Critères

Si vous cherchez sur la Toile le mot TAJ, il vous sera servi en plusieurs exemplaires qui n'ont rien à voir avec la politique ou les ponts et chaussées. Un seul concerne l'architecture et il est de taille! Donc, on peut en conclure que l'abréviation servant de sigle au nouveau parti d'Amar Ghoul n'est que la couronne qui manque à un bâtisseur pour qui tout sourit: en effet, les dissidences qui animent certains partis proches ou lointains de la mouvance islamique ne pouvaient pas mieux tomber. Que les fans du réalisateur de l'autoroute Est-Ouest se rassurent: El-Ghoul a conçu plusieurs trémies pour canaliser les nombreux transfuges. Quels sont donc les critères requis pour recruter des militants en saison estivale, en pleine canicule'
Dans la sphère politique, il est toujours délicat de recruter de nouveaux responsables, à un haut niveau, bien sûr. C'est, évidemment, par la méthode de cooptation qu'un nouveau commis de l'Etat est engagé car la tradition de recrutement par concours a été, hélas, supprimée (même dans la plus simple administration). Il faut cependant se méfier des concours qui sont réduits à un simple oral. Cela relève de la cooptation.
Il faut que le nouveau candidat fasse partie de la grande famille islamique, bien entendu. Il faut aussi qu'il présente un profil moral irréprochable, qu'il soit fidèle aux éternelles constantes qui gouvernent le système rentier et qu'il maîtrise à merveille les subtils artifices de la rhétorique de la langue de bois. Evidemment, il n'est pas obligé d'être beau, d'être charmant et même d'être photogénique. On peut, à la rigueur, lui demander d'avoir le sens de la communication, c'est-à-dire de recevoir les éventuelles doléances avec diplomatie, de ne jamais appeler un chat un chat, même si c'est une chatte, de ne jamais afficher des vérités, car il y a des latitudes où les vérités sont éphémères et qu'on risque de dire aujourd'hui, le contraire de ce qu'on affirmait hier, et cela est très dur à supporter. Souvenez-vous de ce type qui vous avait promis des élections propres et honnêtes et qui a été obligé peu de temps après de se dédire et d'avouer, toute honte bue, que finalement les élections avaient la transparence et le goût des eaux de l'oued El Harrach, encore que cet oued est promis à un avenir que l'on dit florissant. Dans les sociétés policées, les grands responsables sont choisis pour leur efficacité dans la gestion des hommes et des dossiers et pour leur totale discrétion, une qualité qui assure à son titulaire une carrière assez longue et une retraite confortable.
Cependant, il n'est pas impossible qu'une carrière ne débute par un coup de téléphone donné par quelqu'un de bien placé ou par une recommandation à l'issue d'une soirée bien arrosée ou tout simplement après quelques performances torrides au fond d'une alcôve. Mais ceux qui ont maîtrisé le plus les critères de recrutement furent les Soviétiques à la fin de leur système, il faut que le postulant ait dépassé allègrement les soixante-dix balais, qu'il ait renoncé définitivement au plaisir de la chair, qu'il ait perdu tout sens gustatif et qu'il fasse une croix sur ses rêves de fortune et de gloire afin de pouvoir se consacrer uniquement au destin de la nation et aux intérêts de l'équipe qui l'a désigné. Cette précaution sur l'âge de l'heureux élu, est une garantie de la durée de son mandat, il risque de faire à tout moment une crise cardiaque, une apoplexie, un accident vasculaire, une chute dans la salle de bains ou tout simplement oublier de respirer, ce qui arrive souvent à ceux qui sont sujets aux trous de mémoire. Mais ceux qui ont battu les Soviétiques dans les critères de choix, ce sont ceux qui ont choisi comme grand responsable, un homme atteint d'un mal incurable: la vieillesse.
Cependant, il faut se méfier de ceux qui ont trahi une fois: ils sont souvent tentés de recommencer.