Algérie

«D'abord Turcs»



«D'abord Turcs»
Longtemps tournée vers l'Occident qui hésite encore à lui faire une place dans l'Europe des 27, la Turquie lorgne aujourd'hui vers l'aire arabo-musulmane. Elle en a tellement besoin pour booster une économie en plein expansion. Faisant de la cause palestinienne, centrale pour l'opinion arabe, son cheval de bataille, le Premier ministre turque ne cesse de charger- verbalement, bien entendu- l'Etat hébreu. Lors d'une table ronde sur la question, organisée en 2009 en marge du Forum économique de Davos (Suisse), Recep Tayyip Erdogan quitte bruyamment la table en guise de protestation contre le cynisme criminel de Shimon Pérès et le «parti pris» du modérateur du débat, à la grande gêne d'Amr Moussa, alors secrétaire général de la Ligue Arabe, et de Ban Ki-moon, le Secrétaire général de l'ONU. Ce fameux coup de gueule médiatique lui a valu un vaste élan de sympathie dans la rue arabe. En 2010, comme pour appuyer la même stratégie, les Turcs organisent une flottille pour soi-disant briser le blocus imposé à Ghaza. Israël intercepte
violemment le navire en faisant 9 victimes parmi les activistes. L'AKP (Justice et Développement), le parti d'Erdogan, saisit l'occasion pour orchestrer de nombreuses manifestations anti-israéliennes. Là encore, l'effet fut immédiat dans les chaumières voisines. En 2011, lors de sa tournée dans les pays du «printemps arabe», Erdogan fut accueilli partout en héros, et son parti pris en référence. Ces jours-ci, le régime turc remet çà en profitant de la récente offensive israélienne contre la bande de Ghaza. Les dignitaires de l'AKP, avec à leur tête Ahmet Davutoglu, le ministre des Affaires étrangères, montent au créneau pour «charmer» davantage les arabes. Au fond, et malgré tout ce bruit, la politique étrangère turque reste historiquement indissociable des positions occidentales et, notamment, celles de l'Otan qu'elle intégra à sa création. En vérité, les turcs n'aiment pas tellement les arabes, qui se sont révoltés contre eux en 1914-1918 pour dénoncer l'hégémonie de l'empire Ottoman. Afin de sauver sa patrie, à la chute de ce dernier en 1922, Mustafa Kemal (1881-1938), le fondateur de la Turquie moderne, n'hésita pas à donner les territoires arabes en pâture aux nouveaux maîtres du monde ; à la France : l'Algérie et la Syrie, à l'Angleterre : l'Irak et l'Egypte... Victorieux face aux Alliés aux Dardanelles, en écrasant au passage l'armée grecque, Kemal instaura une République à Ankara. Lui-même athée, il pourchassa le sultan et abolit le califat. Il supprima la Chariaâ et laïcisa l'Etat. Les Turcs, en majorité musulmans pratiquants, ont alors préféré sauver leur patrie avec un général, notoirement porté sur l'alcool, plutôt que de garder le califat dans la servitude. Le choix est, en effet, judicieux. Le destin de la Turquie est, depuis, définitivement réglé. Prétendre aujourd'hui défendre la Palestine en exacerbant le sentiment religieux est une aberration! La doctrine de la diplomatie Turque, AKP ou non, ne peut aucunement s'encombrer d'une telle fadaise sentimentale. Ses prises de position d'hier par
rapport à l'occupation de l'Irak et, présentement, sur le brûlant dossier syrien traduisent nettement mieux les priorités turques en matière de relations internationales. L'instrumentalisation de la question palestinienne permet aux turcs de mieux défendre leurs propres intérêts dans la région comme, par exemple, trouver des débouchés à leur économie, exercer une certaine pression pour intégrer l'UE et asseoir leur rôle d'acteur majeur dans la région du Moyen-Orient. Sur toutes ces questions fondamentales, Israël et la Turquie demeureront toujours de grands alliés, car leurs intérêts respectifs se rejoignent parfaitement. Un grand slogan local disait «Les Turcs sont d'abord Turcs»
K. A.


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