Crises identiques, effets identiques

Une vingtaine de dirigeants du pourtour méditerranéen s'est réunie dimanche à Rome pour aborder le problème de l'émigration. Il est question, entre autres, de la création d'un fonds spécial destiné à financer des projets de développement en Afrique pour fixer les populations chez elles. L'Algérie a été l'un des premiers pays à s'engager dans cette voie. Non pour participer dans une cagnotte guidée par un formalisme diplomatique froid, mais parce qu'elle est plus que beaucoup d'autres au centre d'un phénomène extrêmement menaçant.La réunion au sommet de Rome cependant ne s'est pas seulement contentée d'aborder la nécessité d'une aide au développement à des pays africains qui en ont besoin. Les représentants européens avaient surtout à l'esprit le blindage des frontières européennes. Chacun étant souverain et libre d'appliquer la politique qui lui semble convenir, mais l'Europe est oublieuse des importantes ruées migratoires historiques dont elle a été elle-même la principale actrice. A crises identiques, effets identiques. La grande histoire a été caractérisée par d'énormes cascades migratoires nées essentiellement à partir de l'Europe. On feint d'ignorer, par ailleurs, que des Africains avaient été hier encore arrachés à leur sol natal pour devenir malgré eux mineurs, maçons, poseurs de rails ou chair à canon et que d'autres avaient été embarqués de force dans des navires, chaînes aux pieds, livrés aux négriers. Le paradoxe veut que ce sont ceux qui ont initié les larges déplacements humains qui s'arcboutent aujourd'hui sur eux-mêmes sans qu'ils se rendent compte que la rigidité de plus en plus forte de leurs frontières est au contraire un sérieux appel d'air.
Il est vrai que les circonstances et les données ont changé. Il n'est pas anodin que c'est au moment où l'Europe et l'Amérique blindent leurs portes que le peu d'humanisme qui restait a disparu.
L'aide au développement est de bon augure pour peu qu'elle soit sincère et sans arrière-pensées. Mais elle ne saurait suffire si les calculs bassement terre à terre se pérennisent pour que les hommes étalent ce qu'ils ont de plus inhumain.