Algérie

Crise ivoirienne : Les raisons de la déraison



Le pire est à  craindre en Côte-d'Ivoire. Les deux présidents sont sur des positions inconciliables et l'échec de la mission de l'ancien président sud-africain, Thabo M'Beki, indique qu'un éventuel dialogue entre les deux camps est quasi impossible. Depuis le double résultat du scrutin présidentiel,  Alassane Ouatara et  Laurent Gbagbo, plombés dans leurs positions, ont, ces derniers jours haussé le ton et les initiatives, comme pour confirmer leurs intentions  d'aller jusqu'au bout. Et jusqu'au bout, dans un pays qui n'a pas totalement pansé  les séquelles de la guerre civile, pourrait bien signifier un nouveau cycle de confrontations violentes aux retombées désastreuses,  tant pour la Côte-d'Ivoire que pour la sous région, voire même le continent. Deux événements viennent accréditer la  thèse d'une escalade. Guillaume Soro, chef des rebelles du Nord, nommé Premier ministre au gouvernement Ouattara, après avoir assumé ces charges sous Gbagbo, a clairement laissé apparaître une envie d'en découdre avec son ancien allié. «Nous n'en sommes pas encore à  la phase de la force», a-t-il affirmé dans un communiqué repris par l'AFP. Sans pour autant exclure l'option de la force si le président sortant ne «quitte pas le pouvoir». Gbagbo, de son côté, semble insensible aux pressions de la communauté internationale. En mettant en place un «gouvernement de combat», il affiche ouvertement ses intentions de défendre crânement son «acquis». Alors que l'ex-puissance coloniale l'exhorte à  quitter la scène,  il réplique en confiant à  Charles Blé Goudé, qui a été le fer de lance des manifestations  antifrançaises lors de la crise de 2002, le portefeuille de la Jeunesse et  de l'Emploi. Ainsi, sur le contentieux électoral, né du scrutin du 28 novembre 2010, semblent se greffer de vieux comptes à  régler. D'une part entre les Forces nouvelles du Nord menées par Soro, et les fidèles à  Gbagbo, majoritaires dans le Sud, mais aussi entre les Houphouëtistes (en référence à  l'ancien président  Houphouët-Boigny)  profrançais de Ouattara, et les Gbagbistes en rupture avec l'ex- colonisateur.  Le scénario du pire est ainsi mis en place et la France semble, encore une fois, àªtre au centre de la bataille. C'est donc sans surprise que,  selon des sources diplomatiques françaises, la France ait beaucoup œuvré en coulisses depuis le début de la crise pour que l'ONU, son secrétaire général  Ban Ki-moon, tout comme le Conseil de sécurité, reconnaissent la victoire d'Alassane Ouattara face au président sortant Laurent Gbagbo. D'ailleurs, la plupart des puissances mondiales ont tranché en faveur de ce dernier, sur la base de l'annonce des résultats  par le président de la commission électorale Youssouf Bakayoko à  partir d'un hôtel d'Abidjan avec l'unique présence des caméras de… France 24. La victoire d'Alassane Ouattara semblait alors acquise et entérinée. En réalité,  le puzzle des élections ivoiriennes est bien plus complexe. L'information reprise par les médias du monde entier ne tenait pas compte de la décision du Conseil constitutionnel de reporter l'annonce officielle des résultats. Sur ce plan, les pro-Gbagbo croient tenir un argument en béton. En effet, si l'on se réfère à  la constitution ivoirienne, la proclamation des résultats définitifs est une prérogative du Conseil constitutionnel. Or, celui-ci, après avoir jugé recevables les  contestations des résultats dans le nord du pays, donne Gbagbo vainqueur. Le top est donné à  une crise qui semble sans issue. D'autant que sur le plan militaire la ligne de fracture est, elle aussi, en parfaite adéquation avec les antagonismes sus-cités. D'un côté, les Forces de défense et de sécurité de Côte- d'Ivoire(FDSCI), qui constituent l'armée régulière, et de l'autre, les Forces armées des Forces nouvelles (FAFN), la rébellion qui contrôle la moitié nord du pays. Au vu des derniers événements, les deux camps paraîssent s'être mis dans une logique de reprise des hostilités. Les  déclarations des anciens rebelles, qui ont repris leurs positions telles qu'elles étaient au plus fort de la guerre civile en 2002-2003, sont sans équivoques. Mardi, le chef d'état-major des FAFN, le général Soumaïla Bakayoko, a clairement annoncé la couleur. Sur la chaîne française  «Canal+Horizons», il a affirmé que «pour nous, c'est Alassane Ouattara qui est élu président de la République. Nous allons libérer le pays dans les jours à  venir pour l'installer». Les Forces de défense et de sécurité de Côte-d'Ivoire n'en pensent pas moins. «Nous sommes franchement sous-pression. Mais nous devons défendre le pays à  tout prix. Nous sommes prêts pour ça», confie à  un journal ivoirien un officier joint depuis l'état-major des armées à  Abidjan-Plateau. Aujourd'hui, en Côte d'Ivoire, les ingrédients sont réunis pour un affrontement armé. A moins que, grâce à  un miracle dont seule la diplomatie détient le secret, les deux parties s'arrangent pour un partage du pouvoir.


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