Algérie

Crimes sexuels à la Maison Blanche


Les crimes sexuels portent une marque révélatrice, même lorsque les instigateurs des outrages comptent parmi les hommes et les femmes les plus puissants des États-Unis. Alors, n'est-il pas extraordinaire d'apprendre que l'un des auteurs de ces crimes, Condoleezza Rice, vient d'orienter le débat d'une réunion spéciale du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la violence sexuelle comme arme de guerre ?

J'ai comme une impression de déjà-vu, qui me rappelle les photos de la prison d'Abou Ghraib en 2004. Quand le gouvernement Bush prétendait que la torture des prisonniers était l'oeuvre de « quelques brebis galeuses » en bas de la hiérarchie militaire, je savais que c'était plutôt le symptôme d'une politique systémique fixée au plus haut niveau. Non pas que je sois un génie, mais être formée sur les principes des crimes sexuels et travailler dans une cellule de crise pour les victimes de viol vous apprennent que tous les prédateurs sexuels agissent de diverses façons reconnaissables.

Nous savons désormais que la torture des prisonniers émanait d'une politique établie à la Maison Blanche par Donald Rumsfeld, ancien Secrétaire à la Défense, par Dick Cheney, vice?président, et par Condoleezza Rice – qui préside les réunions portant sur la torture. En outre, le Pentagone a reconnu avoir autorisé les mauvais traitements à caractère sexuel dans le cadre d'interrogatoires menés par des femmes. Et les documents obtenus par l'American Civil Liberties Union ont permis que Rumsfeld, selon ses propres termes, « enquête » sur l'humiliation sexuelle des prisonniers.

La sexualisation de la torture imposée d'en haut ont fait d'Abou Ghraib et de Guantánamo Bay des cercles de criminalité sexuelle organisée où les esclaves de la traite à des fins d'exploitation sexuelle sont les prisonniers des Américains. Au vu de la nature sadomaso classique de certains actes de tortures, il est difficile de ne pas supposer que l'un des responsables politiques tirait quelque plaisir de tout cela.

Les tortures non sexuelles allaient du passage à tabac, de l'asphyxie, des électrodes sur les parties génitales à la privation de sommeil, à la pendaison par les poignets et à l'isolement cellulaire jusqu'à l'apparition de symptômes de psychose. Ces sévices enfreignent à la fois le droit américain et le droit international. Trois anciens avocats militaires, reconnaissant la terrible vérité, ont refusé de participer aux «procès militaires» – ou plutôt aux «procès pour l'exemple» – visant à condamner ceux à qui l'on avait arraché des aveux par la torture. L'Amérique est désormais en mesure de s'interroger sur ce que devrait être la peine encourue pour le waterboarding [technique de torture par l'eau], en revanche en tant que nation, elle reste emmurée dans un silence étrange et ne semble toujours pas prête à évoquer ces crimes sexuels.

Pourquoi ? Ce n'est pas comme si les crimes sexuels autorisés ou tolérés par les dirigeants américains ne s'adressaient pas directement aux citoyens : pensons aux images de prisonniers la tête recouverte de sous-vêtements féminins ; aux comptes rendus de femmes soldats étalant le sang de leurs règles sur le visage de prisonniers et aux comptes rendus d'interrogateurs ou de prestataires militaires forçant les prisonniers à simuler un acte sexuel entre eux, à se pénétrer avec des objets ou à se soumettre pour être pénétrés par des objets. La loi de 2006 relative aux commissions militaires contient des vides juridiques délibérés accordant l'immunité aux auteurs de divers types d'humiliation et d'abus sexuels.

En outre, citons les témoignages de femmes soldats telles que Lynndie England sur le fait de forcer des prisonniers à se masturber, ainsi qu'un compte rendu du FBI se plaignant d'une politique de « techniques d'interrogatoire particulièrement agressives », notamment d'une interrogatrice appliquant de la lotion sur un détenu enchaîné et murmurant à son oreille – en plein ramadan, où les contacts sexuels avec une étrangère sont ce qu'il y a de pire –, retournant soudainement ses pouces jusqu'à ce qu'il grimace de douleur et saisissant violemment ses parties génitales. Les abus sexuels dans les prisons américaines se sont aggravés au fil des années et vont même, selon les médecins qui ont examiné les détenus, jusqu'à la sodomie.

Si ces agissements peuvent sembler bizarres à toute personne normale, il s'agit de pratiques habituelles pour les délinquants sexuels.

Les spécialistes savent qu'une fois que les auteurs de crimes sexuels contrôlent des victimes impuissantes, ils repoussent systématiquement les limites par un comportement toujours plus extrême: ils commencent par les dévêtir et, une fois que cette limite a été franchie, il y a de fortes chances pour qu'il soit question de pénétration orale et anale, de douleur et de peur croissante – et d'exposition des abus de plus en plus insouciante à mesure que se lèvent les inhibitions des délinquants sexuels.

Il est aussi fort possible que les criminels se livrent à des rationalisations toujours plus alarmantes de leurs sévices, affirmant souvent qu'ils sont infligés pour le bien commun. Au bout du compte, les victimes sont jugées responsables des mauvais traitements : si les détenus se comportaient « comme il se doit » et passaient aux aveux, ils n'auraient pas à subir tout cela. Le silence et la collusion sont typiques des crimes sexuels commis en milieu familial. En protégeant leurs délinquants sexuels par une chape de silence, les Américains se comportent comme une famille « dysfonctionnelle».

Tout comme les délinquants sexuels – et les dirigeants qui ont fait du viol et des sévices sexuels une stratégie militaire – ont été jugés et emprisonnés après les guerres en Bosnie et au Sierra Leone, les Américains doivent tenir pour responsables ceux qui ont commis ou autorisé ces sévices dans des prisons américaines. Dans le monde entier, la criminalité perverse et visuelle a alimenté les craintes au sujet de la puissance militaire et culturelle américaine. Il importe d'appeler ces agissements par leur véritable nom – crimes de guerre et crimes sexuels – et que les citoyens américains demandent que justice soit faite pour leurs auteurs et leurs victimes. A l'instar de la famille, ce n'est que lorsque les langues se délient et que surgit la vérité sur le viol et sur les abus sexuels que peut s'amorcer la guérison.
 
Traduit de l'anglais par Magali Adams

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