Algérie

CUEILLETTE DE LA TOMATE INDUSTRIELLE À EL TARF ET GUELMA: Comment la machine gagne du terrain





Après plusieurs années de vaches maigres et d’une descente effrénée aux enfers, la filière de la tomate industrielle est en train de renaître de ses cendres tel un sphinx et ce, à la faveur des mesures de subventions et d’aides, prises par l’Etat par le biais du ministère de l’Agriculture et l’entrée en lice de la mécanisation de la filière grâce à un soutien financier de l’ordre de 30% du prix de la machine (appelée dans le jargon agricole, une récolteuse).

L’expérience entamée par le groupe Amor Benamor dans la wilaya de Guelma est riche, à tous les égards, en enseignements dans le dessein de sa généralisation pour l’ensemble des wilayas productrices, dont El Tarf qui peut, à elle seule, subvenir à hauteur de 50% des besoins nationaux en double concentré de tomates à la lumière de son histoire riche dans la filière et du nombre des usines qu’elle compte.

Pour rappel, au début du mois de juillet passé, le groupe Amor Benamor avait procédé, en présence du ministre de l’Agriculture et du Développement rural, M. Rachid Benaïssa, à la remise de 5 récolteuses à 5 représentants des agriculteurs organisés en groupements d’intérêts communs.

De fait, les agricultures pourront remboursés le matériel acquis, en produit et ce, durant une période allant de 2 à 5 ans accompagnée, cependant, d’un transfert de la propriété de la machine.

Les récolteuses, de l’avis même des agriculteurs de la wilaya d’El-Tarf, est un palliatif inespéré et une bouée de secours au manque de main d’œuvre. Un manque patent qui devient de plus en plus pesant sur la rentabilité des exploitations dans la région ainsi que leur existence.

Interrogé sur l’entrée en lice des récolteuses dans l’actuel campagne de la tomate industrielle, le deuxième homme du groupe alimentaire Benamor, en l’occurrence Sami Benamor, dira sans ambages que «la mécanisation de la filière est venue à point nommé en cette phase cruciale du retour de confiance entre producteurs et transformateurs. Elle permettra à la fois des gains de temps considérables et une réduction du nombre des travailleurs saisonniers pour les agriculteurs. Notre groupe a accompagné en ce qui concerne la région de Guelma les fellahs dans les préparations des sols, les engrais et la planification des plantations. C’est en somme un travail en amont selon les méthodes et processus les plus modernes. Aussi, la mécanisation créera-t-elle inévitablement des prestataires de services en la matière. Notre relation, en tant que transformateurs, avec les agriculteurs, s’est muée en partenariat gagnant gagnant».

Et d’ajouter qu’«à ce rythme, d’ici 3 à 5 ans, nous arriverons à l’autosuffisance alimentaire en matière de double concentré de tomates grâce à une mécanisation de plus en plus accrue et un rendement à l’hectare en hausse continuelle, qui se situe actuellement à une moyenne de 350 quintaux/ha ce qui est encore loin de nos prévisions qui sont de 1.000 q/ha. Un résultat, par ailleurs, atteint au niveau de notre pépinière d’El Fdjouj. Nous passerons ensuite à une revalorisation de la tomate par des produits dérivés et mieux élaborés à la demande du consommateur avec comme objectif l’exportation vers l’Europe, compte tenu des avantages dont nous disposons, à savoir le prix de la main-d’œuvre, la qualité des produits, le coût de l’énergie et surtout notre proximité avec le Vieux Continent pour le coût du transport. En somme, nous passerons aisément d’un importateur de TCT (triple concentré de tomates) en exportateurs de produits finis et dérivés de la tomate en direction de tout le Bassin méditerranéen. Certes, nous sommes les précurseurs de l’utilisation des récolteuses mais nous estimons que l’utilisation de ces machines connaîtra au cours des prochaines années un boom et une extension en comparaison de ce qu’on a connu avec les moissonneuses-batteuses. Donc, même les équipementiers nationaux de matériels agricoles pourront être de la partie et tirer un maximum de profits de ce nouveau filon».

Au niveau de la région Djeballla dans la wilaya de Guelma, nous avons pu constater de visu l’entrée en action d’une des cinq récolteuses qui sont utilisées pour l’actuelle compagne de 2013. Deux ingénieurs italiens de la marque Guaresi assistent les agriculteurs dans l’utilisation des récolteuses.

Interrogé sur les performances de cette machine ultra-sophistiquée, l’ingénieur Massimiliano Guaresi indiquera que «l’entreprise Guaresi qui est implantée à Ferrara dans la région de Boulogne (Italie), a déjà produit plus de 1.500 modèles de la récolteuse vedette à tomates la G 89/93 que vous êtes en train de voir sur le terrain. La machine peut récolter jusqu’à 3 à 3,5 ha par jour en Italie. En Algérie, du fait que les terrains n’ont pas été préparés au préalable nous arrivons à récolter en moyenne 2 ha par jour ce qui représente plus de 700 quintaux. Un paramètre qui sera pris en compte en 2014. L’utilisation de notre machine représente, selon les agriculteurs locaux une réduction des coûts de l’ordre de 30%. Ce qui est en soi un gain financier considérable pour une exploitation de taille moyenne. Par ailleurs, nous comptons nous implanter dans votre pays en scellant un partenariat avec une entreprise de mécanique locale».

En ce qui concerne le coût de l’entretien annuel de la machine, notre interlocuteur signalera que «c’est dérisoire vis-à vis de sa productivité et sa robustesse avérée. Pour l’Algérie, l’entretien se situe entre 2.000 et 2.500 euros annuellement et concerne beaucoup plus les pièces électroniques dont particulièrement le trieur électronique équipé de microprocesseurs de dernière génération».

Pour sa part, le président de la Chambre d’agriculture de la wilaya de Guelma, M. Amar Hdidi, notera que «700 fellahs exercent dans la filière sur une superficie de plus de 3.000 ha et la production devrait atteindre cette saison les 2 millions de quintaux. Nous encourageons les agriculteurs à plus de mécanisation et de maîtrise de l’itinéraire technique.

Et nous nous félicitons d’être les porte-flambeaux de la renaissance de la filière qu’on croyait éteinte à jamais.

La cueillette de la tomate a débuté depuis la mi-juillet et cette année, fait exceptionnel, nous avons pu constater des files indiennes de camions devant les unités de transformation essaimées à travers le territoire de la wilaya ce qui augure d’une production exceptionnelle»

. En ce qui concerne la wilaya d’El Tarf, un cadre en charge du dossier tomate industrielle au niveau de la DSA (Direction des services agricoles de wilaya) révélera que «pour cette saison, les fellahs ont repiqué 3.200 ha pour une production attendue de 1,8 million de quintaux. A la fin du mois de juillet, ce sont exactement 1.300 ha qui sont récoltés représentant 730.261 quintaux. Pour notre wilaya, les fellahs qui exercent dans la filière sont au nombre de 800 personnes. Le rendement atteint est de 563 q/ha. Actuellement, ce sont 8 unités ou conserveries qui reçoivent la production de la wilaya, à savoir: Conserverie Amor Benamor (Guelma), Seybouse (Annaba), Latina (Chelghoum Laïd), Fouara (Sétif), Sipa (Annaba), Souamaa et Izdhar (Annaba). Aussi, notons que pour un kilo de tomate produit, le producteur reçoit une prime de 4 DA et le transformateur une prime de 1,5 DA. Les crédits fédérés qui sont mobilisés pour le développement de la filière de l’actuelle saison, ont atteint le 1,45 milliards de dinars».

Quoi qu’il en soit, de l’avis de spécialistes, la mécanisation de la filière aura des impacts positifs et significatifs sur la structure, sur l'organisation intérieure et sur l'équilibre économique des exploitations agricoles.

L'effet principal est un abandon progressif de la culture dans les exploitations de plus petite dimension, accompagnée par un accroissement des exploitations de dimension plus élevée, plus structurées, plus aptes aux opérations mécanisées et aptes à soutenir financièrement et à justifier économiquement les coûts d'acquisition des équipements.

En somme, la naissance d’une agriculture moderne sur les modèles des pays développés au bénéfice du consommateur lambda en dernier ressort.


Daoud Allam


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)