«La justice est comme la cuisine, il ne faut pas la voir de trop près.» Proverbe tourangeauChacun de nous a un ami qui, à cause d'un célibat prolongé a acquis quelques connaissances en matière culinaire, vous propose à la moindre occasion de goûter une préparation dont il a le secret. Quand ce maître-coq vous promet un plat merveilleux comme vous n'en avez jamais goûté et qui sort de l'ordinaire, vous patientez au salon ou dans la salle à manger en sirotant un apéritif et en humant les odeurs qui sortent de la cuisine et qui trahissent la consistance du mets en question. Si l'attente se prolonge un peu plus que de raison, vous allez vous poser des questions sur le coup de main du chef cuisinier: vous allez vous dire qu'il vieillit, qu'il a perdu la main, que son fourneau n'est plus au point. Si l'attente est vraiment trop longue et que l'apéritif commence à vous monter à la tête, alors vous commencez à douter de la compétence du chef ou de ses aptitudes et votre cerveau embrumé par les apéritifs commence à échafauder mille et un scenarii possibles sur le retard: le chef a dû omettre de payer la Sonelgaz qui s'est empressée de couper l'électricité et le cuisinier a dû aller jusque chez le bougnat le plus proche acheter du charbon de bois pour sauver la face ou alors il est en train d'allumer un feu dans une cheminée qui n'a pas servi depuis la dernière pénurie en bouteilles de gaz. Il se peut aussi que l'ADE ait coupé le précieux et vital liquide sans lequel toute cuisine est impossible. Il faut imaginer aussi que le poisson qui entre dans la composition du mets n'ait pas été livré par la marée: comme vous n'êtes pas Louis XIV et que le maître queux n'est pas Vatel, il n'y aura pas de drame pour un rendez-vous manqué...Il se peut aussi qu'après un laps de temps, le chef se présente, dépité, avec, dans les mains, un plat brûlé qui aurait séjourné longtemps au four et qu'il vous demande amicalement de l'excuser pour cette méforme passagère et que la semaine prochaine, il fera mieux. Il pourra même conclure en vous donnant une grosse tape amicale sur le dos, qu'il vous invite au restaurant, la meilleure façon de sauver la face, surtout si le restaurant en question a plusieurs étoiles...Mais la pire des choses qui puisse arriver, c'est que, pendant que vous dégustez votre apéritif, vous entendez soudain des voix s'élever dans la cuisine: c'est tout d'abord un murmure, puis ce sont des éclats de voix qui sont les symptômes éloquents de la naissance d'un conflit dans le temple de la gastronomie. Le chef n'est pas d'accord avec sa tendre moitié qui a fait le marché à sa manière et l'époux reproche vertement à son conjungo la qualité des ingrédients achetés au marché et la tendre moitié de se défendre bec et ongles que les carottes sont tendres, le chou-fleur attendrissant...Ou alors le conflit démarre sur la manière de procéder: le chef qui a fait l'Armée du salut veut du bouilli alors que son épouse, plus attentionnée sur le plan nutritionnel, veut tout faire à la vapeur. Le mari, ne voulant pas présenter un plat fade à son ami d'enfance, s'entête et le ton monte dans la cuisine où les casseroles se mettent de la partie. Un bruit de vaisselle cassée montre que le conflit a atteint un point de non-retour et vous commencez à regretter d'être venu et d'être à la source d'une scène de ménage qui peut vous mettre dans la gêne et vous obliger à vous retirer sur la pointe des pieds...
C'est pareil en politique: quand un peuple attend vainement la réalisation de cinquante années de promesses, c'est que ce qui se passe dans les cuisines ne doit pas être du propre!
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Posté Le : 30/11/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Selim M'SILI
Source : www.lexpressiondz.com