Asept heures du matin, le bureau de poste
n'est pas ouvert et la file d'attente est déjà longue. Retraités,
fonctionnaires en avaient l'habitude mais depuis ces derniers jours, cela
tourne à l'exaspération. Pas d'argent, dans les postes. « Pas de cartes de
retrait, pas de chèques et maintenant plus de billets… C'est le dernier stade
avant le retour au troc » plaisante un jeune étudiant en… économie. C'est lui
qui a posé la question : «Pourquoi les fonctionnaires, enseignants, médecins…
n'ont-ils pas des comptes dans une banque, ça se passe mieux là-bas et elles
ouvrent des comptes contre une attestation de travail…». La réponse lui a été
donnée par plusieurs «chaineurs» : dans la fonction publique, le compte CCP est
obligatoire. La réponse est manifestement fausse. On a cherché et trouvé des
fonctionnaires dans des administrations centrales qui ont des comptes bancaires
– et ils en sont contents ces derniers temps- et ne disposent pas de comptes
CCP.
La combinaison d'une idée reçue et d'une
routine
A priori, aucun texte règlementaire ne
contraint un fonctionnaire à avoir un compte courant postal. «Il prendra le
risque très mineur de ne recevoir son salaire que dix jours plus tard que ces
collègues CCP… Mais il peut s'habituer vite à prendre sa paye le 10 du mois au
lieu du 1er» explique un fonctionnaire, cadre moyen, qui dispose d'un compte
bancaire. Il existe douze millions de comptes courants postaux, selon les
dernières données disponibles. L'écrasante majorité des fonctionnaires en
activité ou à la retraite dispose d'un CCP. La plupart sont convaincus qu'ils
n'ont pas d'autres choix. Le nombre des titulaires a en effet grossi car durant
les décennies précédentes, les banques n'ouvraient pas facilement des comptes.
Mais ce sont surtout les administrations, par commodité, qui l'ont imposé comme
un passage obligé à leurs employés. Le gonflement des comptes CCP est donc le
résultat de la combinaison réussie entre une idée reçue et une routine. La
tradition ou le conservatisme veut en effet que les administrations et
organismes publics versent les salaires dans les CCP, comptes dépendant du
Trésor, financier de l'Etat et donc en général détenteur des comptes de ces
administrations et organismes publics. A cette donnée lourde, s'ajoute l'effet
des flux tendus durant les conjonctures saisonnières (fêtes, ramadhan…) qui
rendent la crise de liquidité récurrente au niveau de la Poste. Un spécialiste
estime qu'il est possible de «désengorger» la Poste si les administrations
cessent de fonctionner à «l'habitude» et indiquent à leurs employés qu'ils sont
libres d'avoir des comptes CCP ou des comptes bancaires. Sur le «court terme»,
c'est le seul moyen, estime-t-il en relevant cependant que les banques ne
disposent pas d'un réseau aussi dense de guichets que le CCP. Sur le fond, on
estime que le problème réside dans l'expansion faramineuse en une décennie de
la masse monétaire nécessaire aux transactions dans l'économie. La pression est
aggravée par la part importante de l'économie informelle où les transactions en
cash sont la règle. «Les salariés qui connaissent actuellement les mêmes
exaspérations du temps du socialisme où il allait « faire la chaîne» sont les
victimes collatérales de ce drainage des liquidités vers le secteur informel».
C'est une «singularité algérienne», note-t-il.
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Posté Le : 09/11/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Oussama Nadjib
Source : www.lequotidien-oran.com