Algérie

Critiques et irritation de deux ministres Kadhafi en France sur fond de polémique



De mémoire de journalistes accrédités au Quai d'Orsay, rarement un briefing du porte-parole n'a tourné à l'exercice délicat. Hier en fin de matinée, alors que l'avion du colonel Kadhafi planait quelque part entre la péninsule Ibérique et l'Hexagone, le communicant de la diplomatie française avait l'air très embarrassé. En témoigne le script mis en ligne sur le site du ministère de Bernard Kouchner. Question d'un journaliste: David Martinon (porte-parole de Sarkozy) dit que le programme de Mouammar Kadhafi, à part ses rendez-vous à l'Elysée, est de la responsabilité du Quai d'Orsay. Pouvez-vous, donc, nous donner plus de détails sur ses déplacements cette semaine ? Réponse expéditive du porte-parole du MAE: «(...) Les entretiens qu'ils aura avec le président de la République vous ont été présentés par le porte-parole de l'Elysée. Pour le reste, son programme n'étant pas entièrement finalisé, je vous invite à vous rapprocher de l'ambassade de Libye». Un porte-parole ayant du mal à communiquer sur une visite imminente, cela fait belle lurette que le Quai d'Orsay n'a pas été confronté à un tel cas d'espèce. Anecdotique, cet épisode illustre la confusion qui entoure les retrouvailles mouvementés du «guide» avec la France. Pour la première fois depuis 1973 et la présidence de Georges Pompidou, un avion officiel bariolé aux couleurs de la Jamahiriya s'est posé sur le tarmac d'un aéroport français. Au pied de la passerelle, le plus ancien chef d'Etat arabe en exercice n'a pas salué un Premier ministre - comme Pierre Mesmer autrefois - mais un ministre en la personne de Brice Hortefeux, le chargé de l'Immigration, de l'Identité nationale et du Co-développement. Depuis son annonce officieusement, la visite a donné du fil à retordre aux chargés du protocole de l'Elysée et du Quai d'Orsay. Mais, par delà ces casse-tête organisationnels, elle a installé le microcosme parisien dans une vive polémique. Le désir - prévisible - du «guide» de planter le décor de sa «kheima-cabinet» dans les jardins de Marigny - la résidence officielle des hôtes de l'Elysée - a mis l'entourage de Sarkozy dans l'embarras. Fallait-il accéder à la première des caprices du «guide» et créer un précédent dans le cérémonial de Marigny ? Ou opposer une fin de non-recevoir, au risque de susciter l'ire de l'imprévisible visiteur ? Au prix d'un grand écart protocolaire, les communicants de l'Elysée ont trouvé la réponse à fournir à la presse: l'hôte de Sarkozy déploiera sa «kheima» bédouine dans les jardins de Marigny, mais... n'y passera pas les nuits. Fidèle aux profils de «bouillant» et de «trouble-fête» qu'il se taille dans les médias, l'auteur du «Livre vert» a troublé la présidence de Sarkozy comme elle en a rarement connu depuis son avènement voici sept mois. Le «guide» était loin de se douter que l'atterrissage imminent de son appareil sur Paris allait entraîner l'équipée «sarkozyste» dans une zone de turbulences. Lundi matin, l'Elysée, Matignon et les cabinets ministériels entament la journée, les yeux plongés dans le contenu d'une revue de presse au ton vigoureux. Morceau choisi, une interview de Rama Yade. La secrétaire d'Etat à la Francophonie et aux Droits de l'homme ne ménage pas son vocabulaire et exprime son irritation au séjour parisien du «guide». «Notre pays n'est pas un paillasson, sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s'essuyer les pieds du sang de ses forfaits», déclarait-elle. Bernard Kouchner n'a pas été en reste. S'alignant sur Rama Yade - les deux ministres cohabitent au Quai d'Orsay -, il s'est désisté du dîner officiel de l'Elysée pour cause de conclave ministériel à Bruxelles. Avant de s'envoler vers la capitale européenne, il a trouvé l'habillage sémantique pour ne pas se détourner de l'actualité diplomatique du jour. «La visite de Kadhafi, c'est un épiphénomène qui nous permettra, je l'espère, d'accentuer l'évolution de ce pays, qui rejoint la communauté internationale». Le «french doctor» a invité la France à ne rien oublier dans l'équation libyenne, «surtout pas les victimes». Estimant que la diplomatie dont il préside les destinées depuis six mois relevait d'une «alchimie très fine», il a noté une «évolution vers l'efficacité sans oublier les droits de l'homme». En fin d'après-midi, Nicolas Sarkozy s'est chargé de rétorquer aux critiques virulentes contre la venue du «tyran du désert» exprimées par les rédactions, l'opposition socialiste et les réserves émises dans son propre rang. A l'issue d'un premier round d'entretiens à l'Elysée avec Kadhafi, il a justifié son choix de dérouler le tapis rouge à son hôte. Affirmant lui avoir demandé de «progresser sur le chemin des droits de l'homme», il a fait valoir devant la presse l'image d'un nouveau dirigeant libyen. «La France reçoit un chef d'Etat qui a renoncé définitivement à la possession de l'arme nucléaire, qui a décidé de rendre les stocks sous contrôle des organisations internationales, qui a choisi de renoncer définitivement au terrorisme et qui a choisi d'indemniser les victimes», a-t-il dit, annonçant qu'il recevrait également «les associations de victimes».


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