Algérie

Course lancée à Alger entre ajustement par le FMI et sursaut par l'auto-réforme Analyse éco : les autres articles



Course lancée à Alger entre ajustement par le FMI et sursaut par l'auto-réforme Analyse éco : les autres articles
En un trimestre, le premier de 2013, l'Algérie est lourdement retombée dans le décor économique du milieu des années 80. Première constante, le FMI. Contrairement à la solennelle déclamation de Mme la directrice à Alger : le monde change, le FMI ne change pas. Il veille toujours à ce que ses Etats membres ne deviennent pas des débiteurs vis-à-vis du reste du monde. Et donc des patients à perfuser en crédits. Pour la première fois depuis la fin du plan d'ajustement de 1995-1998, un responsable du FMI dit à peine tacitement que l'Algérie peut retomber dans la situation du débiteur. Et pourtant, tous les grands indicateurs de solvabilité sont au vert encore aujourd'hui pour la «première économie du Maghreb».
Christine Lagarde a commencé par les citer. Elle a, usage ordinaire vis-à-vis d'un bailleur de fonds, noté les bienfaits de la politique de relance par la dépense publique et la prudence dans la gestion des avoirs extérieurs de l'Algérie. Avant de mettre les pieds dans le plat : «L'affaiblissement de la situation budgétaire suscite aussi des craintes pour la viabilité des finances publiques. Chacune de ces tensions est préoccupante en soi, et le devient d'autant plus si l'on considère le nombre d'Algériens qui sont sans emploi».
La messe est dite. Michel Camdessus, ancien directeur du FMI, parlait presque pareille. Il y a bientôt trente ans. Seconde constante, l'auto-réforme. La situation est semblable à celle du milieu des années 80, en cela que face à l'alerte du FMI, s'est trouvé en Algérie un courant de pensée, celui des réformateurs, conscient qu'il était urgent de sortir de l'économie administrée. Une course de vitesse était alors engagée.
Entre la conduite de la réforme par les nationaux ou sa mise sous tutelle à Washington. Course à multiples paramètres, le plus prégnant étant l'effondrement des revenus énergétiques du pays. Perdue. Michel Camdessus a déboulé chez les ménages algériens un sinistre soir de printemps en 1994, pour leur annoncer, à l'heure du dîner, qu'ils allaient brutalement s'ajuster au «véritable» niveau de vie de leur pays en banqueroute. Ici s'arrête la ressemblance entre les conjonctures économiques du milieu de la décennie 80 et l'actuelle.
La banqueroute des finances publiques paraît pour une majorité d'Algériens citoyens et gouvernants, encore hors champ cérébral. Si l'auto-réforme est devenue un courant politique autour de Mouloud Hamrouche, c'est aussi parce que la crise l'imposait. Tout autant qu'elle mettait fin au monopole du FLN sur la vie politique. Le FMI, celui qui ajuste à distance, et l'auto-réforme, celle qui anticipe, en local, le creux de la vague, sont des scénarios-acteurs devinables dans le paysage mental des prochaines années. Mais si Christine Lagarde proclame l'oracle du monde extérieur sur l'Algérie, qui porte l'anticipation de la réforme par soi-même aujourd'hui en Algérie ' La nécessité de changer urgemment de modèle de croissance, d'entamer la diversification des exportations, de renoncer à l'électoralisme budgétaire permanent, est au tout début de sa perception.
D'où le moment charnière de ce premier trimestre 2013. Le rapport Nabni pour 2020 en est sans doute le jalon le plus fort. Abdelatif Benachenhou en est un autre, lorsqu'il proclame l'impératif d'une réallocation des ressources de l'Etat. Cela ne fait pas un courant politique significatif pour entamer une sortie du dopage au carbone et à la subvention. Même si on y ajoute les 50 propositions du FCE, les prises de position de Care et le discours pessimiste sur les réserves prouvées de Sonatrach. Dans l'indicible course entre l'ajustement par le FMI et le décollage par l'auto-réforme, le premier a encore de l'avance. Aucun parti politique ne se projette à cette échelle temporelle.
Pour dire que les prix intérieurs de l'énergie sont dangereusement bas. Que la hausse paniquée des subventions de produits de base en 2011 génère plus de gaspillage que d'aides. Ou encore pour pointer l'expérience artificiellement gonflée des capitaux marchands de l'Etat, budgétivore pour 80% du parc des EPE. Dans ce match, encore imperceptible, entre la «solution extérieure» à de lointains troubles pour cause de future insolvabilité et le sursaut intérieur pour les prévenir, l'arbitre a peut-être changé de sifflet ces dernières semaines.
Mme Lagarde a pu venir scander à Alger des vérités peu banales : le dérapage de l'inflation à 9%, le doute sur la soutenabilité des finances publiques, le renoncement aux «connexions mondiales» et «à un univers de possibilités», «les restrictions qui pèsent sur l'investissement étranger», ' «parmi les plus lourdes au monde» ', les contraintes administratives sur l'offre de biens et de services. Le système politique algérien n'aime pas annoncer lui-même les pilules amères à son opinion. Eternel déficit de légitimité démocratique. Laissez dire par le FMI que le moment est venu de faire autrement est une vieille posture tactique en Algérie. Rien ne dit que c'est le cas avec le passage à Alger de Christine Lagarde. Tout y ressemble pourtant.


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