Le FMI s'est montré plus optimiste mardi sur la croissance mondiale en relevant sa prévision mais a exhorté les pays à mettre le cap sur les réformes pour asseoir durablement la reprise face à la persistance de risques multiples.Après une hausse de 3,2% en 2016, le produit intérieur brut mondial (PIB) devrait progresser de 3,6% cette année, et 3,7% l'an prochain, soit une légère amélioration de 0,1 point par rapport aux précédentes prévisions de juillet, indique le Fonds monétaire international (FMI) dans son rapport semestriel sur la conjoncture mondiale.
"La reprise mondiale se poursuit, et ce à un rythme plus rapide", a résumé le chef économiste du FMI, Maurice Obstfeld, au cours d'une conférence de presse, relevant que "la photographie (de l'économie mondiale) est très différente de l'an passé quand l'économie mondiale était confrontée à une croissance chancelante et à des turbulences sur les marchés financiers".
Les pays de la zone euro, la Chine, le Japon, le Canada et les Etats-Unis ont notamment contribué au regain d'optimisme du FMI. Pour 2017, leurs prévisions sont ainsi relevées respectivement à +2,1%, +6,8%, +1,5%, +3% et +2,2%. L'actuelle accélération de la croissance est d'autant plus "remarquable" que, pour la première fois depuis le début de la décennie, elle concerne un plus grand nombre de pays, a souligné M. Obstfeld. La reprise est observée dans près des trois-quarts des pays. A court terme, les risques sont plutôt limités: la reprise pourrait même se renforcer encore, soutenue par une confiance des ménages et des entreprises solides dans les pays développés.
"Ces évolutions positives donnent des raisons d'être plus confiants mais ni les politiques ni les marchés ne doivent s'en contenter", a néanmoins prévenu Maurice Obstfeld. La reprise mondiale pourrait en effet ne pas être durable dans la mesure où elle n'est "pas totale" puisque 25% des pays ne profitent toujours pas de cette embellie. En Europe, la prévision du Royaume-Uni est, elle, restée inchangée à +1,7% après avoir été abaissée de 0,3 point de pourcentage en juillet. Le FMI pointe du doigt à la fois le ralentissement de la consommation et l'incertitude à moyen terme liée aux conséquences du Brexit. Sur ce point, le chef économiste a souhaité que les négociations soient "constructives", ajoutant que "c'est dans l'intérêt de tout le monde mais les délais sont très courts".
Il a par ailleurs souligné que "la situation en Espagne (où Madrid s'oppose aux velléités séparatistes de la Catalogne) est très préoccupante". Il a mis en garde contre l'impact négatif potentiel sur d'autres pays en Europe.
Des risques aussi non économiques
Se tournant vers les pays émergents et pays pauvres exportateurs de matières premières - en particulier d'énergies - l'institution de Washington note qu'ils sont confrontés à des troubles civils et politiques que ce soit au Moyen-Orient, en Afrique du nord et subsaharienne ou en Amérique Latine. Et d'autres risques pointent à l'horizon. Le FMI s'inquiète en particulier de la possibilité que les autorités chinoises ne parviennent pas à maitriser l'expansion du crédit. L'envolée de l'endettement public et privé a certes conforté la croissance chinoise mais elle a diminué la stabilité financière.
Comme en avril, l'institution de Washington souligne que la tentation du protectionnisme pourrait par ailleurs fragiliser la croissance mondiale.
Elle cite en outre des facteurs de risques "non économiques" comme les tensions géopolitiques, les clivages politiques, une gouvernance faible, la corruption ou encore les événements climatiques extrêmes, le terrorisme et les questions de sécurité.
"Ces risques sont particulièrement interconnectés et peuvent se renforcer mutuellement", observe le FMI.
Dans ce contexte, les décideurs politiques doivent garder les yeux rivés sur le long terme et saisir l'opportunité de mener des réformes structurelles et fiscales nécessaires pour accroître les capacités de résistance en cas de chocs à venir. La semaine dernière, la directrice générale du FMI avait elle-même appelé les pays à prendre la voie des réformes. "Nous devons trouver les moyens de créer de nouveaux emplois", avait déclaré Christine Lagarde dans un discours en prélude à l'assemblée générale du FMI, qui se tient cette semaine dans la capitale américaine. Elle avait notamment cité l'exemple réussi du Mexique dont l'évolution de la législation a permis aux jeunes d'entrer plus facilement sur le marché du travail.
Optimisme prudent pour la zone euro
La reprise dans la zone euro est meilleure que prévu, mais le poids de la dette, l'inflation encore faible et le risque bancaire pourraient peser à moyen terme sur l'activité, estime le FMI.
Dans ses prévisions semestrielles, publiées mardi, le FMI revoit à la hausse ses perspectives de croissance pour les deux années à venir, misant désormais sur une croissance de 2,1% en 2017 (+0,2 point par rapport à la dernière prévision de juillet) et de 1,9% en 2018 (+0,2 point par rapport à juillet).
Ces hausses reflètent "une accélération des exportations dans le contexte plus large d'une reprise du commerce mondial" ainsi qu'une demande intérieure solide, "soutenue par des conditions financières accommodantes" et une "diminution du risque politique", détaille le FMI.
Dans ses précédentes prévisions, l'institution se montrait notamment préoccupée par l'issue alors incertaine des échéances électorales que vient de traverser la zone euro en 2017, avec des élections législatives en Allemagne et aux Pays-Bas, ainsi qu'une élection présidentielle en France.
L'incertitude politique liée aux négociations du Brexit semble par ailleurs moins peser sur Bruxelles que sur Londres, selon le FMI.
Les prévisions de croissance du Royaume-Uni restent inchangées en 2017 (1,7%) et 2018 (1,5%) par rapport à celles de juillet. Mais les perspectives britanniques à moyen terme "sont très incertaines et dépendront en partie de la nouvelle relation économique avec l'UE", ajoute l'institution.
Encourager Macron
Dans le détail, le FMI révise à la hausse ses prévisions de croissance pour l'Allemagne (2,0% en 2017 et 1,8% en 2018), la France (1,6% en 2017 et 1,8% en 2018), l'Italie (1,5% en 2017 et 1,1% en 2018) et l'Espagne (3,1% en 2017 et 2,5% en 2018). Ces bonnes perspectives pourraient encourager le président français Emmanuel Macron qui tente de convaincre ses partenaires européens de réformer la zone euro en profondeur en vue d'une meilleure intégration. M. Macron, qui était en Allemagne mardi, où il a rencontré la chancelière allemande Angela Merkel, a reçu le soutien tacite du FMI qui invite dans son document les gouvernements à profiter de la croissance pour mener des réformes. L'institution, basée à Washington, prévient qu'à moyen terme, l'activité dans la zone euro peut être freinée par "une faible productivité, une démographie défavorable, ainsi que le poids de la dette privée et publique dans certains pays". L'inflation "encore faible dans beaucoup de pays" pourrait également peser, s'inquiète-t-elle. Pour contrer cela, le FMI invite les pays qui le peuvent à investir afin "de soutenir les réformes structurelles". "Une politique plus expansionniste en Allemagne (...) permettrait d'accroître les investissements publics tout en générant des retombées positives dans les pays dont la demande est déficiente", écrit-il. Autre menace pour la croissance de la zone euro: les prêts non-performants dont pâtissent les banques européennes, notamment en Italie. "Bien que des progrès aient été faits (...), les problèmes qui subsistent doivent être résolus avec force" pour éviter une nouvelle crise bancaire, plaide le FMI.
La croissance au Moyen-Orient déprimée
Dubaï - Une chute de la croissance des principaux pays exportateurs de pétrole du Moyen-Orient pèse lourdement sur les perspectives économiques de l'ensemble de la région, a estimé mardi le Fonds monétaire. "Les exportateurs de pétrole sont durement touchés par l'ajustement prolongé" de leur budget en raison de la baisse des cours des matières premières, affirme le FMI dans son rapport d'octobre sur les prévisions économiques mondiales. La croissance de l'Iran devrait chuter à 3,5% cette année contre 12,5% en 2016, l'activité économique irakienne devrait se contracter de 0,4% contre +11% en 2016, tandis que l'économie saoudienne, la plus importante de la région, devrait terminer l'année autour de 0%, contre 1,7% l'an dernier. L'Arabie saoudite, l'Irak et l'Iran sont les principaux producteurs et exportateurs de pétrole du Moyen-Orient. Ryad est le premier exportateur mondial de brut.
L'économie du Koweït devrait être la plus affectée avec une contraction de 2,1% du PIB en 2017, tandis que celles des Emirats arabes unis (+1,3%) et de l'Algérie (+1,5%) connaîtront une croissance modeste, selon le FMI. Dans l'ensemble, la croissance des pays exportateurs de pétrole de la région Moyen-Orient/Afrique du Nord (MENA), qui regroupent les six Etats du Conseil de coopération du Golfe, l'Iran, l'Irak, l'Algérie et la Libye, devrait finir l'année à 1,7% contre 5,6% en 2016. La croissance de tous les pays de la région MENA devrait ralentir sensiblement, passant de 5,1% l'année dernière à 2,2 % en 2017, "en raison du ralentissement de l'économie de la République islamique d'Iran après une croissance très rapide en 2016 et des réductions de la production pétrolière dans les pays exportateurs", a indiqué le FMI. Le Fonds prévoit que le prix du pétrole atteigne en moyenne 50,3 dollars le baril en 2017, soit un niveau supérieur à celui de 2016, mais qu'il se maintienne autour de 50 dollars jusqu'en 2022. Les exportateurs de pétrole ont perdu des centaines de milliards de dollars depuis que les prix du brut ont commencé à chuter à la mi-2014. Ils ont affiché des déficits budgétaires et certains ont engagé des réformes douloureuses. Le FMI s'est félicité du train de réformes en Arabie saoudite dont l'économie s'est contractée au cours des deux premiers trimestres de l'année. Du côté du groupe des pays définis par le FMI comme "importateurs de pétrole" dans la région MENA, la croissance devrait passer de 3,6% en 2016 à 4,3% cette année. Parmi eux, le Maroc se distingue particulièrement avec 4,8% pour cette année, après 1,2% en 2016. Le FMI a toutefois mis en garde contre l'impact des conflits. "Les conflits internes et transfrontaliers dans certaines parties du Moyen-Orient continuent de peser sur l'activité économique", a-t-il déclaré. La croissance économique de la MENA devrait rebondir à 3,2% en 2018, selon le FMI qui relève ses projections de 0,2 point par rapport à juillet, principalement en raison d'une demande intérieure plus forte chez les importateurs de pétrole et d'une hausse attendue de la production de brut. La crise diplomatique entre le Qatar, premier exportateur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL), et une coalition dirigée par Ryad, n'a pas affecté les marchés du GNL qui a continué d'être exporté par Doha, a constaté le FMI.
"Brutal ralentissement" économique en Chine
Le FMI a légèrement relevé mardi ses prévisions de croissance pour la Chine pour 2017 et 2018, tout en mettant en garde contre le risque "accru" d'un "brutal ralentissement" de la deuxième économie mondiale sur fond d'explosion de la dette. Dans ses prévisions mondiales, le Fonds monétaire international (FMI) table désormais sur une croissance chinoise de 6,8% cette année (contre +6,7% attendu précédemment), mettant en avant une performance meilleure qu'attendu du géant asiatique au premier semestre. Si la prévision du Fonds se vérifie, cela marquerait un léger rebond après que le PIB chinois a enregistré en 2016 sa plus faible croissance depuis plus d'un quart de siècle (+6,7%). C'est en apparence une bonne nouvelle pour le président Xi Jinping, qui doit voir son mandat à la tête du Parti communiste chinois renouvelé mi-octobre lors d'un congrès quinquennal. Mais elle se double d'avertissements alarmistes: l'organisation de Washington s'inquiète ainsi d'une augmentation plus rapide de l'endettement chinois et pointe "la possibilité accrue d'un brutal ralentissement de la croissance", à moins d'efforts drastiques pour maîtriser la folle envolée du crédit. Le FMI mise par ailleurs sur un ralentissement de la croissance chinoise en 2018, mais il a relevé sa prévision à 6,5% (contre 6,4% précédemment). De fait, pour concrétiser son objectif de doubler son PIB entre 2010 et 2020, Pékin devrait maintenir un robuste soutien à l'activité, via notamment de hauts niveaux d'investissements publics, estime le Fonds. De quoi se ménager un répit, mais "au prix d'un endettement toujours plus important". La dette chinoise totale, hors secteur financier, pourrait dépasser 290% du PIB d'ici 2022, contre "environ 235%" l'an dernier, avait déjà prédit le FMI dans un rapport en août. De quoi rendre le pays plus vulnérable à tout "ajustement économique brutal", crise financière ou commerciale notamment. Dans ce contexte, "pour minimiser les risques d'un ralentissement économique brutal, les autorités chinoises devront intensifier leurs efforts pour renforcer la supervision (financière)", prévient le Fonds. Certes, Pékin s'efforce de faire le ménage dans son secteur financier, en s'attaquant notamment à la "finance de l'ombre" l'arsenal d'instruments de crédit non régulés prospérant hors des banques. Mais, soucieux de préserver l'activité, le régime favorise toujours de coûteux travaux d'infrastructures et soutient généreusement de grands groupes industriels étatiques en difficulté.
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Posté Le : 12/10/2017
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Mustapha S
Source : www.lemaghrebdz.com