Algérie

Cycle du film tunisien au CCF Annaba : Le chant mélancolique d'une humanité qui bascule



Cycle du film tunisien au CCF Annaba : Le chant mélancolique d'une humanité qui bascule
Tendresse du loup de Jilani Saâdi a été projeté au Centre culturel français (CCF) de Annaba à la faveur du cycle du film tunisien qui s'est achevé hier, dimanche 13 décembre. AnnabaDe notre envoyé spécial L 'histoire se passe en une seule nuit. Nuit froide. Comme dans un thriller. Entre 16h et 7h. Le chronomètre est bien mis en évidence. Rouge. Mais, on ne s'attend point à une explosion comme dans la série 24 heures chrono. Dans Tendresse du loup (Ours el dhib en arabe) de Jilani Saâdi, les rues de Tunis sont sombres, désertes, même pas de chats gris ! Il y a peu de lumière du jour dans ce film. Cela ressemble à une descente aux enfers, mais à des cadences irréelles. « Ya dini mahlali ourssou », la célèbre chanson du patrimoine tunisien, tourne comme un vieux disque. Stoufa, joué par Mohamed Graya, jeune chômeur qui a des démêlés avec un père lui reprochant d'être inutile, quitte la maison coléreux.Le modèle économique tunisien bat-il de l'aile ' Il rencontre une bande de copains, sans le sou, mais qui arrivent à se procurer bières et joints. Dahbi, l'albinos, et ses autres amis regardent arriver Saloua (campée par Anissa Daoud), la prostituée du quartier. Petit accrochage verbal, et c'est le viol ! Mais qui dénonce le viol d'une fille de nuit ' La scène se déroule sur un capot de voiture en plein quartier. A ce niveau-là, Jilani Saâdi a bien osé. D'habitude, les viols se déroulent dans des endroits clos, loin des yeux, loin des bruits' Stoufa refuse de se joindre à ce qui ressemble à un jeu pour des hommes sans avenir. Stoufa s'automutile avec une lame. Il a appris la technique de Dahbi, le suicidaire. Un albinos est fatalement un être « différent » qui subit les regards moqueurs des « autres », ceux qui se disent « normaux ». Sa souffrance est muette.Saloua va se venger après avoir soigneusement lavé le corps. Elle ne cesse de promettre de couper la tête de tous les hommes. Un fantasme ' Les douleurs de Saloua n'ont pas de voix. Battu par les souteneurs de la fille, Stoufa sera dénudé. Des éboueurs l'emmènent dans leur charrette vers l'hôpital. La scène est d'une poésie intense : la voix de Césaria Evora, la chanteuse cap-verdienne, surgit de nulle part. Sodad accompagne la rêverie de Stoufa qui est maintenant transporté par un marchand de légumes. La scène rappelle un certain cinéma réaliste espagnol. « D'où vient cette odeur de menthe ' », se demande-t-il avec une voix qui vient de son intérieur. « J'ai froid, mais c'est agréable. Je n'ai pas envie de me réveiller », se dit-il encore. La fuite de la réalité, d'un monde impalpable, est si présente chez cet homme en quête de quelque chose. Il paye un viol qu'il n'a pas commis. Et les autres, sans doute de braves hommes, l'ont laissé à ses bourreaux.Les lâchetés sont parfois viriles. Saloua et Stoufa vont se rencontrer. L'homme, qui connaît la diva aux pieds nus, Césaria Evora, rêve de vivre au Cap-Vert dans une baraque au bord de l'Atlantique. Pour une fois qu'un maghrébin ne rêve plus de Barcelone, de Rome ou de Paris ! L'histoire se termine aux aurores, mais peut redémarrer à tout instant. C'est peut être une autre Tunisie qu'on voit à travers le regard de Jilani Saâdi. Moins de cartes postales et beaucoup de hrissa dans un vécu difficile. C'est le désenchantement ou, probablement, la fin d'une époque. D'autres diront que c'est un basculement vers l'inconnu, l'instable. Ou, tout simplement, l'angoisse. Tendresse du loup n'est pas idéologique, mais peut avoir des niveaux de lectures politiques dans une Tunisie qui aspire aux libertés réelles.« Je n'ai pas envie de filmer des médecins, sauf s'ils se prostituent le soir ! Cela s'inscrit dans le monde arabe, et l'image véhiculée par les médias montre souvent des gens bien établis, des situations convenues. Tout le monde a une famille, une maison, une histoire' Je préfère m'intéresser aux autres, ceux dont on ne parle pas », a expliqué Jilani Sâadi à la sortie du film en 2007. En Tunisie, le film est interdit aux moins de quinze ans. Comédienne et actrice, Anissa Daoud, une révélation du cinéma tunisien, a joué également dans le dernier film de Lyès Baccar, Hiya ou houa (Elle et lui) et dans le long métrage de Hatem Ali, The long night. En 2002, Jilani Sâadi a réalisé un long métrage, Khorma, qui a suscité du bruit en Tunisie en raison d'un côté particulièrement sombre.


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