Un wait and see qui renvoie aux nombreuses inquiétudes que l'Egypte, encore en devenir, suscite çà et là, par rapport à l'origine islamiste du nouveau chef de l'Etat, certaines questions d'ordre politique et de portée tant internationale que régionale et, surtout aux réformes que beaucoup attendent du Président Morsi. Mais il est évident que la demande égyptienne ainsi formulée en direction d'une instance financière internationale est à la fois le signe d'attentes internationales du Caire pour se sortir du marasme économique et ' par la même ' le signe d'une volonté de ré-ancrage dans la vie économique et financière internationale après une révolution et une alternance politique qui auguraient d'un bouleversement radical. Il faut le dire, aujourd'hui, l'Egypte vit des lendemains révolutionnaires incertains d'un point de vue économique. L'économie au ralenti depuis la chute du régime de Hosni Moubarak, a besoin, pour redémarrer au rythme de croissance antérieur, des éléments qui faisaient sa vitalité et que les nouvelles autorités tardent à réhabiliter sur le terrain de la réalité. Mais la question que l'on est en droit de se poser au moment où l'on parle de perspectives de retour à une vie économique normale pour un pays qui sort d'un sursaut révolutionnaire éprouvant, c'est celle de savoir si l'enjeu pour le nouveau Président égyptien s'arrête à un rétablissement de la situation pré-révolutionnaire. Car, en effet, les attentes de la nouvelle Egypte dépassent de loin la perspective de restauration, puisqu'il est question d'une meilleure répartition des richesses, d'une égalité des chances, et d'une relance structurante de l'économie sur des bases légales et transparentes et non plus sur la base des affinités des patrons de l'ancien régime avec les investisseurs étrangers ou les puissances occidentales. Dites de cette manière, ces attentes peuvent paraître accessibles, mais, en fait, leur complexité est à la mesure du défi démographique, du défi des clivages à combler, du défi des fonds à pourvoir et, surtout, en attendant, du défi de la stabilité et de la cohésion sociale à maintenir.
L'HERITAGE MOUBARAK, UN LEGS DESASTREUX
L'Egypte d'avant la révolution Place Tahrir, avec ses situations économique et sociale, ses modes de gestion politique et de pouvoir, ses canaux d'ascension et ses couloirs d'enrichissement et d'accès à la rente, ses services de sécurité, son administration, ses banques et tant d'autres relais qui se passent, impunément depuis des décennies, les témoins de l'injustice, de la répression et de la corruption, expliquent bien l'avènement de la révolte du peuple égyptien. De la dynamique économique que vit le pays depuis plus de 15 ans, étaient exclus 40 % de la population, soit plus de 30 millions qui vivent avec deux dollars/jour. L'absence d'un classe moyenne en mesure d'amortir les chocs induits par l'exclusion, le chômage, la surpopulation et tant d'autres fléaux spécifiques à l'Egypte, ont surdimensionné les clivages sociaux et créé, par la force des choses, une classe de déclassés avec une juxtaposition insoutenable des couches sociales sur les paliers desquelles on ne peut voir que des moins pauvres, des pauvres et des plus pauvres. Les riches, eux, côtoient les nuages et... les étrangers. C'est ce que laisse Hosni Moubarak aux Egyptiens, après trente années de pouvoir interrompu par une révolution, juste au moment où le chef d'Etat déchu s'apprêtait, d'une main de fer, à passer le relais à un de ses fils. Aujourd'hui, la situation n'a pas changé et au vu des bouleversements induits par la révolution, on peut même dire ' du fait que l'économie égyptienne repose essentiellement sur le secteur touristique ' que la situation s'est aggravée et que si elle demeure gérable à ce jour, c'est grâce aux réserves de change dans lesquelles on continue de puiser et qui se réduisent, chaque mois, comme une peau de chagrin. Ce qui a en revanche changé de façon déterminante, c'est certainement la conviction chez les Egyptiens dont la dignité et les droits étaient bafoués, qu'ils peuvent désormais prendre leur destin en main et espérer contribuer à construire des lendemains meilleurs et plus justes pour tous. Concession ultime de fin de règne, Moubarak avait, au plus fort de la colère de la Place Tahrir, consenti une augmentation de 15 % des salaires, espérant apaiser la rue. Rien n'y fit et c'est son successeur qui a repris à son compte cette mesure.
Que peuvent les 5 milliards du FMI '
Il est évident que 5 milliards de dollars ne peuvent soutenir des efforts de transition économique et il faudra au Président Morsi déployer des efforts de diplomatie et des man'uvres d'approche très adroits et tout aussi convaincants pour décaisser auprès des partenaires de l'Egypte des aides et des prêts qui lui permettent de réunir les fonds nécessaires à de véritables réformes. Il se dit déjà que les cinq milliards de dollars du FMI sont destinés à budgétiser des dépenses à court terme, à savoir le paiement des salaires et l'importation de biens de consommation, les Frères musulmans entendant financer la paix sociale le temps de passer le cap des prochaines élections. Mais à vrai dire et à considérer les attentes desdits partenaires de l'Egypte, l'Arabie Saoudite comprise, l'appel de Morsi en direction du FMI est interprété comme un signe de bonne volonté et d'une intention de gestion politique et économique réaliste. Ce qui fait des cinq milliards de dollars du FMI non seulement un capital de départ qui sera affecté à des fins de gestion sociale, mais également un capital d'appel qui suscitera un regain de confiance de la part des soutiens traditionnels de l'Egypte et autant une autorisation tacite des puissances en direction de leurs alliés riches à prêter à l'Egypte et à investir de nouveau dans ce pays. C'est en cela, essentiellement, que l'appel au FMI procède, pour Morsi, d'un franchissement de cap dont il pourra espérer récolter les bénéfices à moyen terme.
L'EGYPTE, CE GRAND CHANTIER
Outre des réformes institutionnelles qui doivent prendre en charge en urgence une corruption généralisée, l'Egypte fait face à un chômage endémique qui touche en majorité les jeunes, à une économie gangrenée par l'informel, et à une situation démographique désastreuse qui interroge des enjeux élémentaires de développement infrastructurel et humain. C'est l'échec ou encore l'inadéquation entre des politiques de développement économique et social, et la croissance démographique, que les politiques antérieures ont perpétué durant des décennies qui a fini par produire la situation actuelle de l'Egypte où la notion de courage politique prend tout son sens en matière d'approche des réformes, car la réalité est que les besoins quotidiens de dizaines de millions de personnes sont au moins aussi cruciaux et aussi urgents que des réformes, au demeurant incontournables, qui devraient ouvrir la voie à une modernisation du pays et de son économie. Le FMI est prêteur, mais cette bonne volonté implique de la part du président égyptien, comme l'a bien signifié Christine Lagarde, présidente du FMI, un courage politique. Mais la question, qui est de taille, demeure et s'impose : de quel courage politique est-il question ' Celui qui consisterait à supprimer les subventions sur les produits alimentaires dans un pays où le fruit du travail d'une journée permet à peine de manger ' Nul doute que de telles évocations sont par trop prématurées pour un pays qui se trouve dans une posture post-révolutionnaire très sensible ; cela même si l'effort qui doit se mener, doit, sur le moyen et long terme, procéder de profondes réformes qui ne sauraient épargner nul pan de l'activité humaine. Mais sur le court terme, la paix sociale a son prix, qui serait propice à un climat de relance de l'activité économique en vue de la création d'un maximum d'emplois et la réhabilitation de la destination Egypte.
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Posté Le : 01/09/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : M B
Source : www.horizons-dz.com