Algérie

Crainte d'un retour à la case départ



Des professionnels de la santé, joints par nos soins, sont unanimes à relever que la question du déconfinement progressif ne se résume pas en la promulgation d'un décret, appelant toutefois, à l'application rigoureuse des mesures barrières qui existent déjà.L'instruction émise samedi soir par le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, concernant l'élargissement des secteurs d'activité et la réouverture des commerces, "à l'effet de réduire l'impact économique et social de la crise sanitaire", a suscité des réactions plutôt mitigées parmi les professionnels de la santé, notamment le corps médical qui craint un retour à la case départ dans la pandémie de Coronavirus.
Des professionnels de la santé, joints par nos soins, sont unanimes à relever que la question du déconfinement progressif ou la réouverture des commerces ne se résume pas en la promulgation d'un décret ou d'une instruction, appelant toutefois, à l'application rigoureuse des mesures barrières qui existent déjà.
D'autres craignent par contre le retour à la case départ et l'explosion du nombre de cas de contamination au coronavirus. Pour le Pr Targhit-Mahi Samia, chef de service des maladies respiratoires au CHU Mustapha-Pacha, la réouverture de ces commerces n'est pas encore opportune pour amorcer le processus de déconfinement commercial.
"La décision relative à l'ouverture des commerces, nous a surpris dans la mesure où elle est intervenue dans une période où on s'attendait à plus de rigueur et à de nouvelles mesures qui aideraient à mieux appliquer les conditions liées à la protection contre le Covid-19 dans les lieux publics ou dans les différents commerces déjà ouverts avant l'instruction d'hier (d'avant-hier samedi, ndlr).
D'ailleurs, pendant cette période de confinement, les mesures de distanciation sociale encore moins celles relatives au port des moyens de protection ne sont pas vraiment respectées. À vrai dire, on craint que l'impact sanitaire de cette instruction du Premier ministre ne soit négatif.
On risque gros parce que durant toute la période de semi-confinement, les mesures barrières n'étaient pas respectées dans la majorité des commerces", plaidera le Pr Targhit-Mahi qui soutiendra en revanche que le gouvernement aurait dû au préalable accompagner ladite instruction par d'autres initiatives devant renforcer la sécurité sanitaire du citoyen, telle la généralisation obligatoire du port du masque.
"Ces commerçants qui vont ouvrir à la faveur de cette mesure, doivent être conscients qu'ils doivent mettre les distances, porter des masques et ouvrir à des heures bien précises, à la rigueur. Reste à savoir si ces commerçants finiront par s'engager à respecter ces règles barrières".
Appel au respect strict des règles barrières
Quant au Dr Ziou Toufik, phtisiologue exerçant à l'EPSP de l'Arba dans la wilaya de Blida, il s'est prononcé contre cette mesure de déconfinement qui ne dit pas son nom. "Si cette mesure était annoncée ailleurs dans d'autres pays, elle ne serait pas dangereuse. Mais dans le contexte algérien, les données sont différentes. On risque à la longue de se retrouver face à la catastrophe de maladies chroniques graves.
C'est pour cette raison et bien d'autres que je suis pour un déconfinement progressif. Mais il faudra tout de même maintenir le couvre-feu, interdire les rassemblements aussi bien dans les magasins que sur la voie publique. En un mot, le non-respect des règles barrières risquent d'engendrer des conséquences plus graves encore", estimera ce spécialiste au front contre le Covid-19 dans la wilaya de Blida, premier fief de la contamination au coronavirus.
Néanmoins, notre interlocuteur se montre, cependant sceptique quant au respect des mesures de protection. "On n'est pas vraiment en train d'observer un vrai confinement selon les règles barrières prévues. Je suis pour la levée progressive du dispositif d'isolement sanitaire.
Cela étant, il fallait faire en sorte que la région de Blida ne manque de rien. Aujourd'hui on est le 26 avril, on approche de la fin du mois d'avril et les masques ne sont pas vraiment donnés à tous", indique-t-il. Un autre pneumologue exerçant à Beni Messous et qui a requis l'anonymat, suggère, lui, carrément la prolongation du dispositif de confinement au lieu d'annoncer la reprise de certaines activités commerciales.
"Je suis contre cette levée de confinement sur les activités commerciales. Il fallait au contraire annoncer une prolongation du confinement de 2 semaines au minimum. L'instruction d'hier (ndlr d'avant hier) se veut un déconfinement masqué. Les chiffres de contamination communiqués ne reflètent pas la réalité, d'autant qu'on n'est pas dans un pays qui a généralisé le dépistage. Parallèlement, il existe une réalité amère des Algériens journaliers, tels les maçons.
Comment font-ils en ces premiers jour de Ramadhan pour subvenir aux besoins de leur famille. Dans de telles situations, c'est à l'Etat de trouver des solutions pour venir en aide à ces travailleurs. À titre d'exemple, le gouvernement devra actionner la Casnos pour dégager un plan d'aides destinées à cette catégorie de commerçants fortement impactée par la crise sanitaire".
Cependant, des membres du comité scientifique de suivi de l'évolution de la pandémie qui affichaient leur farouche opposition à la levée du confinement même progressive, ont exprimé leur soutien à la décision du Premier ministre, et ce, dans l'espoir d'atténuer les effets socio-économiques de la crise sanitaire. Le Pr Mohamed Bekkat Berkani président du Conseil de l'Ordre des médecin et membre de l'instance de suivi de la maladie estime que "la nouvelle instruction d'Abdelaziz Djerad vient rendre un peu de fonctionnalité au pays".
"Cette mesure, assure-t-il, est jugée nécessaire parce qu'il ne faut pas penser uniquement à éviter au pays une catastrophe sanitaire, pour se retrouver face à une catastrophe humanitaire. Cela dit, les conditions préventives accompagnant cette instruction doivent être impérativement et vigoureusement respectées.
La mesure du gouvernement n'a pas été promulguée pour abolir toutes les règles barrières". "À présent, la balle est désormais dans le camp de la population qui est appelée à s'impliquer dans le respect des instructions barrières. Tout un chacun est interpellé à prendre l'initiative de se protéger en portant des masques de protection. Le citoyen doit coudre son propre masque.
La responsabilité collective est d'abord une responsabilité individuelle", argumentera le président du Conseil de l'Ordre des médecins avant de souligner que cette période se veut aussi "une détente avant d'évaluer l'opportunité d'entamer le déconfinement progressif. C'est à partir de cette détente qu'on pourrait voir l'état d'avancement de l'épidémie. À présent l'Algérie maîtrise la situation, pour preuve, le nombre de décès qui est en nette régression depuis plusieurs semaines", conclura le Dr Bekkat Berkani.

Hanafi H.

Liste des commerces autorisés à rouvrir
Selon l'instruction adressée aux départements ministériels concernés ainsi qu'aux walis, les activités autorisées à la réouverture sont les commerces de pâtisserie, confiserie et gâteaux traditionnels, habillement et chaussures, commerce d'électroménager, commerce d'articles et ustensiles de cuisine, commerce de tissus, de mercerie et de bonneterie, bijouteries et horlogeries, commerce de produits cosmétiques et parfumerie, commerce de meubles et de mobilier de bureau, librairies et vente d'articles scolaires, commerce en gros et détail de matériaux de BTPH, taxis urbains, salons de coiffure.
Il appartient aux walis "de définir les conditions de prévention sanitaire à respecter avec rigueur", concernant les activités de coiffure ainsi que les commerces d'habillement et de chaussures. En revanche, la même source rappellera que la reprise de l'activité des taxis à l'intérieur du périmètre urbain est différée jusqu'à l'annonce par les pouvoirs publics des modalités liées à la sécurité sanitaire de ce moyen de transport.


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