Algérie

D'art et d'amour



D'art et d'amour
En cette douce soirée du jeudi 1er mars 2012, dans la pénombre de la salle Ibn Zeydoun de Riad El Feth d'Alger, apparaît une lumière. Elle avance lentement et illumine la salle : la grande Nora est venue à la rencontre de son public. Les applaudissements et les youyous fusent de toutes parts, certains laissent échapper une larme.Il y a si longtemps que la grande dame n'avait pas paru en public. Une fois encore, et tout à l'honneur du ministère de la Culture, initiateur de ces beaux hommages rendus aux artistes algériens, nous sommes conviés à une cérémonie qui s'annonce des plus belles et des plus émouvantes. Drapée dans un burnous noir brodé d'or, Nora salue son public-ami venu de toutes parts pour elle, avant de prendre place. De nombreux artistes, toutes générations confondues, sont là. L'orchestre, dirigé par Kamel Maâti, se lance, sous l'écoute attentive du compositeur Kamel Hamadi, dans l'interprétation d'un savant mélange des mélodies chantées par Nora tout au long de sa carrière.Interprète d'une rare qualité, Nora a su allier tradition et modernité en élargissant son répertoire à tous les genres musicaux algériens. C'est ce que nous apprend le film documentaire réalisé par Abdelkader Bendamèche retraçant la vie de l'artiste et diffusé en début de soirée. Née à Cherchell au début des années quarante, Nora entamera son aventure musicale très tôt. Les plus grands compositeurs de l'époque lui écriront musiques et poésies, et ce n'est pas peu de citer Mahboub Bati, Amraoui Missoum et Maâmar Ammari. Le documentaire est apprécié des spectateurs, des murmures de contentement parcourent la salle et des applaudissements retentissent à la fin, Nora est définitivement l'aimée de tous. Viennent ensuite les hommages chantés, la partie la plus délicate de la soirée. Une nouvelle génération va reprendre les ?uvres les plus emblématiques de la grande dame qui écoute avec une infinie indulgence. Quatre jeunes femmes et un chanteur ? il en fallait un? ? chacun à sa manière, rendra hommage à la reine de la soirée.Les interprétations légèrement différentes restent cependant fidèles à l'original. On notera beaucoup de fraîcheur et de justesse dans la voix de Lamia Batouche pour Yamma Gouli Li (Ô maman, dis-moi). Bouzid El Hadj, qui a tenu à venir d'Oran pour la circonstance, a ravi l'assistance par son interprétation de Ya Ouled El Houma (Les enfants du quartier). Wardia Aïssaoui aura marqué la soirée par sa maîtrise du chant kabyle, Amirouche une poésie dans laquelle sont cités des dizaines de noms de nos glorieux martyrs. En cette année du cinquantenaire de l'indépendance, ce choix s'avère particulièrement judicieux. Le public adore, les youyous fusent, l'émotion nous étreint et un frisson semble tous nous parcourir au même moment. C'est en toute humilité que Wardia Aïssaoui s'incline devant Nora et lui dit : «Merci Madame, c'est grâce à vous si je suis là.» Nada Rihane réussit une belle performance, elle conserve toute sa patine à Kanou andi Hbab en y alliant sa petite touche personnelle de modernité.Mais il n'y en avait qu'une, en l'occurrence Chaba Yamina, pour arriver à reproduire l'immense émotion qu'avait suscitée à l'époque de sa sortie la chanson Ya Rabi Sidi wach aâmelt ana oulidi (Ô Seigneur, qu'ai-je fait moi et mon fils '). Son arrivée sur scène a provoqué un engouement général, formidable moment autour de cette vieille complainte des femmes des Aurès, lors de l'enrôlement de leurs fils lors de la Première Guerre mondiale. Nora l'avait reprise et adaptée dans le contexte de l'indépendance, la mère pleurant alors l'éloignement de son fils marié à une Française.Nous n'étions pas arrivés au terme de nos émotions en cette soirée d'agréable remontée dans le temps. Nora monte sur scène accompagnée de la ministre de la Culture. Le public lui offre alors une magnifique standing-ovation digne des plus grandes stars. Sous le tendre regard de son mari, Nora, visiblement fatiguée mais galvanisée par la force du moment, prend le micro et nous offre les premières notes de T'wahachnak (Tu nous manques tant et tant). Toute la salle reprend le refrain avec elle. Même chose pour Ya Rabi Sidi ; nous chantons tous avec elle. Emue aux larmes, Nora salue et envoie des baisers à tous. Nora et Kamel Hamadi ne se sont rencontrés que pour le meilleur. En épousant Kamel, Nora a lié sa vie à celui qui s'est révélé être l'ami, l'époux, le compositeur, le confident, le directeur artistique et surtout le protecteur. KamelHamadi se consacrera à Nora et elle ne s'inquiétera de rien d'autre que de sa voix et de l'interprétation des compositions de son mari. Une telle union est pour le moins exceptionnelle. Rares sont les chanteuses qui ont la chance de faire pareille rencontre au début de leur carrière, d'avoir le bonheur de pouvoir se consacrer exclusivement à leur art et de se reposer entièrement sur un fidèle compagnon?Tout au long de ce beau rendez-vous, la salle Ibn Zeydoun s'est transformée en un doux cocon. La tendresse de Kamel Hamadi pour Nora s'est répandue sur tous les rangs. Il est des instants rares tels que celui-ci où nous captons ce regard fait de douceur et de tendresse d'un homme pour sa femme. Une belle histoire d'art et d'amour.




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)