Algérie

Coup de force à Islamabad



Le Pakistan est sous état d?urgence depuis avant-hier samedi. Cette mesure, décidée par le général Pervez Musharraf, entraîne la suspension de la Constitution et le gel des activités de la Cour suprême qui était sur le point de donner son verdict sur la réélection du général Musharraf à la présidence de la République. Selon toute vraisemblance, c?est un verdict invalidant qui allait être prononcé par la Cour suprême dont le président a été démis de ses fonctions dès l?instauration de l?état d?urgence que le général Musharraf justifie par la subversion islamiste au Pakistan. Du coup, les élections législatives prévues pour la mi-janvier 2008 sont remises en cause. C?est un revirement majeur de la part du général Musharraf qui signifie brutalement à la face du monde qu?il entend rester seul maître à bord au Pakistan. Il était, en effet, quasiment acquis que le général Musharraf, après les législatives de 2008, accepterait la constitution d?un gouvernement de cohabitation dirigé par sa plus irréductible opposante, Benazir Bhutto. Celle-ci, qui se trouvait à l?étranger au moment de la proclamation de l?état d?urgence, est revenue précipitamment à Islamabad, exhortée sans doute en cela par la Maison-Blanche qui avait parrainé son retour au Pakistan. Mais en renonçant à ses engagements, le général Musharraf plonge dans le plus extrême embarras ses alliés américains qui sont pris de court par la précipitation des événements. Le scénario d?une union forcée Musharraf-Bhutto. C?est manifestement une épine dans le pied du président George Bush qui tablait sur un Pakistan stable pour pouvoir consacrer d?ultimes efforts, pour le restant de son mandat, à « pacifier » définitivement l?Afghanistan. Cette stratégie n?a pas intégré, certainement par méconnaissance des services de renseignements américains, les facteurs endogènes de la société pakistanaise et plus particulièrement encore l?inimitié féroce qui opposait le président de la Cour suprême et le président pakistanais. Les deux hommes avaient eu maille à partir dans un passé très récent, et il était notoire que le contentieux n?était pas vidé entre eux. Cette fois-ci, Pervez Musharraf s?est comporté en militaire pour prévenir une décision de la Cour suprême qu?il pressentait désastreuse pour la suite de sa carrière. Dans la foulée de l?instauration de l?état d?urgence, l?armée pakistanaise a procédé à des centaines d?arrestations parmi les opposants au général Musharraf. Rongée par la corruption, mise en difficulté par la multiplication d?actes de représailles consécutifs à l?assaut sanglant de la mosquée rouge, l?été dernier, l?armée pakistanaise entend reprendre les choses en mains sans avoir à se justifier. L?état d?urgence, et un éventuel recours à la loi martiale, lui laisseraient les coudées franches pour une répression tous azimuts. C?est désormais à ce seul prix que le général Musharraf pourra assurer la survie de son régime et, ce qui n?est pas accessoire dans cette affaire, la sienne propre. Il ne craint pas, pour cela, de porter ostensiblement l?uniforme du dictateur. En cela, il devient pour l?Europe et l?Amérique, qui fait de lui le portrait d?un allié rassurant, un bien encombrant compagnon de route.


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