Le bilan de
l'année 2011 est certainement l'un des moins brillants de l'histoire économique
de l'Union européenne. Les marchés financiers ont littéralement pris en otage
les pays de la zone euro en spéculant sur les dettes publiques des pays les
plus fragiles, ciblant l'un après l'autre les Etats les plus endettés. L'effet
domino inauguré par la débâcle irlandaise en 2010 semble irrésistible.
Dans une
progression qui semble aller crescendo, le Portugal, la Grèce, l'Italie et l'Espagne
sont dans le collimateur d'une spéculation peu sensible aux gesticulations de
dirigeants européens dont les divergences s'expriment publiquement. Les sommets
«cruciaux», de la «dernière chance» se sont succédé à un rythme vertigineux : les
Conseils européens, les réunions des membres de l'eurozone
et les rencontres bilatérales germano-françaises annoncées comme ultimes et
décisives n'ont guère abouti à stabiliser une situation critique. Dramatisée
par le rôle d'oracles de mauvais augure dévolu aux agences de notation par les
médias. La crise grecque, psychodrame financier de l'année 2011 mais véritable
tsunami social pour le peuple grec, menace de se propager à l'Italie, illustrant
le phénomène de contagion redouté par les économistes. Athènes a dû admettre
son incapacité à honorer ses engagements de réduction de ses déficits et contre
une seconde bouée de sauvetage lancée par l'UE et le FMI a dû changer de
gouvernement et admettre la supervision de ses politiques publiques par une
Troïka d'experts délégués par l'UE, la
BCE et le FMI. A peine le chaudron grec un peu refroidi, les
Européens ont dû faire face à la détérioration de la position de l'Italie.
LE PSYCHODRAME DU
TRIPLE A
Rome a subi la
hausse brutale des taux d'intérêts de ses obligations d'Etat menaçant de
faillite la troisième économie de la zone euro. Une partie importante de la
dette italienne étant détenue par les banques françaises, l'inquiétude a gagné
les marchés et les agences de notation évoquent la possibilité de dégrader la
note affectée à la dette publique de l'hexagone. Un véritable psychodrame a
ainsi animé les unes des journaux français sur la perte du triple A, présentée
comme une catastrophe nationale. Aucune économie de la zone euro n'est indemne
de la réévaluation négative des agences de notation, même la très rigoureuse
Allemagne est placée sous surveillance par Standard & Poor's…
La crise de la
dette des PIGS (Portugal, Italie, Grèce et Espagne) ne serait elle que le début
d'un processus susceptible de concerner les économies les plus puissantes de la
zone et de mettre en péril l'Euro dans sa configuration actuelle ? En tout état
de cause, la crise de la dette souveraine et de la monnaie unique n'est pas
seulement de nature économique. La position consolidée des membres de l'eurozone, où chaque émission de dette souveraine est
évaluée comme marqueur de crédibilité, est pourtant bien plus favorable que
celle des Etats-Unis dont le besoin de financement public est deux fois supérieur.
UNE CRISE
POLITIQUE D'ABORD
La crise de la
dette est - d'abord ? - une crise politique qui traduit le déséquilibre
structurel entre une monnaie unique et des politiques budgétaires nationales. Il
restera que les attaques spéculatives ont abouti à la chute de gouvernements et
l'arrivée aux commandes, sous influence étrangère directe, de technocrates
présentés comme apolitiques et censés rassurer les marchés dont ils sont issus.
Ainsi Lucas Papademos en Grèce, Mario Monti en Italie,
ou encore Mario Draghi à la Banque centrale européenne
sont tous des anciens de la banque Goldman Sachs, qui a notoirement contribué
au maquillage des comptes publics grecs pour permettre l'adhésion de pays à
l'Euro. A Madrid, le nouveau chef du gouvernement, le conservateur Mariano Rajoy, a nommé mercredi 21
décembre Luis de Guindos, ancien président de la
banque Lehman Brothers pour
l'Espagne et le Portugal de 2006 à 2008, au ministère de l'Economie. Il n'est
pas sûr cependant que le recours à des experts ultralibéraux soit la panacée
rêvée par les dirigeants de l'eurozone. Quel est le
degré de détérioration des conditions sociales que sont disposées à accepter
les populations de la région la plus riche du monde ? La question n'est pas
vaine, dans une perspective de récession confortée par l'accentuation de la
rigueur budgétaire. Les dissensions entre dirigeants politiques et les
différences d'approches ne contribuent guère à susciter l'optimisme. Ainsi, la France défend l'idée d'Eurobonds, de mutualisation explicite des dettes
souveraines, dont l'Allemagne très sourcilleuse quant à l'indépendance de la BCE, ne veut pas entendre
parler, La cacophonie européenne a été clairement perçue par les marchés lors
du débat sur la modification des Traités européens, voulue par l'Allemagne. Cette
modification ne sera pas entérinée par l'ensemble des 27 pays membres de l'UE, la Grande-Bretagne, soucieuse
de défendre le rôle de la City,
ayant refusé de s'associer à une initiative qui prévoit, entre autres
dispositions, l'introduction d'une règle d'or au niveau des Constitutions
nationales et la limitation du déficit à 0,5% du PIB.
800 MILLIARDS
D'EUROS A EMPRUNTER
L'Europe, 20% de
l'économie globale, est à la croisée des chemins entre approfondissement de
l'intégration politique et égoïsmes nationaux, entre la nécessité de la
croissance et l'impératif de réduction des dépenses publiques. Ces
questionnements sont lancinants pour dessiner des issues à une spirale
d'endettement dans une situation de perte de compétitivité globale et de
récession. Si 2011 a
été particulièrement difficile les perspectives pour 2012 ne sont guère
enthousiasmantes : les Etats du vieux continent devront emprunter environ 800
milliards d'euros auprès des marchés pour assurer leur fonctionnement et pour
tenter de relancer des économies plombées par l'austérité. L'avis de tempête
sur l'euro n'est pas près d'être levé.
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Posté Le : 27/12/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Saïd Mekki
Source : www.lequotidien-oran.com