d'entretien effectués pendant la période coloniale française et post-coloniale par les architectes des monuments historiques. Nonobstant des beaux monuments de Mansourah, on arracha les plus riches matériaux pour les constructions tlemceniennes, et le terrain fut bientôt livré à la culture, selon M. Fouad Ghomari, expert en matière de restauration. « C'est avec une grande habilité que M. Lefebvre conçut et dirigea en 1877 les travaux de restauration et de consolidation du minaret. L'architecte Duthoit, obtint de la commission des monuments historiques 6.000 francs nécessaires pour mener ces travaux à bien, souligne-t-il dans un document. « Dans son rapport de 1872, où il demandait ce modeste crédit, Duthoit signalait que les matériaux de la mosquée avaient été fort dispersés. « Beaucoup de ces marbres précieux, disait-il, ont été débité et vendus au commerce». Il suffira d'indiquer aussi que la cour de la Grande Mosquée de Tlemcen fut pavée avec les dalles d'onyx de celle de Mançoûra, qu'une grande vasque de porphyre vert constitua les fonds baptismaux de l'Eglise Saint Michel (aujourd'hui galerie d'art de la place Qairouan, nd,l,r), que le Musée de Tlemcen et celui d'Alger s'enrichirent des fûts de colonnes et de très beaux chapiteaux, d'après ce spécialiste du patrimoine architectural. Par ailleurs, il faut savoir que jadis les habitants de Tlemcen passaient leur week-end en famille au milieu des vestiges mérinides de Mansourah. Dans les années 70, Mansourah avait même son festival annuel «Sons et lumières ». La pittoresque tour haute de 40 m ne manquait d'attirer les amateurs d'escalade périlleuse et de sensations fortes. Dans son livre «« Les deux Sièges de Tlemcen »(Enal 1984), le regretté Sid Ahmed Bouali évoquait avec force nostalgie ses folles escapades à Mansourah : « Que de fois, au risque de nous casser le cou, n'avons-nous pas escaladé les courtines branlantes ! Nous avons couru derrière les créneaux, tout en haut des promenoirs. Nous avons joué à cache-cache au pied des tours barlongues...Mansourah, nous y retournons, après chaque hiver, pour voir si n'a pas souffert la fameuse tour démantelée, pourtant encore majestueuse, et qui donne l'impression de se balancer, près de s'écrouler au passage des nuages. Un peu comme qui guetterait la moindre ride sur un visage aimé. Avec l'âge dit de raison, les pierres poreuses et calcinées de Mansourah ont commencé à s'animer pour nous, à prendre signification et vie... ». Feu Djelloul Benkalfat, lui, déplorait dans son ouvrage autobiographique « Il était une fois Tlemcen... »(Ed. Ibn Khaldoun-2002), que « D'assiégeant, Mansourah est devenue aujourd'hui assiégée puisque, de plus en plus, la cité s'étend vers l'Ouest. Déjà l'hôpital frôle l'enceinte mérinide. Déjà, l'école d'agriculture a été construite au-delà du minaret. Tlemcen continuera de s'étendre et le minaret, tout comme celui de la grande Mosquée sera au milieu de la ville. Espérons d'ores et déjà que le périmètre sacré des ruines sera respecté, que le site gardera sa splendide grandeur et que les architectes de demain ne dépareront pas par des cheminées d'usines ou par des bâtiments HLM cette magnifique page de l'histoire algérienne qu'est Mansourah. Aménagé, quel havre de paix et de méditation il constituera plus tard au centre de la future grande ville !... ». Quant à Fodil Benabadji, il aborde Mansourah à travers les « Contes et légendes »(Publisud-2003) : « L'émotion l'emportait devant le récit de Grand-mère et le désir de revoir les ruines nous tenaillait. Sur place, le dernier étage de la muraille apparaissait percé de vingt arcs encore visibles et devait communiquer avec la terrasse par un escalier intérieur. « Il ne reste rien des magnifiques créneaux de la plate-forme, nous disait Grand-mère. Rien non plus du lanternon qui, si la tradition ne ment pas, était surmonté de trois boules d'or... ». Dans le même sillage, Mohammed Dib parlait lui aussi à la faveur de « L'incendie »(Le Seuil-1954) de « Légende du cheval qui hante les ruines des remparts de Mansourah, la vieille cité disparue et qu'évoque pour Omar le vieil homme Comandar, son mentor... ».




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