Crise grecque, crise
de la presse britannique, feuilleton Berlusconi, affaire Strauss-Kahn. L'Europe
vacille...
Ce n'est pas un
petit pays d'Afrique Noire ou une lointaine contrée d'Amérique du Sud, mais un
pays d'Europe qui risque de faire faillite. La Grèce, dotée d'institutions considérées comme
crédibles, avec un vrai parlement et des élections libres, solidement arrimée à
l'Europe, se demande si elle ne va pas entraîner le monde dans une nouvelle
crise, avec des conséquences dramatiques pour la partie la plus vulnérable de
l'humanité.
En 2008, une
banque, Lehman Brothers, avait
fait faillite. Des millions de personnes à travers le monde en ont subi les
conséquences, rappelle un économiste. Cette fois-ci, c'est un pays qui risque
de se retrouver en cessation de paiement. L'impact sera encore plus large, et
les conséquences plus graves. Ce qui justifie l'inquiétude qui prévaut dans les
grands centres de décision de la planète.
Mais s'agit-il, en
fait, d'une crise économique, ou d'une crise morale et politique ? La question
se pose avec acuité quand on sait que la Grèce a allègrement truqué ses comptes pour vivre
au-dessus de ses moyens pendant de longues années. Comme dans un vulgaire pays
du tiers-monde, les institutions ont failli, les dirigeants ont fermé les yeux,
dans une sorte de complicité générale qui a mené le pays à tirer profit de
l'Europe avant que la dérive ne devienne impossible à contrôler.
La connivence
entre le monde politique et celui de la finance mène souvent à cette gestion
qui, sous une couverture techniciste, aboutit en fait à l'établissement de
règles non écrites qui transgressent les contrôles démocratiques traditionnels.
Les parlements sont eux-mêmes aspirés par cette gestion opaque, alors que la
presse se trouve incapable de dévoiler la réalité.
Mais pourquoi la presse irait-elle à contre-courant
? Elle-même tire profit d'une telle situation, quand elle ne contribue pas à la
créer et à l'entretenir, en devenant une partie de l'establishment. Sous cet
angle, la crise qui secoue la
Grèce apparaît comme le volet d'une crise plus large qui
touche le modèle de fonctionnement des sociétés européennes. Le scandale de la
presse britannique le montre clairement, avec un monde médiatique dont les
représentants les plus puissants se sont comportés comme de vulgaires malfrats,
usant de méthodes illégales parfaitement abjectes pour vendre du papier.
Robert Murdoch, patron
des journaux les plus directement mis en
cause, se trouve être un proche du Premier ministre britannique David Cameron. Un
des personnages les plus influents qui ont contribué à créer l'image de M. Cameron
est un élément clé dans le scandale des écoutes téléphoniques. Et le monde
découvre, ahuri, que ce qui était vaguement soupçonné était bien réel: un homme
très riche, possédant un empire médiatique, était devenu premier acteur de la
vie politique du pays, faisant et défaisant les réputations et les fortunes. Mais,
contrairement aux hommes politiques, il n'avait en face de lui aucun contre-pouvoir.
Ce que Londres
fait semblant de découvrir est cependant d'une grande banalité en Italie, où un
personnage d'une vulgarité affligeante a pris le pays en otage depuis deux décennies.
Grâce à son argent et ses médias, Silvio Berlusconi a créé un parti, pris le
pouvoir, dirigé l'Europe, fait son entrée dans le G8 et réussi à échapper à la
justice alors que les preuves s'amoncellent concernant sa responsabilité dans
de nombreux scandales.
Caricature du personnage riche, puissant, menteur,
arrogant, à qui sa fortune assure l'impunité, Berlusconi risquait de devenir le
prototype de la parfaite crapule. Il a franchi un pas supplémentaire en ce sens
avec les révélations sur ses frasques et ses liaisons avec des prostituées
mineures. Et du coup, il a réussi un rare exploit : son image a occulté celle
de la mafia qui constitue traditionnellement le premier handicap de l'Italie.
Berlusconi
apparaissait comme une exception dans une Europe qui a l'habitude de se poser
comme modèle de justice et de démocratie. Mais l'affaire Dominique Stauss-Kahn révèle que les scandales de ce type Berlusconi
sont courants, même s'ils se limitent à un seul volet. Voilà en effet l'un des
hommes les plus puissants du monde, promis à prendre le pouvoir dans l'un des
pays les plus prestigieux, un homme dont la moindre décision ruine des millions
de personnes, voilà cet homme devenu une vulgaire copie de Berlusconi, dans sa
tenue de riche, puissant et arrogant, écrasant plus faible que lui.
Entre la crise
grecque, Murdoch, Berlusconi et Stauss-Kahn, il y a
largement de quoi alimenter la chronique de « l'inhilal
el-akhlaqi » (déliquescence morale) de l'Occident, un
thème très en vogue dans les milieux islamistes. Il y a aussi de quoi susciter
un vrai débat sur les défaillances des institutions occidentales. Mais ces
défaillances n'occultent pas une autre réalité : dans ces pays, un homme dont
la culpabilité est prouvée est puni, tôt ou tard. Aussi riche et puissant soit-il.
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Posté Le : 21/07/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com