Algérie - COMMUNAUTES

Culture et émigration


Culture et émigration
Au cours de ces derniers jours, une conférence itinérante sur l’immigration vers le Canada fait le plein à chaque escale.
Un confrère d’El Watan rapporte que, pour assister à la dernière rencontre, organisée à Constantine, “il y avait des médecins cabinards dans la salle, des artistes connus et des ingénieurs ayant déjà une situation ou à la recherche d’un travail. Il y avait autant de femmes que d’hommes, jeunes et moins jeunes, des célibataires, mais aussi beaucoup de couples venus avec leurs enfants”.
S’il y a bien un aspect économique dans l’attrait que l’exil exerce sur les Algériens, il semble que, parmi les plus qualifiés d’entre eux, le désir d’expatriation soit motivé par un élément d’un autre ordre : ils quittent un environnement qu’ils ne peuvent plus continuer à endurer. “Invivable”, disent-ils. Et ce contexte, pensent-ils, ne peut plus être réhabilité. Indirectement, ce qui est à la base de la décision de ces “médecins cabinards, artistes connus et autres ingénieurs ayant déjà une situation”, dont parle le journaliste, c’est une position politique. Outre qu’ils ont eu à constater leur inadaptation culturelle à leur pays de naissance, tel qu’il a “évolué”, ils ont aussi acquis la conviction que sa régression a atteint un point de non-retour.
À telle enseigne que, chez certains, l’émigration constitue un “investissement” pour “l’avenir des enfants”. Ce n’est plus leur propre salut qui est en jeu, mais le destin qu’ils conçoivent pour leurs fils et filles.
En cela, ils sont confortés dans leur démarche par la plupart de nos ministres et par les plus puissants de notre État et les plus aisés d’entre nous. Ceux-ci s’arrangent pour faire naître leurs enfants, puis étudier, dans un pays riche et démocratique. L’accessit c’est de leur en décrocher la nationalité, comme une garantie de sécurité sociale et citoyenne.
Si les migrants diplômés ont le loisir d’emprunter la voie légale, les jeunes sous-formés ne sont pas en reste de ce mouvement d’évasion, et s’aventurent, plus massivement encore, dans la voie hasardeuse de la “harga”. Indépendamment de la diversité des conditions sociales, l’émigration constitue, parmi les choix d’avenir qu’offre notre pays, l’option la plus prisée.
Il ne faut, cependant, pas croire que l’attraction qu’exerce l’eldorado occidental libertaire, démocratique et social concerne les seuls concitoyens épris des droits de l’Homme et de liberté de mœurs et ceux lassés de “hogra” et d’injustice. Les intolérants les plus agressifs y trouvent aussi un environnement… accueillant et propice à leur prospérité militante. Cela permet à ceux qui ont fui la pression fanatique de retrouver, à travers les vigiles émigrés ou de naissance locale, un peu de leur contexte d’origine et qui nuance aujourd’hui la réalité occidentale. Et puisque la censure n’est pas très pratiquée en ces terres de démocratie, le prosélytisme y est parfois plus entreprenant que chez nous.
De toute manière, dans notre société, l’islamisme a déjà gagné la partie. Il n’y subsiste que des réseaux semi-clandestins de laïcité et de libre pensée. Et l’émigration a, pour partie, une fonction d’épuration culturelle. Sauf que l’intégrisme voyage, lui aussi, et vous attend à votre nouvelle destination. Démocratiquement.