Algérie

Crise économique : rassurez-vous, braves gens, tout va bien !



Extraordinaire ! Chaque semaine, différentes instances réunissent les grands de ce monde qui annoncent, après des nuits de compromis, que la crise est jugulée, la situation définitivement stabilisée...

On vit une curieuse période. La médiatisation immédiate de l'actualité, via les télés, radios, internet, etc., y est certainement pour quelque chose. Mais on n'est pas loin de la «société du spectacle» dénoncée il y a un demi–siècle par les Situationnistes. Il se passe nécessairement quelque chose d'extraordinaire aux infos du 20 heures : crimes exceptionnels, catastrophes sanglantes, faillites internationales, conflits politiques de grande vibration, menaces ou opérations de guerres exceptionnelles, faits divers frissonnants, le tout alterné de débats socialo-culturels de grande portée (du genre : faut-il faire un régime amaigrissant avant d'aller à la plage ?)… Bref, le 20h doit être haletant !

 Evidemment, devant une telle contrainte d'actualités fortes et spectaculaires, la hiérarchie des sujets traités n'a plus aucune espèce d'importance. Ce qu'il faut, c'est faire l'événement chaque soir. Il est vrai que l'actualité du 1er semestre a été particulièrement chargée : révolution démocratique dans les pays arabes, catastrophe nucléaire au Japon, bombardement de la Libye, feuilleton judiciaire de Dominique Strauss-Kahn, faillite de la Grèce, crise de l'euro, massacre d'extrême droite en Norvège…

 Mais un événement chasse l'autre : les réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima continuent de fuir, mais qui s'y intéresse aujourd'hui, si ce n'est la seule population japonaise ? Et les médias internationaux ont consacré infiniment plus d'articles, d'émissions, de reportages et débats sur les frasques sexuelles affligeantes de DSK et leurs suites judiciaires qu'à la quasi-insolvabilité des États-Unis…

USA. On ne peut plus payer ?

On augmente la dette !

La première puissance économique mondiale est passée tout près d'une situation de quasi-faillite, les États-Unis ne pouvant plus honorer les remboursements de leur dette, qui pèse pourtant pour 50% de la dette mondiale : 14.294 milliards de dollars, environ 50.000 dollars par citoyen américain. Les parlementaires ont longuement débattu ces derniers jours pour "s'autoriser" à augmenter encore leur dette de 2.100 milliards supplémentaires. «Dans le cas où ils ne s'autorisent pas à augmenter leur dette, ils risquent le défaut de paiement, purement et simplement. Dans le cas contraire, ils continueront donc d'emprunter et d'augmenter leur dette, répétant encore le schéma qui les conduira à rendre encore plus difficile leur remboursement, ce qui les conduirait fatalement au défaut de paiement», note le site Agora.

Les États-Unis pourraient perdre leur note de crédit triple "A" auprès d'une agence de notation au moins cette année ; mais, au bout du compte, ceci pourrait finalement s'avérer être un non-événement, note de son côté l'agence Reuter. Tout cela pour ça ? «Aussi étrange que cela puisse paraître, une dégradation de la note américaine pourrait presque passer inaperçue dans les salles de marchés, alors qu'un tel abaissement n'a cessé d'être présenté comme un cataclysme par des responsables politiques et monétaires au cours des derniers mois (…).

N'ayant évidemment aucun mandat électif, deux agences de notation ont décrété que 4.000 milliards de dollars US de mesures de réduction du déficit étaient nécessaires pour qu'elles confirment la note triple "A" des États-Unis. Les parlementaires américains, qui eux doivent répondre des électeurs, se sont mis d'accord sur moins de 2.500 milliards d'économies budgétaires, dont seulement une partie sera immédiatement mise en Å“uvre.» Dans les faits, les élus républicains, toujours attachés à l'hyper-libéralisme, ont marqué des points sérieux : ils étaient farouchement opposés à toute augmentation de la fiscalité et notamment des plus riches. Sans recettes nouvelles, c'est donc par des coupes budgétaires que les économies se feront. Cette nouvelle rigueur va encore affaiblir la consommation interne et fragiliser la timide reprise économique américaine…

Du côté des agences de notation, Fitch a confirmé la notation "AAA" du pays, tout en estimant que les Etats-Unis n'ont toujours pas pleinement mis en place de plan crédible pour sécuriser son statut "AAA" à moyen terme. Moody's a suivi en estimant que «de nouvelles mesures d'austérité s'imposent d'ici 2013. C'est désormais au tour de Standard & Poor's de donner son avis, la 3e agence majeure étant sans doute celle qui avait eu les commentaires les plus sévères à l'endroit des Etats-Unis en juillet dernier. De son côté, la toute nouvelle agence de notation de l'Etat chinois, la société Dagong, a pour sa part déjà tranché : elle a abaissé de "A+" à "A" la note souveraine américaine, mardi, au regard d'une perspective "négative" !

Chaque semaine, l'euro est sauvé !

La semaine précédente, les autorités européennes et les chefs d'Etat du Vieux Continent se sont mutuellement félicités, voire auto congratulés avec force émotion à l'issue du dernier sommet européen qui s'est tenu à Berlin.

L'euro était sauvé ! La Grèce était sauvée ! L'Union européenne sortait de la crise soulagée, renforcée, confiante.

Sur le papier, tout va mieux en effet : on a quasiment répondu à toutes les demandes, apparemment contradictoires des pays leaders de l'Europe. La France réclamait une solidarité financière totale de l'UE, tout en voulant garantir les intérêts du système bancaire, notamment français. L'Allemagne, fortement bénéficiaire de la politique d'un euro fort, se montrait plus avaricieuse et exigeait une participation de la banque privée au paiement de la dette commune. L'Angleterre, qui tire une grande partie de sa richesse du traitement par la place boursière de la City, des mouvements internationaux des capitaux, ne souhaitait en aucun cas d'engagements trop engageants.

Mais le miracle s'est produit : tout le monde est d'accord, tout le monde est content. L'Europe est unie et s'engage d'un bon pas dans une gouvernance économique commune plus affirmée. On ne peut que se réjouir d'une telle issue. Mais les eurosceptiques, où l'on trouve souvent des positions très critiques sur l'hyper-libéralisme économique actuel, restent un peu dubitatifs à la fin de ce grand banquet. Pour deux ou trois raisons au moins.

La 1ère, c'est que depuis la crise majeure de l'automne 2008, les gouvernants nous habituent régulièrement à des déclarations finales de sauvetage général qu'ils sont, hélas, obligés de reproduire à échéances régulières, voire à termes de plus en plus rapprochés. La crise des subprimes est à l'origine une crise des crédits personnels, notamment par l'endettement des ménages américains dans l'immobilier. Mais l'ensemble avait été largement stimulé par une frénésie spéculative des organismes prêteurs. Aujourd'hui, nombre d'experts voient les rebondissements actuels comme les signes d'une crise systémique du système capitaliste : une nouvelle rechute de la Grèce (6% du PIB européen) entraînerait néanmoins dans sa chute toute l'Europe du Sud (Espagne, Italie…). L'effondrement de l'euro serait alors certain. Un défaut de paiement de la part des Etats-Unis aurait des conséquences bien plus imprévisibles et très difficilement contrôlables.

Le second facteur d'interrogations surgit sur la nature même de l'actuel mouvement spéculatif. Comme au PMU, divers fonds de pensions et organismes financiers parient aujourd'hui sur la survie des Etats. Des bookmakers, les agences de notation les conseillent. A la seule différence des courses de chevaux classiques, les gros joueurs et les bookmakers organisent la course et décident de son issue. Là où cela agace un peu, c'est les mêmes gros joueurs, habiles conseillers et autres patrons d'officines de pari, qui avaient été eux-mêmes sauvés de la faillite, il y a moins de trois ans, par les Etats qui vont évidemment mettre à lourde contribution les populations, simples salariés ou modestes contribuables. Dans le contexte actuel, quelques mesures simples, comme la séparation entre les banques d'affaires et les banques de dépôts, la mise en concurrence des quatre agences de notation privées par des organismes régionaux publics (Europe, Asie, USA, etc.), la nationalisation des différentes bourses (qui ont été dans le cas européen privatisées récemment), paraissent des mesures de bon sens garantes d'équité et d'une certaine reprise de la confiance du public. Rien n'a été fait dans ce sens depuis quatre ans.

La crise nourrit le conservatisme intellectuel

Le troisième doute provient de la certitude affichée par beaucoup, notamment en France. Nos élites, toutes brillamment intelligentes, préparées dans les mêmes écoles (ENA, Polytechnique, HEC..), ayant connu les mêmes cursus tant dans la haute fonction publique que les dans les directions des grandes entreprises, bénéficiant des mêmes conseils des mêmes grands sociétés «de conseil», partageant la même intimité avec le mundillo des élites des médias, ont-elles parfois le recul nécessaire pour trouver des solutions originales ? Ou même pour oser les penser ? Le thème de la nécessité d'une «Europe fédérale» en constitue un joli exemple. Nos idéologues avaient, à juste raison, pensé que l'unification économique, garante de progrès dans tous les domaines, notamment sociaux, réclamait plus de politiques communes, notamment en matière fiscale et budgétaire. Problème, l'échec du référendum sur le Maastricht en France et divers autres éléments ont montré que les peuples européens étaient rétifs à l'idée d'une Europe fédérale qui se doterait à terme d'un gouvernement supra européen. La crise économique de 2008 a sévèrement remis en cause la vision, la capacité d'anticipation, l'intelligence tactique de la gouvernance économique européenne, symbolisées aujourd'hui par deux grandes institutions, la Commission européenne à Bruxelles et la Banque centrale européenne. Après cet échec, le raisonnement de tous les eurocrates est le suivant : «On voulait un Etat fédéral, vous n'en avez pas voulu. On vous a promis beaucoup en matière économique, on a échoué : tout cela est vrai. C'est pour cela qu'on vous demande encore plus en matière d'Europe fédérale». On n'est pas sûr que les peuples concernés soient d'accord.

La révolution arabe marque le pas

u début du ramadan, le pouvoir syrien a redoublé d'une violence aussi brutale que cynique : le président, fils de son père, multiplie les promesses d'apaisement et de réforme constitutionnelle mais envoie les chars de son armée tirer sur le peuple.

En Egypte, les réformes tardent à venir et l'armée vient d'évacuer de force les manifestants de la place Tahrir. Les islamistes veulent s'imposer de force comme les représentants uniques de l'opposition.

L'économie tunisienne souffre de l'absence, cette année seulement, nous l'espérons, des recettes touristiques nécessaires à son équilibre. Les salaires des personnels de l'important secteur public sont versés avec intermittence. L'élection de l'Assemblée constituante a été repoussée à l'automne. Ailleurs, cela ne va guère mieux. Qu'il s'agisse du Yémen, où la situation est toujours très confuse, ou du Maroc, où les avancées réalisées ont été un peu entachées par un référendum royal aux résultats dignes du meilleur de la période soviétique : 98,49% de «Oui» à la réforme constitutionnelle !

En Libye, l'intervention militaire anglo-franco-américaine est plus source de confusion qu'elle apporte une aide utile au peuple libyen. L'opposition se divise et Kadhafi se rit des menaces des matamores Cameron et Sarkozy. Sans présence militaire sur le terrain, que la résolution de l'ONU interdit, la victoire de l'OTAN est très aléatoire et un assassinat d'Etat compliquerait infiniment une bonne résolution de la crise libyenne.

Le monde est donc infiniment complexe et plein de menaces, mais c'est dans les périodes complexes que l'humanité imaginative progresse. C'est pour cette raison que je souhaite aux lectrices et lecteurs du Quotidien d'Oran un excellent mois de ramadan !




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