Algérie

Crise en Libye: Alger réitère son appel à une solution politique



L'Algérie a appelé dimanche dernier, «les différents acteurs régionaux et internationaux à coordonner leurs efforts pour trouver un règlement politique durable à la crise dans ce pays frère».C'est évidemment de la Libye qu'il s'agit. C'est ainsi qu'Alger a réagi, dimanche, à l'initiative que le président égyptien a annoncée, samedi, lors d'une conférence de presse qu'il a animée au Caire. Dans sa « Déclaration du Caire», Abdelfattah Al Sissi a exhorté au «respect des efforts internationaux» et a proposé un cessez-le-feu qui devait entrer en vigueur hier, lundi 8 juin, à partir de 6h du matin (4h GMT). Il réclame en parallèle «le retrait des mercenaires étrangers de tout le territoire libyen» et appelle au « démantèlement des milices et à la remise des armes pour que l'Armée nationale libyenne soit en mesure de remplir ses responsabilités militaires et sécuritaires ». Le président égyptien a, par ailleurs, estimé que l'initiative devait ouvrir la voie «à la formation d'un conseil présidentiel élu en Libye et empêchait les milices extrémistes de contrôler les ressources du pays». Point focal au moment de l'annonce de cette initiative, la présence du maréchal Khalifa Haftar, commandant en chef de «l'armée nationale libyenne» qui contrôle l'Est du pays aux côtés d'Al Sissi. Dans son communiqué du dimanche, le MAE a souligné que «l'Algérie a pris acte de la dernière initiative politique en faveur d'un cessez-le-feu immédiat et d'une solution politique à la crise libyenne. Il a rappelé en outre, la position algérienne «qui se tient à équidistance des frères libyens ainsi que les efforts consentis à différents niveaux pour parvenir à un règlement politique, à commencer par un cessez-le-feu et le retour des belligérants libyens à la table du dialogue, pour aboutir à une solution politique inclusive, conformément à la légalité internationale et aux décisions du Conseil de sécurité onusien, et ce, dans le respect de la volonté du peuple libyen frère». Alger a, encore une fois, a réitéré «son attachement au rôle axial des pays voisins afin de rapprocher les vues entre les frères libyens, à la faveur d'un dialogue inclusif en tant qu'unique voie pour rétablir la paix en Libye et garantir son unité et son intégrité territoriale». En précisant « avoir pris acte du nouveau plan pour la Libye, l'Algérie reflète déjà sur le plan sémantique une attitude de démarcation, à peine voilée, du projet dévoilé samedi par le Caire», nous a affirmé hier une source diplomatique proche du dossier.
«L'extrême prudence» d'Alger
Pour notre interlocuteur « si l'Algérie se tient à équidistance des frères libyens en privilégiant la solution politique, l'Egypte montre, quant à elle, un alignement univoque envers l'Est libyen à différents niveaux, privilégiant la solution militaire». C'est, nous dit la source algérienne proche du dossier, «ce qui explique l'extrême prudence de la réaction algérienne à l'égard de l'initiative égyptienne qui reste au demeurant grandement dictée par le changement des rapports de forces et des alliances sur le terrain». Il est vrai qu'Al Sissi ne s'est jamais caché de soutenir politiquement et militairement Haftar. Il semble d'ailleurs avoir décidé d'agir vite en ignorant le Gouvernement libyen d'Union nationale (GNA) basé à Tripoli reconnu par les Nations unies et présidé par Fayez Essaredj. Notons que la MANUL (mission des Nations unies pour la Libye) a approuvé l'appel égyptien à un cessez-le-feu en Libye, un préalable, a-t-elle dit, pour « une reprise sérieuse des négociations entre les parties libyennes en conflit». Dans le communiqué qu'elle a rendu public dimanche, la MANUL a défoncé des portes ouvertes en rappelant « la tragédie qui frappe le pays depuis plus d'un an» alors qu'elle dure depuis 2011. Elle se dit prête à ?uvrer en faveur d'une solution politique qui dit-elle « reste à portée de main» et ce, «en organisant un processus politique pleinement ouvert et dirigé par les Libyens». Elle a souligné qu'une telle reprise reposera sur «l'accord politique libyen» l'accord de Skhirat que Haftar a rejeté récemment et « dans le cadre des conclusions de la Conférence de Berlin et de la résolution 2510 du Conseil de sécurité des Nations unies et d'autres résolutions pertinentes». Ce qui semble évident est que le président égyptien n'a pas agi seul. Selon des sources diplomatiques, l'initiative lui a été susurrée par Paris et Washington dont le double jeu concernant le dossier libyen n'est un secret pour personne et aussi par Moscou et Pékin donné pour consentants par les médias égyptiens. Les pays du Golfe ont aussi approuvé la «déclaration du Caire» pour avoir toujours soutenu Haftar et son armée et travaillé sur le dossier libyen en étroite collaboration avec l'Egypte. Ce soutien a été renforcé depuis mars dernier pour contrer les forces militaires turques qu'Erdogan avait décidé d'envoyer en Libye pour venir en aide au GNA qui faisait face depuis avril 2019 à une offensive guerrière lancée par Haftar pour la prise de Tripoli.
Hommage «aux martyrs tombés hier à Masrata»
Depuis cette date, l'armée dirigée par le maréchal subit de lourdes défaites bien qu'elle soit renforcée par de nombreux mercenaires venus de plusieurs pays. Fait saillant de fait, son échec à prendre Tripoli. Il est affirmé que les forces armées d'Esseradj ont bloqué dimanche leur avancée sur Syrte pour probablement des raisons tactiques face à «l'artillerie lourde et des raids intensifs d'avions et de drones fournis par des soutiens étrangers à Khalifa Haftar». Le plus important pour les forces armées du GNA est, assurent ces sources qu'«elles se rapprochent du «croissant pétrolier». Pour rappel, la production du pétrole libyen a été bloquée en janvier dernier par les pro-Haftar pour priver le GNA de revenus financiers impératifs. Selon les agences de presse étrangères, la Compagnie nationale libyenne de pétrole (NOC) a évoqué une baisse «sévère» de 97% de ses revenus en avril par rapport à la même période l'année dernière, soit «des pertes qui ont dépassé les cinq milliards de dollars». Elle a cependant annoncé, dimanche dernier, la reprise de la production à al-Charara (sud), l'un des plus importants champs pétroliers du pays ».
C'est au milieu de cette guerre fratricide qu'entretiennent plusieurs pays arabes et occidentaux en Libye, que le chef des forces armées du GNA, Mohamed Ali El Mahdi, est intervenu hier sur une télévision libyenne pour rendre hommage, a-t-il dit «aux martyrs tombés, hier, au champ d'honneur à Masrata sous les raids de l'aviation des Emirats arabes (...)». S'en est suivi la déclaration du chef de la région militaire de Tripoli «à l'occasion de la libération de l'Ouest libyen des milices de Haftar». Le Conseil libyen des Touareg et des unités de l'armée du GNA est lui aussi intervenu en direct pour annoncer «la victoire du GNA d'avoir repoussé les troupes de Haftar loin de Tripoli». Les intervenants soutenaient, hier, que l'armée d'Esseradj reprenait la route vers Syrte « pour la libérer des mains des mercenaires de Haftar ».


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