La crise rebondit
après chaque sommet international. L'épisode grec souligne d'abord
l'impuissance des gouvernants.
L'euro est sauvé
! Les gouvernements européens ont réussi à convaincre les agences de notation !
« Je voudrais insister sur le caractère historique des décisions qui ont été
prises, elles sont extrêmement fortes, pour stabiliser, pacifier les marchés et
permettre à la Grèce
de retrouver le chemin d'une croissance normale », s'était félicité Nicolas
Sarkozy lors de la conférence de presse de clôture du dernier sommet européen.
Le soulagement
n'a duré que cinq jours. Mardi, les communiqués de victoire stratégico-mondiale
du sommet européen dominé par le couple Merkel-Sarkozy,
étaient remis au placard. Une fois de plus, la conférence de tous les dangers
qui se finissait miraculeusement sur une solution à l'arraché, fruit de la
sagesse franco-allemande, a épuisé ses effets en quelques dizaines d'heures,
laissant les gouvernants européens totalement déboussolés. À l'origine de ce
nouvel échec de la « gouvernance mondiale » ? Le référendum annoncé par Georges
Papandréou, le 1er ministre grec. Le responsable a, après avoir validé un
accord qui prévoyait la réduction de 50% de la dette grecque mais également un
durcissement du programme d'austérité pour la population, désiré faire valider
le package par sa propre population. Mais les Grecs, fortement remontés par les
mesures déjà prises, ne semblent guère enclins à approuver par référendum un
nouveau train de mesures qui, pour l'essentiel, ne frappent que les couches
populaires et les classes moyennes : dans les sondages, 60% des Grecs refusent
le compromis signé par l'Eurogroup.
Les Allemands qui
ont largement inspiré l'ensemble des décisions prises ont eu les réactions les
plus rapides et les plus vives : « L'intention du gouvernement grec d'organiser
un référendum sur les mesures d'aide décidées lors du sommet européen de la
semaine dernière, a augmenté l'inquiétude sur les marchés », selon le BdB, la fédération des banques privées allemandes qui
craint que « d'importants détails » du plan ne soient « reportés, voire au pire
gelés ».
COLERE ALLEMANDE,
REVOLTE GRECQUE
« Pour la
stabilisation de la situation qui est difficile comme avant, cette incertitude
qui va probablement perdurer pendant des semaines est tout sauf un cadeau », a
encore estimé le BdB. Les Bourses européennes et
surtout les valeurs bancaires ont dévissé dès mardi, après l'annonce du
référendum prévu début 2012, bien qu'on ne connaisse pas encore la question qui
sera posée aux électeurs Rainer Brüderle, ex-ministre
de l'Economie et chef de file des députés libéraux, qui participent à la
coalition de la chancelière, s'est dit lui « irrité par cette manoeuvre étrange
». « C'est comme essayer d'échapper à ce que l'on a soi-même négocié », a
critiqué le responsable en jugeant probable une « banqueroute » de la Grèce en cas de
victoire du « non » au référendum. Plus acerbe encore, le spécialiste des
questions européennes de la CSU,
branche bavaroise de la CDU
de Mme Merkel, Markus Ferber,
a qualifié l'annonce de M. Papandréou de « folie politique et idiotie
économique », dans un entretien au quotidien Die Welt.
Le gouvernement allemand, pris visiblement de court, s'était contenté lundi
soir d'un bref communiqué rédigé par le ministère des Finances : « Le sommet
des chefs d'Etat et de gouvernement européens la semaine dernière a formulé des
attentes claires », selon lesquelles « le deuxième plan d'aide à la Grèce doit être en
place d'ici la fin de l'année », rappelle sèchement l'exécutif allemand.
Pourquoi tant de
hargne, surtout vis-à-vis d'une démarche somme toute démocratique ?
L'initiative populaire grecque risque en effet de détricoter le laborieux
compromis tissé entre les principaux pays européens et leurs intérêts
divergents. Sur le dossier grec, les dirigeants européens avaient trouvé un
accord pour effacer une partie de la dette grecque qui s'élève aujourd'hui à
plus de 350 milliards d'euros, niveau jugé intenable. La perte pour les banques
se monte à cent milliards d'euros. Selon l'accord, Athènes doit recevoir de
nouveaux prêts internationaux de 100 milliards d'euros. Par ailleurs, 30 autres
milliards ont été réservés pour aider les banques grecques, plus grosses
détentrices d'obligations souveraines grecques. En échange, une rigueur accrue
menace la population et une «troïka» où sont représentés les trois principaux
créanciers du pays, Union européenne, Banque centrale européenne et Fonds
monétaire international, contrôlera les mécanismes budgétaires de l'Etat grec.
Ce n'était pas encore suffisant pour Angela Merkel qui réclame une « commission permanente » chargée de
faire appliquer par l'exécutif grec les trains de mesures austères nécessaires.
C'est un pas de plus dans la mise sous tutelle de la Grèce par ses
partenaires et bailleurs de fonds, un contrôle accru voulu par les Européens,
Allemagne en tête, échaudés par les nombreux retards pris par le gouvernement
Papandréou pour lancer un programme de privatisation de 50 milliards et pour
concrétiser des réformes prises sur le papier. Mais pas encore réalisées. Il
est vrai que l'on en est au 4ème plan de sauvetage de l'économie grecque sans
qu'aucun fonds européen n'ait été versé.
Plus
généralement, le projet d'une tutelle européenne interventionniste soulève la
question sensible de la souveraineté de l'Etat-nation
grec et a poussé aujourd'hui le Premier ministre Papandréou à lancer son pari
risqué. Les menaces affluent : «Si les Grecs votaient non au référendum, on ne
pourrait exclure une faillite de la Grèce», affirme le président de l'Eurogroupe et Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker. Nul doute que les pressions vont se multiplier, la
démission de Georges Papandréou étant déjà exigée ici et là. Curieusement, le
1er ministre grec a annoncé dans les mêmes heures un remplacement à 100% de son
état-major des armées. Curieuse coïncidence.
Mais les marges
de manÅ“uvre de l'exécutif grec restent très étroites et une sortie éventuelle
de l'Euro pourrait avoir pour la population grecque des conséquences aussi
dramatiques que l'acceptation du plan européen.
La colère
excessive des gouvernants européens est néanmoins à la hauteur de leur
affolement. L'intrusion de la voix populaire risque de mettre à mal les
délicats compromis sur une thématique imposée : la seule solution de sortie est
un programme d'austérité générale en Europe. C'est un choix stratégique sur
lequel il ne paraît pas à nos élites opportun de demander leur avis aux
populations concernées.
LES IMPOSSIBLES
EQUATIONS DE SORTIE DE CRISE
Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, les
deux chefs du laborieux et disharmonieux orchestre européen, doivent faire
face, il est vrai, à une avalanche de problèmes épineux. Tout d'abord,
contester cyniquement l'appel à la décision populaire n'est pas aisé, d'autant
que l'Union européenne est une confédération d'Etats-nations
où l'unanimité est la règle et non un ensemble fédéral où un gouvernement
supranational prendrait des décisions pour tous. Angela
Merkel avait d'ailleurs pris la précaution de faire
voter par son propre parlement les positions allemandes.
Certes,
l'initiative grecque ne concerne qu'un cas isolé (la Grèce ne représente
que 0,5% du PIB européen) mais la démarche contestataire pourrait inspirer
d'autres gouvernants de l'UE, comme l'Espagne ou l'Italie menacées par la
spéculation et coincées par leur opinion publique…
Car que faire
aujourd'hui ? Faute d'avoir mis au pas le système financiaro-bancaire,
les Etats européens se mettent aujourd'hui à la merci des réactions erratiques
des marchés, bourses en tête et doivent craindre les jugements calamiteux des
irresponsables agences de notation.
Plus
généralement, l'Europe et la plupart des pays développés se retrouvent entre
deux positions absolument irréconciliables.
Lourdement
endettés, les Etats doivent faire preuve de vertu et baisser pratiquement leurs
dépenses en imposant à leur population des programmes de rigueur accrue afin de
donner des gages à leurs créanciers internationaux. Mais ces cures d'austérité
affaiblissent fortement la demande interne, font baisser les PIB et rendent plus
difficiles les capacités d'emprunt sur les marchés.
Les dogmes libéralo-monétaristes promus par la Banque centrale européenne
interdisent tout recours à la création de liquidités nouvelles qui est pourtant
monnaie courante aux Etats-Unis ou au Japon, pas plus qu'il n'est possible de
baisser la valeur de l'euro pourtant notoirement surévaluée vis-à-vis de toutes
les autres monnaies internationales : dollar, yen, yuan, rouble…
Dans le cas
européen, la crise actuelle souligne également les divergences d'intérêts entre
les Etats membres. En matière d'austérité, l'Allemagne a pris un métro d'avance
: la politique dite de « modération salariale » a entraîné un recul du salaire
réel moyen de 4,5% entre 2000 et 2009, contre une augmentation de 8,6% en
France, la tendance s'inverse (entre 2010 et 2011, le salaire réel moyen déduit
de l'inflation a augmenté de 1,9%.)
L'heure
travaillée coûte à peu près le même prix des deux côtés du Rhin : 34 euros
outre-Rhin contre 33 en France ! Du coup, l'Allemagne a récupéré une bonne
compétitivité et est devenue le leader des exportations européennes. De quoi
conforter Berlin dans ses convictions économiques anciennes : euro fort,
rigueur budgétaire, lutte implacable contre l'inflation et contrainte sur les
salaires.
Heureusement,
nous avons un nouveau G 20 qui s'ouvre aujourd'hui à Cannes. La grand-messe
accouchera certainement de nouvelles solutions toujours plus définitives. En
prime, elle se déroule dans la capitale du cinéma !
TUNISIE-LIBYE: INTERROGATIONS
ET CRAINTES
Les dernières
élections en Tunisie ont vu un succès net du mouvement islamique Ennahda avec 41,7% des sièges (davantage en voix). Le parti
de Rached Ghannouchi
disposait d'un appareil militant homogène et efficace, de l'aura d'une
formation qui a subi la répression sévère de Ben Ali, d'une expérience
politique qui a fait souvent cruellement défaut aux autres partis. Dénommées «
modernistes », ces formations extrêmement éclatées en une centaine de chapelles
diverses n'ont pas su émettre de messages audibles par la population et
pèseront peu dans les premiers mois de l'Assemblée constituante. Ennahda devra, de son côté, trouver quelques alliés pour
constituer une majorité stable mais surtout la formation islamique devra
prendre à bras-le-corps une situation sociale et économique très tendue et
répondre à des attentes très fortes, sans nécessairement bénéficier de soutiens
de l'Europe, des Etats-Unis, ni même des pays du Golfe. En revanche, la
légitimité démocratique de cette échéance électorale majeure est incontestable.
Par contraste,
les déclarations récentes de l'exécutif libyen paraissent plus critiquables. Au
moment de la cérémonie de proclamation de la libération effective de la Libye, dimanche 23 octobre à
Benghazi, Mustapha Abdeljalil, président du Conseil
national de transition (CNT), a martelé que la prochaine constitution libyenne
aurait pour fondement la charia ou loi de la religion musulmane. Face à
plusieurs milliers de ses concitoyens, il a souligné : « En tant que pays
islamique, nous avons adopté la charia comme loi essentielle et toute loi qui
violera la charia sera légalement nulle et non avenue ». Comme le remarque
Jean-Yves Moisseron, chercheur à l'IRD (Institut de recherche pour le développement), « son
annonce de l'instauration de la charia, de la fin du divorce et du retour de la
polygamie intervient avant même la mise en place du processus d'élection d'une
Assemblée constituante.
Or on ne peut pas
à la fois parler d'élire une Assemblée constituante et décréter seul de
l'instauration ou de l'abolition de telle ou telle loi, remarque le responsable
de la revue Maghreb-Machrek, c'est le peuple libyen
qui doit décider de mettre en place la charia, pas Mustapha Abdeljalil.
Ce dernier s'autorise donc une autorité en dehors de tout cadre démocratique
comme s'il était l'unique dépositaire de la volonté du pays ».
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Posté Le : 03/11/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Pierre Morville
Source : www.lequotidien-oran.com