Algérie

Crise sanitaire: Moyens de protection, parlons-en !



Soumis à une législation qui ne répond pas aux situations d'urgence, les établissements publics de santé peinent à assurer leurs approvisionnements et la constitution de leurs stocks en moyens de protection et de lutte contre le Covid-19.Tous les propos seront «anonymes» parce que leurs auteurs refusent d'être cités pour une raison toute simple, nous disent-ils tous, «nous sommes interdits de déclaration à la presse; pour vous parler, il nous faut une autorisation de notre tutelle». Le sujet est en évidence la gestion de la pandémie du coronavirus depuis son apparition à ce jour, que ce soit au niveau des hôpitaux publics ou des cliniques privées et laboratoires d'analyses. Dans les hôpitaux publics, ceux des responsables avec qui on a discuté en «off», regrettent tous «le discours démagogique employé par les autorités de tutelle et autres plus hautes pour gérer une crise qui exige de la clairvoyance et de la précision».
Ils sont unanimes à soutenir que «se targuer d'avoir augmenté le nombre de lits n'est jamais une bonne méthode de gestion de la pandémie du Covid-19, il faut, en premier, de la sérénité et une stratégie claire, des décisions politiques courageuses et efficaces, de l'ordre dans ce qui est entrepris, de l'organisation». Nos interlocuteurs nous décrivent «l'organisation adoptée dans tous les hôpitaux à des degrés de différence, selon les moyens que nous avons et qu'on nous donne». L'un d'eux estime qu'«on est dans une situation de guerre, et dans pareille situation, il faut savoir d'abord protéger ses soldats».
La question de la disponibilité des moyens de protection des personnels médicaux est donc posée. «C'est dire que mobiliser un lit, ce n'est pas simple, il faut des moyens humains et matériels, il faut un médecin, un infirmier, des moyens de protection individuels qu'on arrive à avoir tant bien que mal parce qu'ils sont pratiquement tous importés». L'importation fait penser à la fermeture des espaces aériens pour cause de crise sanitaire, donc, «la suspension du fret, en plus, chaque Etat à travers le monde garde les moyens qu'il produit pour ses propres besoins, comment dans ces cas, pouvoir en assurer la disponibilité», note un responsable d'un établissement hospitalier.
«On a joué au yoyo avec les mesures de confinement»
Responsables administratifs et professeurs chefs de service reconnaissent que «la situation sanitaire n'est pas catastrophique, on gère». Mais notent-ils, «si parfois on est dépassé, on a que ce qu'on mérite parce qu'au moment où la situation n'était pas alarmante, on n'a pas pris les décisions qu'il fallait et à temps comme la fermeture inter-wilayas, on a joué au yoyo avec les mesures de confinement, la fermeté de l'autorité publique a fait défaut, sans compter le manque de civisme des citoyens». Pour eux, «la crise actuelle est sociopolitique, il faut que les responsables politiques s'éloignent de la démagogie, du discours populiste, de l'improvisation et la navigation à vue». Ils soulignent que «des gestionnaires d'hôpitaux se débattent pour arracher des quantités dérisoires de moyens de protection, parfois 80 tenues seulement par mois ! Remarquez d'ailleurs qu'au niveau des hôpitaux, les personnels dans les unités de prise en charge des malades du Covid-19 portent des tenues différentes parce qu'on n'a pas toujours le nombre qu'il nous faut de la PCH (Pharmacie centrale des hôpitaux), on se débrouille comme on peut pour en ramener d'un peu partout». Ils regrettent en outre que «les autorités politiques font la publicité à des masques de fortune, fabriqués -ce sont eux qui l'affirment- par des groupes de femmes ou de jeunes de la formation professionnelle sans aucune certification de conformité». Les spécialistes précisent que «le masque est considéré comme un dispositif médical, sa fabrication doit obéir à un cahier des charges mais aucun fabriquant dans divers quartiers n'en a un, ça n'a rien de sérieux». Des gestionnaires d'hôpitaux qui sont, disent-ils, «des établissements publics à caractère administratif» se plaignent par-dessus tout des difficultés qu'ils rencontrent pour assurer leurs approvisionnements et constituer leurs stocks en moyens de protection et de lutte contre la pandémie. «Les hôpitaux sont soumis aux règles de comptabilité, pour tout achat de produits, c'est une procédure harassante, lourde et archaïque alors que la situation sanitaire exige de nous de faire vite et bien», indiquent nos sources.
L'on nous rappelle qu' «en 2009, quand il y a eu la crise de la grippe porcine, le gouvernement de l'époque nous avait donné une dérogation pour qu'on puisse s'adapter aux situations d'urgence qui s'imposaient à nous».
«C'est le véritable parcours du combattant»
Nos interlocuteurs font savoir que «le président de la République a pourtant dans un Conseil des ministres exigé que la règlementation soit réaménagée, que le code des marchés publics soit revu pour alléger les procédures et pour qu'on puisse répondre à des situations d'urgence, mais rien n'a été fait à ce jour». Les gestionnaires refusent de «s'aventurer» et «taper sur la table pour exiger des changements à ce niveau parce que, pensent-ils, «les temps sont mauvais tout autant que les comptes..., on doit se méfier (...)».
Hier, il n'y avait pas foule devant les urgences d'un hôpital algérois. «En général, les vendredis, les gens ne se bousculent pas mais dans la semaine, on en reçoit par centaines (...)», nous expliquent des chefs de service. Ils se rappellent les pics allant jusqu'à «200 personnes par jour qui passaient par le centre de tri dont plus de 140 étaient admises en consultation ambulatoire, et plus de 190 passaient le scanner».
Désormais, dans les milieux hospitaliers, on parle de deuxième vague de la pandémie du Covid-19. «Celle-là est certes moins violente, c'est une forme modérée mais atteint beaucoup les personnes âgées», nous renseignent les spécialistes qui avouent que «ces derniers temps, nous maîtrisons mieux la situation».
Ceci étant, «on préfère déconseiller aux gens de passer un scanner en milieu hospitalier, parce que la contagion est difficile à éviter pour les personnes qui ne portent pas les tenues de protection, on renvoie la plupart vers des cliniques et laboratoires privés pour des analyses. Jeudi dernier, toute une famille était à la recherche de laboratoires pour passer le test Covid. «Nous avons appelé 10 laboratoires privés mais tous répondaient qu'ils n'avaient pas de réactifs pour nous faire le test de sérologie, c'est le véritable parcours du combattant !», s'est plaint le chef de famille.


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