La région de Guerbes Sandhadjah, située dans la wilaya de Skikda, est un joyau de la Nature. Elle abrite un complexe de zones humides répondant à cinq des huit critères institués par la Convention internationale de Ramsar pour la protection et la valorisation des zones humides dans le monde. Mais le pillage des dunes de la baie de Guerbes et de la subéraie qui l’entourent compromet tout l’équilibre de la région. Ce massacre «contre nature» favorise l'avancée du sable marin sur les terres intérieures. Cette atteinte à l’environnement est commise en toute impunité.
Par Karim Tedjani, écologiste et fondateur du portail web «Nouara»
Jadis, l’exploitation du sable de Guerbes était légale. Pour des raisons écologiques évidentes, elle a été stoppée. Mais avec la complicité de certains habitants locaux qui n’ont pas d’autre choix que de vendre leurs bras et leurs pèles moyennant quelques centaines de dinars, certaines mauvaises consciences persistent à s’attaquer à ce patrimoine naturel. S’il venait à disparaître, la région deviendra déserte.
Il y a ceux qui pillent le sable, et ceux qui détruisent le maquis côtier pour cultiver la pastèque. L’été dernier, près de dix hectares ont été rognés par des agriculteurs avides de profits. Ils sont inconscients des impacts de leurs forfaits. La culture de la pastèque, si elle a fait la réputation de Sandhadjah, est nocive pour les sols, ainsi que pour les nappes souterraines. D’énormes quantités d’intrants phytosanitaires et d’eau sont nécessaires pour cette culture. La terre de Guerbes renferme, à ce titre, une importante nappe phréatique alimentant un grand nombre de communes.
Dans le périmètre de «Sandhadjah», les dégâts sont visibles à l’œil nu au point que la région commence à ressembler au Sahara. La population s’est d’ailleurs mobilisée depuis peu pour dénoncer ces agissements auprès de l’antenne de la Conservation des forêts de Ben Azzouz. Mais cette dernière ne semble pas très diligente à saisir la Justice, au point de paraître tacitement complice, du moins certains de ses cadres.
Il existe une véritable petite « mafia » qui spécule sur le foncier. Brûler la forêt pour récupérer une parcelle de terre et la revendre ou agrandir la surface agricole utile, est devenu le sport favori de certains. Ils détruisent au passage des milliers d’espèces vivantes et tout le potentiel éco-touristique de la région. Là aussi, l’impunité est telle, que l’on pourrait s’interroger sur le silence de certains responsables locaux.
Les habitants de la région sont devenus les témoins tacites, et une minorité d’entre eux, complices. Il faut toutefois mettre en exergue leurs difficiles conditions sociales. Pour que l’environnement de Guerbes Sandhadjah se régénère, il faudrait donc que la misère locale s’étiole, en appliquant un programme de développement durable, des «projets verts». Cela permettrait de garantir aux locaux des sources de revenus régulières. Ils seront de facto impliqués dans la protection des sites naturels.
Chaque été, des tonnes de déchets domestiques jonchent la première plage de Guerbes. Tous ces détritus sont jetés par les milliers d’estivants ignorants la portée écologique de leur acte. Ils viennent des communes voisines de Djendel, Azzaba ou Ben Azzouz, et des wilayas comme Guelma, Annaba, Constantine, Alger et même du sud du pays.
Les énormes quantités d’ordures qui envahissent les abords de la plage génèrent de nouveaux comportements chez la faune locale, qu’elle soit sauvage ou domestique. Cela crée un déséquilibre dans les réseaux trophiques locaux. Souvent, dans l’estomac du bétail mort de maladie, on retrouve des sacs en plastique. Des quantités astronomiques sont également transportées par le vent vers les terres intérieures. Elles se désagrègent et se transforment en poussières nocives pour les sols. En outre, les rares sources environnantes sont souillées par des baigneurs venus prendre une douche «shampooingnée» pour se débarrasser du sel marin.
La région abrite d’autre part une forêt de conifères, ainsi que de chêne liège et vert, entourée par les monts Filfila et Endough. Guerbes regorge de plantes médicinales et aromatiques, de fleurs et de champignons.
Dans cette partie de l’Algérie, on passe d’un paysage marin à une zone marécageuse, puis, dans la foulée, à une zone montagneuse. Toute la biodiversité méditerranéenne y est représentée: batraciens, oiseaux, rapaces, mammifères, poissons et mollusques d’eau douce ou de mer, reptiles, insectes ainsi que des micros organismes d’une grande rareté.
Cette particularité géographique a fait de cette zone naturelle un sanctuaire hivernal pour une multitude d’oiseaux migrateurs. Guerbes Sandhadjah est donc un excellent site d’observation ornithologique. A titre d’exemple, L’Erismature à tête blanche, est le spécimen rare le plus présent dans les eaux marécageuses de Guerbes Sandhadjah. On estime que 1% de l’avifaune mondiale trouve refuge, en hiver, dans ce complexe de 14 zones humides reconnues également par la WWF.
Dans cet endroit magique, il est également possible d’effectuer de fabuleuses randonnées à pied, à cheval, de l’escalade, des safaris photos, de la pêche en eau douce ou sous-marine et donc de développer un tourisme écologique et rentable pour toute la région.
K. T.
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Posté Le : 14/01/2013
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: forestiersalgeriens.net ; texte: Contribution de Karim Tedjani
Source : El Watan.com du dimanche 12 janvier 2013