Cravaggio, un génie ténébreux méconnu Journées du cinéma italien à la cinémathèque d'Alger

C'est dans le cadre de la tenue des Journées du cinéma italien, inaugurées mercredi dernier, que le long métrage Cravaggio, d'Angelo Longoni, a été projeté jeudi dernier à la Cinémathèque d'Alger face à un public nombreux.
D'une durée de 120 mn, ce film, sorti en 2007, relate la vie tumultueuse de l'un des plus grands artistes peintres du XVIe siècle, Michelangelo Merisi surnommé Cravaggio (Caravage, qui a, plus tard donné naissance au style pictural qu'on appellera le caravagisme). Né à Milan, l'artiste, dès son enfance, se retrouve en contact permanant avec la mort. Il assiste impuissant à la disparition de nombreux membres de sa famille, tous emportés par la maladie. L'image de la mort l'obsède et le fascine. Jeune homme charmant, il s'attire vite les grâces de la comtesse de Caravaggio, son village natal. Cette femme de la noblesse, qui est fascinée par son talent et son charisme, décide de le parrainer et de lancer sa carrière en l'envoyant à Rome, capitale politique et, surtout, religieuse. L'artiste débarque à Rome la tête pleine de rêves. Ses tableaux de natures mortes ne tardent pas à faire un tabac mais les ventes ne lui rapportent que très peu d'argent. Grâce à son talent et l'intervention de sa marraine, la comtesse, l'artiste devient le protégé du cardinal Del Monte. Une fois sous l'aile de l'ecclésiastique, l'artiste donne libre cours à son imagination. Ses tableaux deviennent de plus en plus surprenants. Sa technique du clair-obscur et son utilisation de modèles humains pour peindre deviennent vite sa marque de fabrique. Sévèrement critiqué par les académiciens, les puristes et les puritains qui voient en lui un hérétique, Caravage ne tardera pas avoir une réputation sulfureuse, surtout qu'il passe le plus clair de son temps dans les bas-fonds de Rome où il puise son inspiration. A cause de son comportement jugé immoral, Caravage s'attire la colère de son protecteur, surtout que l'artiste a tué un homme au cours d'un duel pour sauver une prostituée. Après avoir été arrêté à plusieurs reprises pour de nombreux délits, l'artiste est condamné à mort par la justice des états pontificaux. Mais il arrive à fuir et se réfugie sur une île. Accueilli par son ancien ami, Caravage est introduit alors chez les Chevaliers de Grâce, ce qui lui permettra de gagner le pardon du pape. Malheureusement, le jour de son retour à Rome, l'artiste est
victime d'un malentendu et se fait embarquer par des pêcheurs. Atteint de la malaria, il mourra en route et son corps sera jeté à la mer. Avant-gardiste et anticonformiste, le peintre, qui deviendra par la suite le père du caravagisme, est un personnage fascinant, et cela est brillamment reproduit dans le film. Mêlant histoire (la partie biographique) et fiction (reproduction des délires du peintre), le réalisateur du film a réussi à reproduire le tempérament fougueux de l'artiste. Concernant le jeu des acteurs, il a été simplement excellent, surtout Alessio Boni dans le rôle du peintre. Tout comme les 'uvres de Caravaggio, le film surprend de par son réalisme, surtout dans la reproduction des nombreuses scènes d'exécution (décapitation, mise au bûcher et pendaison). Le film recèle aussi une part de spiritualité avec un texte très axé sur les questions de la vie, la mort et la repentance. La mort est représentée dans le film par un ténébreux chevalier vêtu de noir (chevalier de l'apocalypse). Auteur d'un nombre inestimable de tableaux, le Caravage est un artiste maudit que la passion pour l'obscur a fini par emporter. Néanmoins, l'artiste sévèrement contesté a aussi soulevé un grand intérêt des collectionneurs pour ses tableaux, car il est l'un des premiers peintres à avoir humanisé les saints et à reproduire sincèrement les expressions de ses modèles, ce qui a été jugé troublant à l'époque et lui a valu d'être accusé d'hérésie.
W. M.