Algérie

Crise de sens



Crise de sens
Nos jeunes compatriotes du grand Sud réclament du travail. Et, tout de suite ! Il est vrai qu'une telle exigence, en économie de marché, n'est pas du ressort exclusif du gouvernement qui, cependant, est censé réguler l'offre d'emploi. Officiellement, l'Etat avait mis en place des mécanismes pour faciliter l'investissement et booster la création d'entreprises. Il a lancé de grands projets de développement au profit des populations du Sud et des Hauts Plateaux. De lourdes subventions ont été allouées aux agriculteurs et aux éleveurs. Comme partout à travers le territoire national, des budgets sociaux ont été aussi dégagés pour venir en aide, dans la mesure des moyens disponibles, aux couches les plus défavorisées. Sans trop s'étaler sur les contraintes rencontrées par toutes ces initiatives, on ne peut nier, à ce propos, l'effort constant et égal des pouvoirs publics à l'endroit de toutes les contrées du pays. Quand on lit les comptes-rendus des manifestations de chômeurs à Ouargla, Laghouat ou Hassi Messaoud, on a l'impression que cette crise du sous-emploi n'affecte que les régions du Sud. Ce qui est naturellement faux. Le chômage est un problème national qui se pose également, et dans les mêmes proportions, aux jeunes diplômés du Nord. En 2001, quand des manifestations ont éclaté en Kabylie, il s'est trouvé également des reporters et des politiciens qui, dans le feu de l'action, ont vite estimé que cette partie du pays a été lésée par les politiques publiques en matière d'emploi et de développement. Il serait facile de présenter tous les contestataires comme des victimes potentielles. Cela fait vendre du papier journal et crée d'éphémères sympathies politiciennes. On doit se méfier de ce type de raccourcis qui n'arrangent absolument rien à la situation. Ceci dit, quand quelqu'un sollicite du boulot, c'est toujours de bon augure. Partout à travers le monde, on voit dans le demandeur d'emploi un type digne qui veut gagner sa vie à la sueur de son front. Mais en ce qui nous concerne, ce malaise, une espèce de frustration permanente, affecte autant, sinon plus, le salarié que le sans-emploi. Force est de constater que les cortèges de protestation des populations actives sont plus intenses et plus récurrents. Enfermé dans une logique égoïste et individualiste, tout le monde aspire aux gros salaires et au luxe, mais sans consentir les sacrifices qui vont avec.
De hauts cadres, confortablement installés, ne pensent curieusement qu'à fuir cet état de chose, partir refaire sa vie à l'étranger. «À bien des égards, l'Algérie est un véritable chantier. Et la vie y est intense. Sur le plan matériel, on assiste même à une soif de vivre de toute une catégorie de gens. Pourquoi à la fois cette soif de vivre et cette indifférence à l'égard de tout ce qui n'est pas à soi, de tout ce qui est d'intérêt public '», s'interroge, en fin connaisseur, Saâd Dahleb, dans ses mémoires intitulées Mission accomplie. L'Algérie d'aujourd'hui, pouvoir et société, vit en effet une crise de sens et de valeurs. «On a oublié qu'on ne fait pas le bonheur des gens malgré eux. On oublie encore que quelque soit la force et le prestige d'un pouvoir, il ne peut créer l'enthousiasme par décret ou inspirer la foi par des ordres. Et, rien ne peut être entrepris au profit du peuple et poursuivi valablement sans la foi et l'enthousiasme populaires», ajoute, un peu plus loin, le même auteur. La pertinence de ce constat n'est plus à démontrer. Tout le mal réside, donc, dans nos visions infantiles et notre quête mesquine du bonheur à bas prix. On doit impérativement réfléchir, bien réfléchir, afin de redonner à la chose publique la place qui devrait être la sienne. Comprendre enfin que nul ne peut être individuellement heureux quand la tourmente submerge son voisinage. Tous les Algériens doivent voir grand. Pour cela, on a besoin d'un idéal national renouvelé, de rêves communs, de grandes espérances collectives et des idées novatrices. Mais cela est indéniablement plus difficile à créer que les postes d'emploi.

K. A.


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