Algérie

Covid-19: L'automédication, l'autre épidémie



Si l'automédication a toujours constitué une source d'inquiétude pour les praticiens de la santé, car pouvant entraîner un mésusage des médicaments et une aggravation de l'état de santé de la personne malade, à l'heure de la pandémie, elle devient un élément amplifiant les facteurs de comorbidité chez les sujets atteints de COVID. Beaucoup de médecins tirent la sonnette d'alarme sur une pratique qui semble prendre des proportions qui menacent la viabilité même de l'ensemble du dispositif sanitaire mis en place dans la lutte contre la pandémie.« Un problème est apparu. C'est l'automédication et le non-respect des directives sanitaires, » a averti récemment le professeur Amar Tbaibia, chef de service de médecine interne à l'établissement hospitalier d'El Biar à Alger. Actuellement, a-t-il souligné, « on fait face à une pénurie de l'Enoxaparine et de Tinzaparine (deux médicaments utilisés dans le traitement de la COVID, notamment, pour leurs effets anticoagulants), tout simplement parce que les gens les utilisent à tort et à travers, quand ils ne les stockent pas ».
La même tension est constatée pour d'autres médicaments « à l'exemple de Lovenox, désormais en rupture chez plusieurs officines à Oran, ou encore l'Azithromycine devenu rare sur le marché. Même le Paracétamol est sous tension. Tout le monde stocke tout et n'importe quoi, » déplore Toufik, pharmacien qui exerce dans la banlieue oranaise. Pour Hakim, médecin généraliste exerçant en cabinet privé à Alger, « la vente de médicaments se fait le plus souvent sans ordonnance au niveau des officines, car quasiment tout le monde se prend pour médecin ». Ceci, a-t-il précisé, concerne tous les médicaments, sauf les psychotropes dont la vente est strictement réglementée ». Les médicaments les plus demandés sont les antibiotiques (ATB), les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), les corticoïdes et les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), qui sont des médicaments utilisés pour réduire la sécrétion acide gastrique, indiqués dans la prise en charge du reflux gastro-?sophagien (RGO) et des ulcères gastroduodénaux, a-t-il expliqué. Il y a aussi les antidouleurs, les sirops pour la toux, les pommades anti rhumatismales. S'agissant spécifiquement de la covid19, l'automédication est selon le médecin, « responsable des pénuries de certains médicaments, et sera probablement l'origine de plus de résistance, dans le cas des ATB qu'on prend comme des chocolats sans le moindre respect ni de la dose, ni du nombre de prises, ni même de la durée du traitement ». Certains patients, souligne-t-il, « n'hésitent pas à arrêter ces traitements pour switcher vers d'autres sans le moindre avis médical. Tout ceci, sans parler de certaines associations de médicaments dont les conséquences peuvent être néfastes pour la santé. »
Pour les antibiotiques utilisés dans le traitement de la COVID, les médecins sont unanimes : ces produits sont utilisés dans les formes qui présentent « des facteurs de gravité », car les antibiotiques ne sont pas destinés à traiter le virus, mais plutôt « à traiter les complications de ce virus », comme « la surinfection bactérienne, pulmonaire ou autres ». Pour rappel, et selon les résultats d'une étude, initiée en 2018 par l'Union nationale des Opérateurs de la Pharmacie (UNOP) sur la consommation des médicaments en Algérie, plus de 50% des algériens privilégieraient l'automédication. Menée par la société Immar Research and Consultancy, de février à mars 2018, l'étude en question s'est intéressée au comportement des Algériens vis-à-vis de leur santé en général et des médicaments en particulier, en ciblant un échantillon représentatif de 2603 personnes issues de 23 wilayas. La tranche d'âge allant de 18 à plus de 60 ans, dont 50 % de femmes, avec un niveau d'instruction disparate et une majorité de résidents en milieu urbain. L'enquête, présentée par le Directeur général d'Immar, Brahim Sail, avait révélé que 52 % des personnes ayant consommé des médicaments parmi le panel interrogé ont privilégié l'automédication, alors que 45 % de ce dernier recourent à la phytothérapie, essentiellement en s'approvisionnant chez les herboristes.


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