Algérie

Crédibilité



En annonçant que d?autres procès vont accompagner celui de la caisse principale et que certains témoins seront inculpés, le procureur général du tribunal de Blida réfuterait l?argument assez répandu dans le pays que le jugement n?ira pas bien loin, car trop de responsables sont impliqués dans les malversations liées au groupe Khalifa, parmi eux des personnalités de premier rang, de pratiquement toutes les institutions du pays. Le représentant du ministère public « transmettrait » ainsi une sorte de message à forte consonance politique indiquant que la justice ne va pas épargner les grosses huiles et faire payer les « seconds couteaux » et qu?elle ira au bout des responsabilités sans qu?aucune ligne rouge ne vienne la rappeler à l?ordre. En félicitant la presse, le procureur général désavouerait ceux qui ont malmené les médias ces derniers jours, pas toujours innocemment, pour sa couverture du procès. Et en invitant la presse à prêter main-forte à la justice dans le débusquage de la corruption, il laisse entendre que la tâche qui attend la justice ne sera pas facile. Si tel est le cas, un tournant est marqué aussi bien dans le procès Khalifa que dans la conduite de la justice dans le pays. Le durcissement pourrait s?expliquer par la volonté du pouvoir politique de ne pas être entaché deux fois par l?affaire Khalifa, une fois par le manque de vigilance des institutions officielles, la seconde fois par un procès bâclé. Bien jugée, l?affaire réhabiliterait autant l?Etat que le régime politique, lequel a pris nombre d?engagements nationaux et internationaux en matière de traque de la corruption. C?est donc toute la crédibilité de l?autorité qui est en jeu au moment où le pays entre dans une phase électorale intense : législatives, locales, révision constitutionnelle puis la présidentielle de 2009. Les gouvernants ont, en outre, besoin de se confectionner la meilleure image possible vis-à-vis des partenaires étrangers qui souhaitent de plus en plus renouer avec l?Algérie et faire des affaires avec elle. Et quoi de plus crédibilisant dans un pays qu?une justice indépendante ? Par un concours de circonstances exceptionnelles, le procès Khalifa joue un rôle de révélateur politique : il peut être porteur de changements, mais à condition que la détermination affichée aujourd?hui par le procureur général ne soit pas dévoyée, dans son intention ou en cours de route. Si ce n?est pas le cas, la frustration morale au sein de la collectivité nationale serait pire que le préjudice financier et social causé au pays par le groupe Khalifa.


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