«Il faut payer
les enseignants. Sinon, c'est les enfants qui payent.»Guy Bedos, humoriste
français.
Actuellement,
c'est une véritable galère à laquelle sont soumis les nouveaux candidats au
prochain baccalauréat. Pour établir la carte d'identité nationale, ils vont
passer un temps fou pour se faire délivrer l'extrait de naissance, le désormais
fameux S12, qui fait jaser depuis son apparition tous les demandeurs et surtout
ceux qui sont nés à des milliers de lieux de leur résidence.
À la pÊche des
cours privÉs
Et ce n'est pas
fini, depuis la rentrée scolaire, de très nombreux lycéens courent vite
s'inscrire dans les cours particuliers qui ont pris des proportions alarmantes
ces dernières années. C'est une véritable course effrénée contre la montre. Le
phénomène ne cesse de s'amplifier d'années en années. Si les élèves optent pour
ces cours qui ne sont plus des cours de soutien comme dans un passé pas
lointain, c'est que l'école publique ne joue pas pleinement, comme jadis, son
rôle de leader. Et puis qu'est-ce qu'on peut faire avec un bac autour de la
moyenne ? On ne peut espérer obtenir une moyenne élevée si l'on doit se
contenter que des cours dispensés au lycée. On ne peut que dire adieu au mois
de juillet au rêve de la pharmacie, de la médecine ou encore de l'informatique
à Oued S'mar.
Nos élèves assimilent sensationnellement la
même leçon en cours privé dont ils n'ont retenue que des bribes en cours
scolarisé. Le mal ne réside pas en l'existence de ces cours individuels, mais
ce qui dérange le plus c'est que cela se fasse au détriment de la qualité des
cours procurés à l'école étatique.
C'est donc une
école adultérine qui a été enfantée dans l'ombre et dont on ne veut absolument
pas évoquer le nom dérangeant dans les discours même officieux. Elle est
surtout née de la dégradation des conditions de travail de l'enseignant, de son
rang dans la société et de sa place dans l'échelle des valeurs. Il faut noter
que les classes bondées d'élèves ne plaident aucunement en faveur de la
sérénité à développer de sérieux concepts pédagogiques chers aux théoriciens de
l'éducation nationale. La réalité du terrain est très éloignée de la démagogie.
Il faut être un fou pour retenir l'attention de 45 élèves en moyenne, dans une
classe bouillante où il faut ouvrir les fenêtres pour ne pas suffoquer, et qui
perdent leur temps à se chamailler à toutes les séances pour repérer la bonne
table afin d'avoir le meilleur angle possible de visée du tableau.
En occupant l'espace, les cours particuliers
possèdent naturellement leurs statuts particuliers et règlements intérieurs
approuvés sous le manteau. La panique aidant, il faut réserver sa place dès la
fin de l'année scolaire écoulée pour être certain d'être sélectionné. Le
bouche-à-oreille fait des siennes à merveille. Les transactions battent leur
plein en pleine saison estivale. A la fin du mois d'août, ils sont déjà au
grand complet.
Ces cours privés sont entrain de crever le
budget familial. Les plus nantis se foutent éperdument du prix à mettre dans
l'enveloppe. A force de persévérance, le pouvoir matériel prend le dessus sur
l'instruction dans le pays. Imaginez un père de famille fonctionnaire de son
état dont plusieurs bambins suivent en parallèle ces cours devenus presque une
obligation à toute réussite de sa progéniture. Des parents, perdus et à la
merci de ce lobby, subissent ce mouvement la mort dans l'âme sans broncher.
C'est une véritable saignée mensuelle au sein de la famille au même titre que
la facture d'électricité ou du loyer. La loi du silence sévit dans le milieu. L'éthique
et la déontologie font des vagues dans les parages. D'autres cèdent à perte
leur dernier trésor, leur chère bague de fiançailles pour tenter de hisser le
niveau éducatif de leurs enfants. Que pensent ces messieurs de ces parents
pauvres qui n'arrivent plus à subvenir aux ventres de leurs petits ? Ils seront
sans doute les victimes directes de ces inégalités.
Pressés par l'entourage comme des citrons,
les écoliers font endurer à leurs malheureux parents les plus pires pressions.
Le snobisme fait des dégâts incommensurables au sein des lycéens. Gare à celui
qui ne choisit pas cet insolite engouement des temps nouveaux à cet âge
terrible de l'adolescence. Il sera mis à l'index, écarté du groupe et banni de
la récréation. Il sera à jamais marqué par l'impitoyable complexe d'infériorité
en laissant assurément des séquelles incurables au sein d'une partie de cette
jeunesse avide de rêves en monts et merveilles.
Puisque l'école publique abandonne presque
ses enfants à la rue, ce sont d'autres qui en profitent allégrement de cette
aubaine. Ils n'étaient pas demandeurs, c'est l'école étatique qui leur a
présenté ce présent royal sur un plateau doré. Plus l'école publique plonge
vers le bas et plus le filon continue son extraordinaire ascension. C'est
devenu même une concurrence déloyale.
Les enchères du montant de ces cours
fluctuent d'une ville à l'autre selon sa portée, son opulence et principalement
selon sa bourse locale. Elles peuvent varier du simple au quintuple, voire
davantage. Cela dépend couramment du nombre d'élèves dans le groupe qui peut
monter de l'unité à la vingtaine. Pour les moins onéreux, l'enveloppe du mois
par tête se chiffre à 1500 DA comptant par matière à raison de 2 séances par
semaine. Pas de négociations ni de rabais ne sont permis dans la sphère.
Nous sommes dans une boutique de luxe, les
prix sont fixés à l'avance en été et affichés, pas un centime de moins. Chaque
formule est cédée à son juste prix, c'est la loi du marché. Il y a des
enseignants qui se font le plein chaque mois avec 4 groupes, chacun de 20
élèves. On peut facilement deviner la rentrée conséquente, nette d'impôts dans
les poches, à la fin du mois. Pour les grandes villes, c'est une autre
histoire. Cela dépasse l'imaginaire.
Une grande majorité de ces messieurs, fort
heureusement pas tous, font le juste minimum le jour, le moindre effort aux
cours officiels mais ils carburent le soir à plein régime. Ils ne peuvent pas
tenir la cadence maximale exactement comme un footballeur ne peut jouer deux
matchs consécutifs le même jour. Le choix du match à jouer avec les tripes est
vite déterminé. Au lycée, c'est le match amical, le cours du soir c'est le
match à points importants où il faut mouiller son maillot pour empocher la
prime substantielle. Et c'est tout à fait normal pour un enseignant qui a perdu
tout espoir d'augmentations de normes universelles.
Ces cours payants se font généralement dans
des garages aménagés ou dans le salon exigu de l'intéressé. Le pousse-pousse y
est présent à chaque séance. Pour les plus chanceux, ils se déroulent dans
l'école publique avec toutes les charges aux frais du contribuable.
Ils ne suscitent guère de commentaires du
secteur car ils aident sournoisement à améliorer de manière très sensible les
résultats au baccalauréat. Si ces cours seront prohibés, on ne peut éviter la
catastrophe nationale du taux de réussite du baccalauréat. Ils constituent
naturellement un allié stratégique avec les affaires de la politique du
triomphe virtuel de l'enseignement dans le pays. A-t-on entendu un quelque
responsable de l'éducation nous parler de cette fatalité qui s'est installée
comme un passage incontournable à tout succès scolaire ? Il y a quelques
années, le ministère de l'éducation a élevé la voix mais comme d'habitude sans
suite. Comme il ne peut pas s'aligner sur les salaires des pays normalisés,
c'est le silence intégral qui est préconisé. On ne doute pas que ce dopage va
être néfaste à ces futurs étudiants qui ont été trop habitués à cet assistanat
anti-pédagogique.
Il est temps que les responsables du
ministère établissent des statistiques sur le pourcentage d'élèves de
terminales qui sont des assidus de ces cours privés ainsi que leur taux de
réussite au baccalauréat. Nous devinons que les résultats attendus ne seront
pas loin des consternations mais il faut nécessairement aborder le choc de face
pour ne pas fuir ces réalités. On ne peut cacher inlassablement le soleil à
l'aide d'un arbrisseau.
Les cours privés prolongent leur avancée en
frappant aux portes du cycle primaire. Au sein du cycle moyen, des règles
inhabituelles se sont déjà érigées en maîtresses des lieux. Ces cours
particuliers sont entrain de poursuivre leur bonhomme de chemin à l'université,
eh oui ! En sévissant dans l'illégalité.
Est-ce une privatisation masquée de l'école
publique qui ne veut pas dire son nom où est-ce un prélude à une politique
future? L'avenir nous montrera clairement les réelles intentions.
DES START-UP EN
ATTENTE
Des cours
particuliers qui ont pris ces derniers temps des tournures agressives en se
donnant virtuellement à distance. En effet, des sites créés nouvellement sur le
web, genres de start-up à l'algérienne tombée de nulle part, proposent des
cours en vidéo en contrepartie bien sûr de l'argent en dinars sonnants et
trébuchants ordonnés à l'avance pour l'inscription. On ne sait même pas s'ils
sont agrémentés et leurs cours certifiés. Les placards publicitaires de ces
nouveaux juteux commerces occupent des pages entières sur les journaux
nationaux par défaut de textes et en narguant le vide juridique qui plane dans
le pays. Y a-t-il un pilote dans l'avion de l'éducation ? Où est cette école
publique dont on n'arrête pas de vanter les mérites dans tous les JT de l'ENTV
? Est-elle devenue une coquille vide, sans résonance ? Nos enfants sont devenus
un but lucratif à souhait sans que l'on bouge un seul doigt de la main.
Ce dont je n'arrive pas à comprendre, ce ne
sont pas uniquement comme dans un passé récent les cours de mathématiques et de
physique-chimie qui font sensation en milieu lycéen mais des émules ont vu le
jour un peu partout pour les autres matières. Les sciences naturelles, la
philosophie, l'histoire-géo, la langue arabe, les langues étrangères française
et anglaise, etc. ont aussi trouvé preneurs parmi nos élèves étourdis par tant de
sollicitations et qui ne savent plus où se donner leur frêle tête juvénile par
cet enseignement généralisé. Je ne vois pas comment on peut esquiver de parler
de déroute de l'éducation !
La fièvre de la « coursmania » s'est emparée
de toutes les villes, ne laissant aucun lycéen indifférent. Il y a des
localités où des parents aisés cotisent pour s'acquitter des cours, sans
exception, pour toutes les classes de terminales afin de ne pas créer des
distinctions entre les élèves du même pâté. C'est vrai que c'est une bonne note
pour la solidarité du groupe, pourtant c'est une grosse gifle sur l'effigie de
l'école publique.
LES POUVOIRS
PUBLICS À L'INDEX
Il faut quand
même souligner la responsabilité flagrante des pouvoirs publics qui ont laissé
trop traîner les choses en ne répondant pas favorablement aux revendications
socio-professionnelles de cette frange de la société qui est chargée de former
les hommes de l'Algérie de demain. Ils ont laissé s'installer des mÅ“urs
travestissant l'enseignement dont il sera difficile de s'en priver si les
problèmes de l'éducation en général demeurent interminablement en suspension.
On ne peut bâtir une éducation solide sur des enseignants lésés.
L'état a mis le plus gros budget aux mains de
l'éducation nationale mais il a omis de valoriser l'élément humain qu'est
l'enseignant, véritable nÅ“ud gordien pour toutes réformes éducatives.
Ils subsistent heureusement dans ce pays de
très nombreux enseignants qui luttent pour la survie et la prise en charge par
les pouvoirs publics de l'école étatique qui leur a permis d'arriver là où ils
le sont actuellement. Ils n'ont pas oublié d'où sont-ils venus. Nos parents
fauchés des années 60 ne seraient jamais permis le luxe de nous offrir
aujourd'hui des cours particuliers si ce n'est l'école publique qui nous a
octroyée le niveau d'instruction actuel en étant habillés à cette époque en
sandales de caoutchouc pour ne pas dire pieds nus et en vêtements rapiécés tout
en étant usés et décolorés par le temps.
Thank you mister GUEZOURI
Enfin, l'exemple
typique qui me paraît le plus exceptionnel à citer est celui de Monsieur
Abdelkader Guezouri du lycée de Maraval de la ville d'Oran à qui je dédie un
grand bravo et d'immenses remerciements pour les efforts consentis pour sa
profession et son dévouement à la cause. Je sais qu'il n'est pas le seul dans
ce métier mais à travers lui, c'est un hommage rendu à l'ensemble de ses
consciencieux et soucieux collègues sans oublier ceux des paliers primaire et
moyen.
Monsieur Guezouri dépense, sans compter,
depuis des années de gros efforts en offrant gracieusement des cours de
physique-chimie tous niveaux confondus ainsi que des exercices d'application
corrigés à travers son site sur la toile et dont je me permets de le citer, non
à titre publicitaire puisqu'il est gratuit: www.guezouri.org.
Un site très
riche, mis à jour périodiquement, avec des liens intéressants de ses collègues
des autres matières professant en des endroits différents dans le pays. Ces
cours, devenus une référence, sont repris par de nombreux de ses collègues
enseignants au niveau du territoire national.
Sans le connaître
personnellement, il est devenu par la force de la science un vrai familier de
la famille où ses pages sont visitées et épluchées par les enfants chaque jour,
du matin au soir, pour guetter ou télécharger la moindre nouveauté d'un cours
ou d'un exercice éclairé. Nos internautes peuvent même le saisir par mail pour
un problème ou un cours non élucidé.
Continuez à
défendre l'école qui vous a permis de forger en vous le partage de tout ce que
vous avez acquis de vos antécédents enseignants. Vous honorez fort bien votre
profession. Il faut que la cocotte se secoue bien pour nous donner des milliers
de votre espèce pour espérer renouer les liens avec notre éducation.
Par ailleurs, on
ne peut infiniment bâtir une politique basé sur le bénévolat, il est temps que
l'état passe à la caisse pour payer les efforts fournis à la sueur du front.
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Posté Le : 21/10/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Mohammed Beghdad
Source : www.lequotidien-oran.com