Le bus transportant une cinquantaine de touristes américains, allemands et italiens s'arrêta net à la frontière tunisienne à hauteur du poste de Sakiet Sidi Youcef. Un no man's land d'environ 400 mètres sépare les deux pays. Un petit pont marque symboliquement les limites des deux territoires, algérien et tunisien. En contrebas, il y a un mausolée édifié à la mémoire de Sidi Youcef, un saint homme de l'islam qui avait résisté à l'occupant français. Le guide touristique bien formé, entouré des touristes, explique : «Saint-Augustin est né là-bas, derrière ces montagnes, dans la ville de Taghaste, aujourd'hui Souk Ahras. L'Université de Madaure où a étudié ce saint homme est à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de la ville, mais vous ne pouvez pas y aller. C'est une question de sécurité pour tous!» Les touristes déçus remontèrent dans le bus non sans protester jurant qu'ils ne les reverront pas de sitôt. Cela se passait à la fin des années 1990, au temps fort du terrorisme qui avait ravagé le pays. Mais aujourd'hui que la paix et la stabilité sont revenues, Saint Augustin reste le grand oublié de l'histoire, dans son propre pays, dans ce pays qui l'a vu naître et grandir pour devenir plus tard un des plus grands docteurs de l'Eglise chrétienne. L'évêque d'Hippone avait cette flamme inextinguible et ce génie qui lui avait permis de marquer à jamais la pensée chrétienne occidentale. Il était devenu le rempart sur lequel venaient se briser la barbarie et le vandalisme, et Hippone continuait de rayonner dans toute sa splendeur sur le monde chrétien.Tout cela fut vite oublié et du saint homme ne restait que la basilique qui continuait à se dresser défiant le temps et l'ingratitude des hommes.Il y eut pourtant, en avril 2001, un sursaut que tous croyaient salvateur et qui pouvait rendre justice à cet Algérien avec ce colloque international qui lui était consacré, «Augustin de Taghaste». Des dizaines de chercheurs, de penseurs, de professeurs, d'archéologues et des centaines de touristes s'étaient déplacés sur le site de Madaure (actuellement M'daourouch, dans la wilaya de Souk Ahras) et tout allait dans le sens d'une reconnaissance envers ce grand homme.Ce fut juste un feu de paille et le colloque passé, on avait tout remballé et tout fait pour oublier ce que certains incultes qualifiaient de «sacrilège» en terre d'islam.La rénovation de la basilique et son inauguration par d'illustres personnalités nationales et étrangères, en octobre 2013, avait quelque peu réhabilité l'homme, mais depuis, plus rien, sauf peut-être la célébration du centenaire de ce lieu de culte les 2 et 3 mai prochain en présence du cardinal Jean-Louis Tauran, envoyé spécial du pape François.Pourtant, la Basilique, les vestiges de l'antique Hippone qui s'étalent en contrebas, Taghaste, ville natale de Saint Augustin, et l'Université de Madaure sont tout désignés pour constituer un circuit touristique cultuel qui pourrait donner lieu à des échanges culturels entre les deux rives de la Méditerranée. Cela permettrait aux deux religions monothéistes de mieux s'apprécier, de mieux se comprendre et s'accepter. Des échanges culturels seraient bénéfiques et permettraient un développement enrichissant et ainsi de comprendre que Dieu est unique et que chrétiens et musulmans, dans leur culte respectifs, adorent en réalité un même Dieu, chacun selon ses rites et sa propre liturgie.Mais voilà on n'en est pas encore là, hélas. Peut-être que les générations futures comprendront mieux le divin pour se débarrasser de ce qui est bassement terrestre où l'égoïsme, l'extrémisme, le racisme et l'exclusion ont, de tous temps, été à l'origine d'affrontements.M. R.
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Posté Le : 17/04/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Mohamed Rahmani
Source : www.latribune-online.com